La première projection publique aurait eu lieu à Bogotá le 1er septembre 1897. La même année, l'appareil d'Edison est signalé à Colón, avant la sécession du Panamá. L'intérêt suscité par le cinématographe est démontré par la décision du président de la République d'engager un opérateur français chargé d'enregistrer les cérémonies officielles (1905). Les frères Di Domenico, d'origine italienne, sont à la fois importateurs de films et pionniers d'une production nationale épisodique. En 1912, ils inaugurent à Bogotá le fameux Salon Olympia, première vraie salle de cinéma. La douzaine de longs métrages du muet semble aujourd'hui extraordinaire. On filme alors à Bogotá, Medellín, Barranquilla, Cali et Pereira. Le succès de l'époque reste María (Alfredo del Diestro et Máximo Calvo, 1921), d'après l'œuvre de Jorge Isaacs, un mélodrame romantique. Les Di Domenico tournent des documentaires (pour El drama del 15 de Octubre en 1915, ils sont allés interviewer en prison les assassins d'un leader politique) et font des incursions dans la fiction, comme Aura o las violetas (Pedro Moreno Garzón et Vicente Di Domenico, 1924), d'après José María Vargas Vila. Arturo Acevedo produit les premières actualités régulières (1924-1948), et des films de fiction : La tragedia del silencio (1924), Bajo el cielo antioqueño (1925). Tous les espoirs s'effondrent avec la révolution technique qu'implique l'avènement du parlant. Les Di Domenico soldent leur matériel. Les actualités d'Acevedo restent l'unique production nationale pendant dix ans. Elles ne retiennent de l'histoire mouvementée de la Colombie que la chronique gouvernementale ou mondaine. Un document d'intérêt plus large, comme celui des manifestations et funérailles du dirigeant populiste assassiné Jorge E. Gaitán (1948), est une exception. Les difficultés d'assimilation du sonore marquent les productions sporadiques des années 40 : Flores del Valle (Calvo, 1941) ; on y trouve des comédies musicales de nette inspiration mexicaine : Allá en el trapiche (Roberto Saa Silva et Gabriel Martínez, 1942). La création d'un département de cinéma au ministère de l'Éducation (1938, Gaitán étant ministre) n'aboutit qu'à une éphémère série de courts métrages pédagogiques. Une loi de protection du court métrage (1942), assez restrictive, reste lettre morte. Les maisons de production ne dépassent guère les deux ou trois longs métrages et doivent compter avec les « Actualités » rituelles. Échappent à la médiocrité El milagro de la sal (Luis Moya, 1958), mélodrame sur des mineurs ensevelis, et surtout El rio de las tumbas (Julio Luzardo, 1964), qui évoque l'insidieuse violence politique et décrit la province avec humour. La télévision (1954) et la publicité relancent une production de documentaires folkloriques et touristiques (comme ceux de Francisco Norden, dont Camilo el cura guerrillero, 1974, reste un cas à part) et de longs métrages de nouveaux réalisateurs, parmi lesquels José María Arzuaga : Raíces de piedra (1962), Pasado el meridiano (1967) possèdent une fraîcheur néoréaliste. Une nouvelle législation en 1971 suscite un essor de courts métrages ; ainsi, Gamin (Ciro Durán*, 1978), sur les enfants pauvres de Bogotá, a été tourné par fragments, puis transformé en long métrage. La radicalisation politique apporte de nouvelles images. Carlos Álvarez réalise des films de démystification idéologique : Asalto (1968), Colombia 70 (1970), Que es la democracia (1971), Hijos del subdesarrollo (1975), Introducción a Camilo (1978), Desencuentros (1978). Marta Rodríguez et Jorge Silva se situent à mi-chemin entre le film ethnographique et le film militant : Testimonio sobre Planas (1970), Chircales (1972), Campesinos (1976), Nuestra voz de tierra, memoria y futuro (1982). Le prêtre-guérillero a inspiré un troisième titre : Camilo Torres (Diego León Giraldo, 1968). Un protectionnisme timide et une censure persistante freinent le passage de la nouvelle génération au long métrage. Avec la création de FOCINE (Compagnie de promotion du cinéma, 1978), les cinéastes colombiens subissent une administration erratique, jusqu'à ce que l'organisme disparaisse dans l'indifférence générale (1993). Le bilan de cette période est modeste : Carne de tu carne (Carlos Mayolo, 1983), Les condors ne meurent pas tous les jours (Cóndores no entierran todos los días, Norden, 1984), Tiempo de morir (Jorge Ali Triana, 1985, d'après Gabriel García Márquez*), Visa U.S.A. (Lisandro Duque, 1986), El día que me quieras (Sergio Dow, id.), La mansión de Araucaima (Mayolo, id., d'après Alvaro Mutis), Técnicas de duelo (Sergio Cabrera*, 1987), Rodrigo D. No futuro (Víctor Gaviria, 1988), Confesiones a Laura (Jaime Osorio, 1991), la Dette, ou la mort insolite, la résurrection plus surprenante encore et la seconde mort d'Ali Ibrahim Maria de los Altos Pozos y Resuello, surnommé le Turc (La deuda, o la insólita muerte y no menos asombrosa resurrección y segunda muerte de Ali Ibrahim María de los Altos Pozos y Resuello, llamado el Turco, Nicolás Buenaventura Vidal et Manuel José Alvarez, 1997), la Petite Marchande de roses (La vendedora de rosas, V. Gaviria, 1998), sans oublier la Vierge des tueurs (B. Schroeder, 2000), tourné à Medellin, très controversé en Colombie lors de sa sortie.