IBERT (Jacques)
musicien français (Paris 1890 - id. 1962).
Élève (au Conservatoire de Paris) d'André Gédalge, premier grand prix de Rome, la notoriété lui vient tôt, et avec elle les charges officielles. Attiré par le cinéma, il compose des partitions architecturées, brillantes et dont la marque demeure personnelle. Il colore avec un goût très sûr les ambiances étranges de Duvivier (les Cinq Gentlemen maudits, 1931 ; Golgotha, 1935 ; la Charrette fantôme, 1940) ; de G. W. Pabst (Don Quichotte, 1933) ; de Maurice Tourneur (les Deux Orphelines, 1933 ; Kœnigsmark, 1935) ; de Chenal (l'Homme de nulle part, 1937 ; la Maison du Maltais, 1938). Citons encore l'une de ses dernières musiques de film, celle du Macbeth de Welles (1948).
ICHAC (Marcel)
cinéaste français (Rueil-Malmaison 1906 - Paris 1994).
Alpiniste et journaliste, il participe à une expédition dans l'Himalaya, dont il rapporte le court métrage Karakoram (1936). Il réalise des documentaires, dont À l'assaut des aiguilles du Diable (1942), un des premiers récits d'ascension en haute montagne intégralement authentiques. La même démarche caractérise son célèbre long métrage les Étoiles de midi (1960), alors que Victoire sur l'Annapurna (1953) restait dans la tradition plus classique du film d'expédition. Son œuvre comprend quelques documentaires de commande, mais surtout des reportages sur la montagne, les expéditions polaires, la spéléologie. C'est une des figures les plus marquantes du cinéma de montagne. Précédé, en France, par Georges Tairraz, il a compté parmi ses collaborateurs des hommes comme Jean-Jacques Languepin et Jacques Ertaud.
Autres films :
Pèlerinage à La Mecque (1940) ; Sondeurs d'abîmes (1943) ; Padirac (1948) ; Rivière de la nuit (id.) ; Groenland (id.) ; Himalaya (1950) ; Nouveaux Horizons (1953) ; les Danses de Tani (1956).
ICHIKAWA (Kon)
cinéaste japonais (Uji Yamada [auj. Ise] - 1915).
Après des études dans une école commerciale d'Osaka, il entre aux studios JO (Jenkins-Osawa) de Kyoto en 1933, comme créateur de dessins animés. Il devient assistant réalisateur en 1937 à la Toho (après la fusion JO/PCL), entre autres de Tamizo Ishida et Yutaka Abe. Son premier film, la Fille du temple Dojo (Musume Dojoti, 1944-45), animation de marionnettes adaptée du Kabuki, est interdit par la censure américaine pour « esprit féodal ». Il participe ensuite à la réalisation d'un film publicitaire pour la Toho, Mille et Une Nuits avec la Toho (Toho sen-ichi-ya, 1947), puis réalise son premier film de fiction en 1948, la Fleur éclose (Hana hiraku), avec la star Hideko Takamine. À la fin des années 40 et au début des années 50, Ichikawa tourne un grand nombre de mélodrames délirants comme 365 Nuits (Sanbyaku rokujogo-ya, 1948), Passion éternelle (Hateshinaki jonetsu, 1949) ou Coule la rivière Solo (Bungawansolo, 1951). Puis il se spécialise dans les comédies satiriques vives, au rythme rapide, comme la Marche nuptiale (Kekkon Koshinkyoku, 1951), la Femme qui toucha les jambes (Ashi ni sawa onna, 1952, remake d'une comédie muette de Yutaka Abe), ou encore M. Lucky (Raky-San, id.) ou M. Pou (Pu-San, 1953), adaptations désopilantes de bandes dessinées populaires, avec l'acteur Unosuke Ito. Dans le même style, la Révolution bleue (Aoiiro kakumei, id.), Un milliardaire (Okuman Choja, 1954) et surtout le Train bondé (Manín densha, 1957) achevèrent d'imposer son image de marque de “Frank Capra japonais” auprès du public et de la critique. Pourtant, à partir de 1955, il se tourne vers la mode alors florissante des adaptations littéraires de prestige, avec le Cœur / le Pauvre Cœur des hommes (Kokoro), d'après le roman de Natsume Soseki, où se distingue le talent raffiné de Masayuki Mori. À partir de cette époque, Ichikawa adapte les auteurs les plus divers dans des styles souvent différents, ce qui le fera traiter de « cinéaste-mannequin » par la critique. Outre ses deux chroniques de guerre la Harpe de Birmanie (Biruma no tategoto, 1956 ; d'après Michio Takeyama) et surtout Feux dans la plaine (Nobi, 1959, d'après Shohei Ooka), impitoyable description des derniers jours des rescapés de l'armée impériale aux Philippines, qui choqua par ses scènes « osées » de cannibalisme, il faut signaler, parmi d'innombrables adaptations littéraires, celles de la Chambre de punition (Shokei no heya, 1956 ; d'après Shintaro Ishihara, qui fit scandale au Japon), Nihonbashi (1956, d'après Kyoka Izumi), et surtout le Brasier (Enjo, 1958), d'après le Pavillon d'or de Yukio Mishima, et l'Étrange Obsession (Kagi, 1959, d'après Junichiro Tanizaki), relation d'une étrange jalousie sexuelle — ce dernier film ayant obtenu le prix spécial du jury à Cannes en 1960. Ce sont ces films aux ambiguïtés psychologiques nouvelles et d'un grand raffinement esthétique, dans le noir et blanc comme dans la couleur, qui ont valu à Ichikawa sa réputation en Europe et aux États-Unis, sans qu'on le considère pour autant comme un auteur à part entière, au même titre que ses confrères Kurosawa, Mizoguchi ou Ozu. On y retrouve, ainsi que dans Bonchi (1960), le Frère cadet / Tendre et Folle Adolescence (Ototo, 1960) ou le Paria (Hakai, 1962), ce sens de l'humour caustique et ce souci de stylisation plastique qui triompheront dans le dernier grand film de cette période, la Vengeance d'un acteur (Yukinojo Henge, 1963), remake somptueux du film de Kinugasa (1935), interprété par le même acteur Kazuo Hasegawa. Ichikawa prouvera encore sa grande maîtrise technique au service d'une distanciation ironique dans Seul sur l'océan Pacifique (Taiheiyo hitoribochi, 1964, produit et interprété par la star Yujiro Ishihara) et surtout dans Tokyo Olympiades (Tokyo Orimpikku, 1964-65), le film officiel des jeux Olympiques, et le plus brillant de cette catégorie. Mais ensuite, victime de l'évolution négative du système de production nippon, il ne donnera plus que des œuvres secondaires et de compromis (série des best-sellers policiers de Yokomizo après le succès de la Famille Inugami [Inugami-ke no ichizoku, 1976], tous produits par l'éditeur Kadokawa), en dehors de quelques rares films plus personnels, par exemple Errances (Matatabi, 1973) ou les Quatre Sœurs Makioka (Sasame Yuki, 1983). En 1985, il réalise le remake de la Harpe de Birmanie, en 1986, une biographie de Kinuyo Tanaka, l'Actrice (Eiga joyu) et en 1987 une superproduction fantastique pour la Toho, la Légende de la princesse de la lune (Taketori monogatari), mais aucun de ces films ne se hisse au niveau de ses œuvres marquantes. Après plusieurs autres mises en scène, dont une nouvelle version des 47 Ronins (Yonju-shichinin no shikaku,) en 1994, il est âgé de 84 ans lors du tournage de Osaka Monogatari (1999) suivi de Dora-Heita (2000).