Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
A

ARGOT. (suite)

chrono : partie purement mécanique du projecteur (moteur, entraînements, couloir, débiteurs, etc.), à l'exclusion de la lanterne, de l'objectif, etc. Ce terme très employé remonte au début du siècle, d'après le nom de marque Chronophotographe des projecteurs Gaumont de l'époque.

toile : écran. (Plus usité dans l'argot commun — « se payer une toile » : aller au cinéma — que dans l'argot de métier.)

Contrairement à une légende bien établie, sunlight (pour projecteur d'éclairage) n'appartient pas à l'argot des métiers du cinéma.

ARISTARAIN (Adolfo)

cinéaste argentin (Buenos Aires 1943).

Il possède un solide métier, appris pendant plusieurs années d'assistanat, en Argentine, puis en Espagne (notamment auprès de Mario Camus). Son premier long métrage, La parte del león (1978) révèle d'emblée son attirance pour le film noir et pour une efficacité narrative sans complexe vis-à-vis de Hollywood. Après La playa del amor (1979) et La discoteca del amor (1980), deux commandes, il signe le Temps de la revanche (Tiempo de revancha, 1981), thriller enlevé et métaphore sur l'oppression imposée par la dictature militaire, où il retrouve son interprète favori, Federico Luppi, figure emblématique de toute une époque. Ensuite, il tourne Últimos días de la víctima (1982), sur le même registre, et entame une carrière espagnole avec la série télévisée Las aventuras de Pepe Carvalho (1983-85), d'après Manuel Vázquez Montalbán. Après l'échec d'une production américaine (Deadly, 1987), il revient en Argentine et s'en remet brillamment grâce à Un lieu dans le monde (Un lugar en el mundo, 1992), portrait collectif d'une génération meurtrie et désenchantée par le retour à la démocratie, brossé avec la netteté et la générosité d'un western classique. Ensuite, les aventures de La ley de la frontera (1995) et le puissant psychodrame familial Martin (Hache) [1997] semblent se jouer des distances entre les deux rives de l'Atlantique, comme Aristarain lui-même.

ARKIN (Alan)

acteur et réalisateur américain (New York, N. Y., 1934).

Après des études d'art dramatique, il devient chanteur et guitariste, enregistre des disques pour enfants et écrit des nouvelles de science-fiction. Il débute en 1959 à Broadway, où il travaille avec Mike Nichols, Elaine May, Dustin Hoffman. En 1966, il fait ses premiers pas dans la mise en scène — toujours à Broadway. Pour le cinéma, il est l'un des interprètes de Les Russes arrivent... les Russes arrivent, de Norman Jewison. Sa carrière est un mélange de films relativement ambitieux : Le cœur est un chasseur solitaire (The Heart Is a Lonely Hunter, 1968) de Robert Ellis Miller, Petits Meurtres sans importance (Little Murders, 1971), qu'il dirige lui-même, Big Trouble (J. Cassavetes, 1986) et de comédies où l'humour juif triomphe : Catch 22 (M. Nichols, 1970), les Anges gardiens (Richard Rush, 1974), Schmock ! (Fire Sale, A. Arkin, 1977). Il est en 1990 l'interprète de Coupé de ville (Joe Roth) et de Havana (S. Pollack).

ARKOFF (Samuel Z.)

producteur et distributeur américain (Fort Dodge, Iowa, 1918).

Avec James H. Nicholson, il fonde l'American International Pictures en 1955 quand disparaissent les studios spécialisés dans la série B. Alimentée en films par Roger Corman, l'AIP prospère en conquérant le public adolescent et le marché des drive-in, alors dédaignés par les Major Companies. Gestionnaire rigoureux, habile vendeur, S. Z. Arkoff exploite successivement des formules inédites (science-fiction, cycle E. A. Poe, comédies de plage, Hell's Angels, etc.) qui reflètent les rites ou les aspirations de la sous-culture californienne. Il a présidé l'AIP jusqu'en 1979, date de son absorption par Filmways.

ARLEN (Richard Cornelius Van Mattimore, dit Richard)

acteur américain (Charlottesville, Va., 1898 - Los Angeles, Ca., 1976).

