Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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ÉCLAIRAGE. (suite)

Ce style français du noir et blanc connut, assez paradoxalement, un grand succès lors de l'apparition de la couleur, d'aspect alors assez brutal. À ce moment-là, le cinéma avait un demi-siècle d'existence et tous les genres d'éclairage, tous les styles d'image avaient été employés. (Les images de certains films ont été composées en référence ouverte à certaines époques de la peinture, par ex. au XVIIe siècle hollandais ou à Gustave Doré : pensons à la Kermesse héroïque de Jacques Feyder, photographiée par Harry Stradling, ou à la Belle et la Bête de Jean Cocteau et René Clément [1946] photographiée par Henri Alekan.) Le noir et blanc avait atteint son apogée.

La couleur. Elle était présente depuis le début du cinéma, ou presque : les films de Méliès (par ex. le Voyage dans la Lune, 1902) étaient coloriés à la main, image par image. On pratiqua ensuite le coloriage au pochoir. Enfin, on utilisa les virages ou les teintures : scènes de nuit teintées en bleu, scènes d'incendie en rouge, scènes de campagne en vert, etc. Parfois, bien en avance sur cette approche simpliste, la couleur était employée pour sa valeur dramatique : dans certaines copies du Cuirassé Potemkine (S. M. Eisenstein, 1925), le pavillon était rouge ; dans les Rapaces (1925), dont le leitmotiv est l'or, E. von Stroheim avait fait colorier, dans six copies, tout ce qui était de couleur dorée, depuis les boules de lit en cuivre jusqu'à la cage à oiseau que l'on retrouve dans le désert.

Parallèlement, il y eut rapidement des tentatives pour enregistrer directement les couleurs de la scène filmée : procédés bichromes (tels le Kinemacolor) puis procédés trichromes. C'est grâce à ces derniers que la couleur fit véritablement son entrée : Technicolor trichrome (popularisé dès l'avant-guerre par Autant en emporte le vent de Fleming), Agfacolor (lancé pendant la guerre, avec notamment la Ville dorée de V. Harlan en 1942). Il fallut toutefois attendre les années 50 pour que la couleur s'impose définitivement, jusqu'à reléguer le noir et blanc au rang d'exception. (Sur tous ces points,  PROCÉDÉS DE CINÉMA EN COULEURS.)

Le Technicolor, guère concurrencé jusqu'aux années 50, ne nécessitait pas seulement une caméra très lourde et encombrante. ( PROCÉDÉS DE CINÉMA EN COULEURS.) Il était aussi très peu sensible (initialement : 8 ASA) et donnait une image à contraste élevé. Enfin, son utilisation était soumise à la dictature des colour consultants de la firme, qui intervenaient à tous les stades de la production. C'est grâce aux procédés négatif-positif (Agfacolor, Eastmancolor, etc.), utilisables dans une caméra ordinaire et progressivement de plus en plus sensibles, que la couleur put conquérir le cinéma. Aujourd'hui, les films en couleurs sont pratiquement aussi sensibles et aussi souples d'emploi que les films noir et blanc.

Parallèlement aux problèmes techniques, l'avènement de la couleur ne fut pas sans poser des problèmes artistiques. Le noir et blanc est par nature une transposition de la réalité. La couleur, elle, est réaliste : c'est avec la couleur qu'est apparue la laideur. Le « look » du Technicolor, si prisé de nos jours par certains cinéphiles, ne venait pas tellement du procédé — en lui-même assez fidèle ; il venait des décors, des costumes, que l'on filmait avec la philosophie (en grossissant le trait) suivante : « Nous avons la couleur ; le public veut de la couleur ; eh bien ! nous allons lui en donner ! » (Cela jusqu'au kitsch et au surréalisme : voir les costumes de Carmen Miranda dans Banana Split [B. Berkeley, 1943] ou certains ballets nautiques d'Esther Williams.)

La période contemporaine. La Nouvelle Vague des années 50 et 60 avait été précédée par le néoréalisme italien, né pendant la guerre autant par réaction idéologique contre le cinéma des « téléphones blancs » qui fleurissait sous le fascisme qu'en raison des contraintes économiques de l'époque. (Ossessione, de Visconti, date de 1942 ; Rome ville ouverte, de Rossellini, de 1945.) En 1946, ce nouveau style s'affirma avec Païsa, film coûteux pour l'époque mais où Rossellini refusait le studio, le maquillage, les acteurs et (presque) le scénario. Dix ans plus tard, un groupe de jeunes critiques français, issus des Cahiers du cinéma, s'attaquait au cinéma traditionnel. À nouveau pour des raisons idéologiques autant qu'économiques, cette Nouvelle Vague entreprit de sortir le cinéma des studios où le tenaient enfermé les vieilles habitudes et les nécessités de la prise de son avec le matériel de l'époque, sans parler de la volonté de contrôle des producteurs.

De nouvelles émulsions noir et blanc très sensibles, et un nouveau style d'éclairage dont Raoul Coutard fut l'initiateur, permirent cette petite révolution au prix d'un paradoxe : éclairer le noir et blanc comme on éclairait alors la couleur, c'est-à-dire avec un faible contraste et sans zone d'ombre (l'éclairage étant le plus souvent indirect), tout cela au nom d'une lumière plus « naturelle » et d'une liberté plus grande de mouvements pour les acteurs et la caméra.

En fait, les résultats furent inégaux. La couleur assure par elle-même la structuration de l'image, la séparation des plans et des masses. En noir et blanc, le résultat est moins évident sans un travail de construction de la lumière. Cette méthode d'éclairage, qui allégeait le tournage et qui permit par là l'arrivée d'une nouvelle génération de cinéastes, donnait en revanche une lumière neutre, sans ombres. En réaction, et avec les progrès des films en couleurs, on est revenu à une lumière plus construite : la couleur est aujourd'hui maîtrisée comme l'était autrefois le noir et blanc. On ressent d'ailleurs actuellement un besoin de retour au studio, au moins dans les cas où le contrôle des éléments de la prise de vues est ressenti comme prépondérant. (C'est le cas en particulier des effets spéciaux.)

Le matériel.

Deux types de matériel d'éclairage coexistent aujourd'hui : le matériel traditionnel (amélioré) et celui issu des derniers progrès techniques.

Les projecteurs à arc. La source de lumière est ici un arc électrique ( SOURCES DE LUMIÈRE). Lourds et encombrants, exigeant une alimentation en courant continu, émettant de la fumée et de la chaleur, les projecteurs à arc (qui constituent le plus ancien matériel d'éclairage artificiel du cinéma) envoient en revanche une telle quantité de lumière qu'ils sont toujours en usage dans les productions importantes.