CINÉ-ŒIL (Kino-Glaz). (suite)
En 1924, le très officiel Goskino crée une nouvelle branche, le Kultkino, dont il offre la direction à Vertov. Cet organisme donne la possibilité au cinéaste de diriger, selon les méthodes du Ciné-Œil, un long métrage, Ciné-Œil (Kino-Glaz) conçu comme la première partie du cycle « la Vie à l'improviste ».
La plupart des films de Vertov, du moins jusqu'aux Trois Chants sur Lénine (1934), obéissent à quelques préceptes — ou à la totalité — du Ciné-Œil. La Onzième Année (1928) est le dernier film muet associant l'approche du Ciné-Œil et le panorama des victoires sociales et économiques du nouveau régime. S'il se présente presque comme une application des théories du Ciné-Œil, l'Homme à la caméra (1929) en déborde nettement les limites, en ce sens que, grâce à une grammaire filmique très complexe (et très adéquate), cette œuvre constitue à elle seule une critique interne de la méthode de « la Vie à l'improviste », quant au thème qui y est développé : l'organisation d'un homme et d'une ville synthétiques. Enthousiasme ou la Symphonie du Donbass (1931) allie au Ciné-Œil la Radio-Oreille, afin de susciter le contrepoint sonore, déjà présent graphiquement dans les intertitres dynamiques des films muets de Vertov. À cette époque les Kinoki, en butte à de nombreuses critiques, se dissolvent. Dans ses deux derniers films personnels, Trois Chants sur Lénine et Berceuse (1937), Vertov s'oriente vers le documentaire poétique, genre alors florissant en Europe.
Les théories du Ciné-Œil, au-delà de l'influence immédiate qu'elles ont eue sur des cinéastes comme Ruttmann, Vigo, Stork, Ivens, Grierson, etc., sont reprises et systématisées par les pratiquants du cinéma direct des années 60 (les Canadiens du Candid Eye ; les Américains Leacock, Maysles, Pennebaker ; les Français Rouch, Marker, etc.).