scénariste autrichien (Gratz 1894 - Londres, G.-B., 1944).
Personnalité essentielle du cinéma allemand de l'entre-deux-guerres, initiateur de ses trois courants fondamentaux : l'expressionnisme, le Kammerspiel, l'unanimisme social, il a imposé sa marque à tous les réalisateurs qui travaillèrent avec lui. Son père, riche homme d'affaires, ruiné au jeu, se suicide ; le jeune Carl doit assurer l'existence de ses trois frères. Il vend des baromètres, chante dans des chœurs, dessine des portraits sur cartes postales, fait de la figuration théâtrale. C'est un piéton infatigable, épris de l'atmosphère des villes et des foules qui les animent. Mobilisé en 1914, son esprit de révolte lui vaut plusieurs examens psychiatriques. Il revient de la guerre pacifiste résolu et ennemi acharné de tout autoritarisme. Ses films, pour la plupart, sont des méditations sur la tyrannie : politique, sociale, sexuelle, religieuse, domestique, qu'il s'agisse de Caligari, de Tartuffe, de la vamp Genuine, des supérieurs hiérarchiques du Rail et du Dernier des hommes, des autocrates de Vanina Vanini (1918). Secrétaire administratif du Residenz Theater de Berlin, il rencontre un autre révolté, l'écrivain et critique tchèque Hans Janowitz. Ensemble, ils écrivent le scénario du Cabinet du docteur Caligari (1919). Ce sera leur unique collaboration. Avec Genuine (1920), Torgus (1921), l'Escalier de service (id.), Mayer poursuit la transposition de l'expressionnisme au cinéma. Mais les scripts qu'il destine à Friedrich Murnau en 1920-21 — Die Gang in die Nacht, Schloss Vogelod — font déjà dériver l'expressionnisme vers un réalisme fortement psychologique, teinté de fantastique, qui, resserré dans les formes strictes des trois unités, aboutira au Kammerspiel. Le Rail (1921), la Nuit de la Saint-Sylvestre (1923), de Lupu-Pick, illustrent ce courant nouveau ; c'est Murnau cependant qui en porte l'esthétique à son sommet avec le Dernier des hommes (1924) et Tartuffe (1926). Authentique écrivain expressionniste, Mayer (qui n'écrivit toutefois que des scénarios) confère aux intertitres une fonction essentielle dans ses œuvres expressionnistes mais, de façon révolutionnaire, il les supprime en totalité de ses films Kammerspiel. Pour le Dernier des hommes et Tartuffe, il imagine des épilogues quasi brechtiens. Le Cuirassé Potemkine d'Eisenstein, qu'il voit en 1926, l'impressionne profondément et le persuade que le cinéma doit parler de la réalité et se fonder sur le montage. Toujours novateur, il s'enthousiasme alors pour un projet de film documentaire, unanimiste, dédié à la vie multiple d'une capitale : Berlin, symphonie d'une grande ville (1927). La réalisation tout extérieure, formaliste, que Walter Ruttmann apporte à son projet (« On y voit l'homme animal bien plus que l'homme social ») le déçoit et il fait retirer son nom du générique. Bien que Murnau, engagé par la Fox, l'appelle à Hollywood, il refuse de s'y rendre et c'est depuis Berlin qu'il participe pour beaucoup à un autre chef-d'œuvre : l'Aurore (1927).