Journaliste sportif avant de faire ses débuts à l'écran en 1920 et de conquérir un statut de vedette avec In the Name of Love (H. Higgin, 1925), il est vite spécialisé dans des rôles très physiques, et tourne dans de nombreux westerns. La période culminante de sa carrière se situe dans les années 30. On se souvient de lui dans quelques-uns des meilleurs films de William Wellman : les Ailes (1927) ; Ladies of the Mob (1928), où il est un gangster aux côtés de Clara Bow ; les Mendiants de la vie (id.), avec Louise Brooks et Wallace Beery ; The Man I Love (1929), où il est boxeur ; Dangerous Paradise (1930). Howard Hawks en fit en 1932 le rival d'Edward G. Robinson dans le Harpon rouge. Il continua par la suite une carrière régulière d'acteur de second plan.

ARLETTY (Léonie Bathiat, dite)

actrice française (Courbevoie 1898 - Paris 1992).

D'origine auvergnate et populaire (père mineur en Auvergne, puis ajusteur dans la région parisienne), elle exerce divers métiers (secrétaire, mannequin, girl de revue) avant de débuter au théâtre en 1920 comme actrice comique, puis au cinéma en 1930, et de mener parallèlement ces deux activités jusque dans les années 60. Ses premiers films sont des comédies légères : Un chien qui rapporte (J. Choux, 1931), ou des adaptations de comédies de boulevard : Mais n'te promène donc pas toute nue (CM de L. Joannon, id.). Elle tournera ainsi une soixantaine de films dont beaucoup sont, à juste titre, depuis longtemps oubliés, par exemple : Enlevez-moi (L. Perret, 1932), Une idée folle (Max de Vaucorbeil, 1933), le Voyage de M. Perrichon (Jean Tarride, 1934), Amants et Voleurs (R. Bernard, 1935), la Garçonne (Jean de Limur, 1936), mais aussi trois films de Sacha Guitry : Faisons un rêve (1937), les Perles de la Couronne (id.), Désiré (id.). Dans ces films (qui sont l'équivalent à l'écran de ce qu'elle joue au théâtre), elle se signale par son dynamisme et sa verve, créant des caractères populaires pleins de truculence, mais exempts de vulgarité, qui lui vaudront, sous la plume d'un critique, le qualificatif ambigu d'« impératrice des faubourgs », hommage sincère à l'espèce de noblesse altière et à la liberté souveraine qu'elle confère à tous ses personnages.

Pension Mimosas (J. Feyder, 1935) est le premier film important dans lequel elle apparaît, mais c'est avec Hôtel du Nord (M. Carné, 1938) qu'elle s'impose définitivement dans le personnage inoubliable de la péripatéticienne amie de Louis Jouvet : prenant « atmosphère » pour une injure, elle lance, grâce à Henri Jeanson, une réplique qui vaut tout autant par son accent parigot que par le talent du dialoguiste, et qui est certainement la plus fameuse et la plus souvent citée de l'histoire du cinéma. Dans Le jour se lève (Carné, 1939), elle est la collaboratrice écœurée et révoltée du sadique dresseur de chiens Jules Berry et l'héroïne d'une brève liaison avec l'ouvrier Jean Gabin. Avec ces deux œuvres majeures, elle a définitivement campé son personnage spécifique, celui d'une femme libre et forte, qui ne croit ni à Dieu ni à Diable, et encore moins aux hommes, mais qui se trouve entraînée dans leurs histoires et leurs drames par son insatiable besoin d'amour, amour pur ou vénal. Pourtant, elle garde au cœur un côté fleur bleue qui la fait se donner à qui lui plaît sans réticence ni fausse honte ; c'est ainsi qu'elle raille « ceux qui parlent tellement de l'amour qu'ils n'ont pas le temps de le faire ». Et sa silhouette fait désormais partie du décor, avec ses étroites jupes fendues sur la cuisse et ses impossibles bibis ou son célèbre boa d'Hôtel du Nord. Parmi ses derniers films de l'avant-guerre figurent aussi deux œuvres mineures mais qui ne sont pas moins savoureuses par leur drôlerie débridée (avec, en prime, la truculente présence de Michel Simon) : Fric-Frac (Maurice Lehman, 1939), d'après la pièce d'Édouard Bourdet, dans laquelle elle venait de faire un triomphe au théâtre, et Circonstances atténuantes (Jean Boyer, 1939), deux films où elle peut épanouir sans contrainte sa ravageuse désinvolture et sa verve gouailleuse, tout comme dans Madame Sans-Gêne (Roger Richebé, 1941).