EFFETS SPÉCIAUX. (suite)
le Voleur de Bagdad (L. Berger, CO : M. Powell et Tim Whelan, 1940), premier grand film de truquages en couleurs trichromes (procédé Technicolor) ;
les Aventures fantastiques du baron de Münchhausen (J. von Baky, 1943), premier grand film de truquages en couleurs par procédés négatif-positif.
Plus tard, les truquages devenant usuels, leur fascination s'émoussa quelque peu (même si elle fut un des éléments déterminants de films comme Mary Poppins, R. Stevenson, 1964), d'autant qu'il y avait la concurrence de la couleur, du grand écran, du relief, du son stéréophonique, des superproductions. Depuis quelques années, les films à truquages sont redevenus un genre très prisé, d'abord avec les films-catastrophe du début des années 70 (Tremblement de terre, M. Robson, 1974 ; la Tour infernale, J. Guillermin, id.) puis surtout avec les films de science-fiction et de fantastique (Superman, R. Donner, 1978 ; la Guerre des étoiles, G. Lucas, 1977 ; le Trou noir, Gary Nelson, 1980 ; Tron, Steven Lisberger, 1982).
Les origines.
Au-delà des trucs hérités du théâtre (machineries, trappes), des maquettes, des objets mus par des fils invisibles, etc., les cinéastes des origines — et tout particulièrement Méliès — ont imaginé la plupart des « trucs » du cinéma :
— l'inversion du mouvement. Cet effet est né avec le cinéma lui-même : il suffisait de tourner à l'envers la manivelle du projecteur. Autre méthode simple : on tournait avec la caméra la tête en bas et l'on projetait le film (dans le sens normal de défilement) après l'avoir retourné tête-bêche ;
— l'arrêt momentané de la caméra. Si les comédiens se sont immobilisés quand on arrête la caméra et ne bougent pas pendant l'arrêt, on peut faire apparaître (ou disparaître) un comédien ou un objet, ou bien pratiquer une substitution ;
— la surimpression, connue depuis longtemps par les photographes et qui consiste à surperposer deux prises de vues. Ce truquage permet par exemple la création de fantômes si les « fantômes » évoluent, dans la seconde prise, devant un fond noir (voir ci-dessous) ;
— les effets de perspective. Astucieusement filmés, des comédiens (les uns proches de la caméra, les autres plus lointains) paraissent situés à une même distance mais avec des tailles différentes. Combiné au fond noir, ce truc permettait de faire grandir un personnage par rapport à un autre ;
— le fond noir. Le velours noir réfléchit très peu la lumière ; à l'emplacement de son image sur le film, le négatif demeure pratiquement vierge, ou n'est pratiquement pas modifié s'il a déjà été impressionné. Le fond de velours noir permettait ainsi toutes sortes de truquages. Truquages par simple exposition : objets se déplaçant apparemment tout seuls mais mus en fait par un manipulateur vêtu de velours noir. Truquages par double exposition : fantômes ; ou bien cet effet longtemps employé avec succès : pendant qu'un personnage dort, son « double » se détache de lui, ou bien encore la multiplication d'un comédien, filmé successivement dans la moitié gauche puis dans la moitié droite de l'écran image.
Dans ce dernier exemple, le fond noir apparaît comme l'ancêtre du cache-contre-cache, qui est aujourd'hui à la base de la plupart des truquages cinématographiques.
Le cache-contre-cache.
Caches et contre-caches peuvent être fixes et placés soit dans le couloir de la caméra (ou de l'élément « caméra » de la tireuse optique), auquel cas ils ont un bord net, soit devant l'objectif, auquel cas leur bord est flou. Avec des caches démasquant successivement différentes portions de l'image, on peut multiplier un comédien dans plusieurs rôles (Fernandel dans le Mouton à cinq pattes d'Henri Verneuil, Alec Guinness dans Noblesse oblige de Robert Hamer, Louis Jouvet dans Copie conforme de Jean Dréville). C'est également avec des caches-contre-caches fixes que Cecil B. De Mille intégra dans une authentique vue de mer le sillon (filmé en studio) creusé par Moïse dans la mer Rouge.
Caches et contre-caches fixes, reportés sur des films cache défilant dans la tireuse optique (comme indiqué plus avant) au contact du film à copier, sont très souvent employés pour remplacer un élément de l'image ou pour y introduire un élément qui n'existait pas à la prise de vues (cf. le château de Malevil, C. de Chalonge, 1981).
Le grand essor du cache-contre-cache en tant que truc date toutefois du moment où l'on sut pratiquer le cache mobile (désigné usuellement par l'équivalent anglais travelling matte), qui permet, partant d'un film où évolue un comédien, de générer un cache épousant exactement le contour du comédien. On peut ensuite, par cache-contre-cache classique, insérer l'image du comédien à l'intérieur de n'importe quelle autre image.
Une première méthode, employée dans les années 30, utilise uniquement le film noir et blanc. Le comédien, évoluant devant un fond noir, est habillé et éclairé de telle sorte que son image sur le film ne soit nulle part plus sombre que gris soutenu. En copiant le film sur pellicule à haut contraste, on fait venir en blanc tout ce qui n'est pas vraiment noir. Par recopie sur négatif, on obtient un cache noir superposable à l'image du comédien.
La méthode est abandonnée depuis l'apparition des films en couleurs. On en retrouve toutefois le principe dans le procédé aujourd'hui usuel : le travelling matte sur fond bleu, où le comédien est filmé devant un fond d'un bleu particulier. En recopiant le film derrière un filtre approprié, on sépare ce qui est vraiment de cette couleur (c'est-à-dire le fond) de ce qui ne l'est pas. Cette méthode est évidemment plus commode que la précédente, la seule contrainte majeure étant que l'image du comédien soit totalement exempte du bleu de sélection. (A priori, n'importe quelle couleur de fond conviendrait. Le bleu présente notamment l'avantage d'être absent de la couleur de la peau.) Nombre de films contemporains, tels Superman ou le Trou noir, montrent que l'illusion peut être quasi parfaite.
Tous les truquages par cache-contre-cache — et particulièrement le travelling matte, qui implique de multiples recopies — nécessitent de veiller avec un soin extrême, tout le long du processus, à la juxtaposition ou à la superposition parfaites des divers éléments. Sinon, des franges apparaissent, franges qu'il était notamment difficile d'éviter dans le travelling matte sur fond noir.