acteur français (Rennes 1892 - Cannes 1989).
Au palmarès du cinéma français, il vient en tête pour la longévité, sa carrière ayant commencé en 1912, dans un film de Robert Péguy (qui signait alors Marcel Robert) : Jim Crow. Il avait débuté au théâtre en 1908 avec le regret de ne pouvoir devenir marin. Son amour pour la mer explique peut-être sa présence dans certains films d'intérêt variable : Pêcheurs d'Islande (J. de Baroncelli, 1924), Nitchevo (id., 1926), Feu ! (id., 1927), le Passager (id., 1928), la Femme du bout du monde (J. Epstein, id.), l'Or du Cristobal (Jacques Becker et Jean Stelli, 1940), le Bateau à soupe (Maurice Gleize, 1947). Ayant affiné son jeu au temps du muet, installé sur l'écran sa solide présence et bénéficié des enseignements que la société Albatros, composée de Russes blancs, lui dispensait au hasard de films tels que l'Enfant du carnaval (I. Mosjoukine, 1921), la Maison du mystère (A. Volkov, 1922) ou la Proie du vent (R. Clair, 1927), Vanel va, au cours de ses 70 ans de cinéma, faire preuve d'une éblouissante diversité dans le choix et la composition de ses rôles. Éclectisme qui s'appuie paradoxalement sur ses dons de sobriété, voire d'impassibilité : son apparence monolithique est démentie par l'éclat de l'œil où se concentre la vie intense de son personnage. Il arrive ainsi, à un âge avancé, à animer des statues émouvantes que surmonte son visage minéral, crevassé de mille rides, mais où l'œil brille toujours. Ainsi, les années le voient tour à tour grand bourgeois (l'Assaut, Pierre-Jean Ducis, 1936 ; Courrier Sud, P. Billon, 1937 ; Abus de confiance, H. Decoin, id. ; Carrefour, K. Bernhardt, 1938 ; les Roquevillard, J. Dréville, 1943), paysan (la Nuit merveilleuse, J.-P. Paulin, 1940 ; la Ferme du pendu, Dréville, 1945), ouvrier au chômage (la Belle Équipe, J. Duvivier, 1936), policier de tous les temps et de tous les pays (les Misérables, R. Bernard, 1934 ; la Loi du Nord, Feyder, 1942 ; la Main au collet, A. Hitchcock, 1955 ; les Diaboliques, Clouzot, id. ; Le Gorille vous salue bien et la Valse du Gorille, Bernard Borderie, 1958 et 1959), truand minable ou de haut vol (la Flamme, R. Hervil, 1925 [dont il reprendra le rôle en 1936 sous la direction de Berthomieu] ; Paname n'est pas Paris, Malikoff, 1927 ; Faubourg Montmartre, R. Bernard, 1931 ; le Grand Jeu, Feyder, 1934 ; Les affaires sont les affaires, Dréville, 1942 ; le Salaire de la peur, H.-G. Clouzot, 1953). Il exalte le sacrifice des combattants de 14 (les Croix de bois, Bernard, 1932), vante les vertus du colonialisme (S. O. S. Sahara, Baroncelli, 1938 ; Légions d'honneur, Gleize, id.), s'installe avec aisance parmi les réminiscences de la Russie des tsars (Michel Strogoff, Baroncelli, 1935 ; les Bateliers de la Volga, Wladimir Strijewski, 1936 ; Troïka sur la piste blanche, Dréville, 1937 ; la Brigade sauvage, L'Herbier et Dréville, 1939). Le petit monde de l'aviation, enfin, lui procure deux de ses plus émouvantes créations (l'Équipage, A. Litvak, 1935 ; Le ciel est à vous, Grémillon, 1944). En Allemagne, il incarne Napoléon dans Waterloo (Karl Grune, 1928) et tourne avec Waschneck. De 1948 à 1950, il part pour l'Italie le temps d'une demi-douzaine de films au nombre desquels Au nom de la loi (P. Germi, 1949). Il y retourne pour la Steppa (A. Lattuada, 1962) ; la Plus Belle Soirée de ma vie (E. Scola, 1972) et pour les deux films de Rosi : Cadavres exquis et les Trois Frères, qui lui permettent de camper, avec un extraordinaire naturel, Vanel tel qu'en lui-même — et pourtant, dans chacun de ces rôles, il est autre. En France, il est l'interprète de Gréville (Le diable souffle, 1947), Guitry (Si Versailles m'était conté, 1954), Clouzot (le Salaire de la peur, 1953 ; les Diaboliques, 1954 ; la Vérité, 1960), Duvivier (l'Affaire Maurizius, 1954), Buñuel (la Mort en ce jardin, 1956), Chenal (Rafles sur la ville, 1958), Melville (l'Aîné des Ferchaux, 1963), Leterrier (Un roi sans divertissement, id.), Rouffio (Sept Morts sur ordonnance, 1975), Chabrol (Alice ou la Dernière Fugue, 1977), Patricia Moraz (le Chemin perdu, 1980), Mocky (les Saisons du plaisir, 1988). Dans Si le soleil ne revenait pas (C. Goretta, 1987), il incarne avec panache un vieux rebouteux et prophète de malheur. Ce sera l'une des dernières apparitions à l'écran d'une des plus solides gloires du cinéma français. À deux reprises, à la fin du muet et au début du parlant, il abordera le métier de réalisateur, qui le fascine, et tourne Dans la nuit (1929), histoire cruelle, et Au coin joli (1932), adaptation d'une pièce jouée au Grand-Guignol qui reparaîtra en 1935 sous un titre nouveau : le Coup de minuit.