GRANDE-BRETAGNE. (suite)
Les années 90, elles, vont permettre à un véritable cinéma d'auteur de s'affermir malgré sa faible diffusion en salles. Sa production est soutenue par la chaîne TV Channel Four, imitée ensuite par la B.B.C. Ken Loach a pu réaliser coup sur coup quelques-uns de ses films les plus importants (Riff Raff, 1991, Raining Stones, 1993, Ladybird, 1994), et des cinéastes expérimentés comme Ken Russel sont revenus au cinéma, de même que Stephen Frears, qui, grâce à ses films des années 1980, a travaillé aux États-Unis sans pour autant (un peu comme Alan Parker) couper les liens avec les îles Britanniques (The Snapper, 1993), ou encore Mike Leigh et Terence Davies, qui comptent avec Loach parmi les cinéastes les plus exigeants.
Peter Greenaway et Derek Jarman ont poursuivi leur itinéraire très personnel (ce dernier ayant signé quatre longs métrages dans les trois dernières années ayant précédé sa mort, en 1994), tandis que la volonté de pénétrer sur le marché américain animait beaucoup d'autres cinéastes. Les producteurs montent des projets tournés en Amérique du Nord, ou tournent en Grande-Bretagne en association avec des partenaires américains et avec le concours d'acteurs d'outre-Atlantique (films de Kenneth Branagh, Mike Newell, Peter Medak et même Karel Reisz et James Ivory). L'acteur-réalisateur Kenneth Branagh est de ce point de vue très représentatif par son habileté à passer de l'adaptation de Shakespeare au film de genre américanisé (Dead again, 1991) puis à la reprise d'un thème éternel (Mary Shelley's Frankenstein, 1994). D'autres acteurs sont passés à la réalisation, comme Bob Hoskins ou Simon Callow, qui a tourné The Ballad of the Sad Café (1991) avec le concours de Vanessa Redgrave, dont c'était le retour sur les écrans. Avec près de cinquante films réalisés chaque année, le cinéma britannique ne manque pas de diversité, même s'il cultive avec constance ses propres traditions thématiques. Représentatifs de ces constantes, parfois un peu américanisées (films de Beeban Kidron), parfois répétitives (reprise de romans classiques, remakes), quelques films se sont taillés un succès hors des frontières nationales : Quatre mariages et un enterrement (Four Weddings and a Funeral, Mike Newell, 1994), Petits Meurtres entre amis (Shallow Grave, id.). Du côté des personnalités d'auteurs plus affirmées, après Alex Cox, Chris Petit, Terry Gilliam, David Leland, Mike Ockrent, Bill Forsyth et l'Irlandais Neil Jordan, on peut ajouter notamment Isaac Julien, Chris Newby, Elaine Proctor, Antonia Bird, Michael Winterbottom.
À la fin des années 90, les films britanniques sont au premier rang du box office des cinématographies européennes dans la plupart des pays du continent : films grand public dont le marché est mondial : les James Bond ou Mr. Bean (Mel Smith, 1997) qui exploite la popularité internationale du comique de télévision Rowan Atkinson ; films anglo-américains comme Notting Hill (Roger Michell, 1999) ; films aux références sociales, historiques ou géographiques explicitement britanniques, comme Full Monty (Peter Cattaneo, 1997), les Virtuoses (Brassed off, de Mark Herman, 1998), Trainspotting (Danny Boyle, 1997) ; films évoquant les événements d'Irlande comme The General (John Boorman, 1998) [cf. Irlande* pour les films des réalisateurs irlandais tournés en coproduction] ; films s'inscrivant dans une tradition littéraire déjà défrichée comme Hamlet (K. Brannagh, 1998), Shakespeare in Love (John Madden, 1998), Carrington (Christopher Hampton, 1995), The Secret Agent (id., 1997), le Patient anglais (The English Patient, Anthony Minghella, 1997)...
Bien que moins diffusé, le cinéma de certains auteurs reste vivace et bénéficie d'une notoriété internationale renouvelée, avec K. Loach (notamment Land and Freedom, 1996 ; My Name is Joe, 1998), S. Frears qui, après le très américain Mary Reilly (1995), surprend avec Liam (2001), Peter Greenaway, qui passe à la création vidéo peu après The Pillow Book (1995), Mike Leigh (Carrer Girls, 1997), Uduyan Prasad (My Son the Fanatic, 1997) — il faut pourtant noter que les jeunes cinéastes rencontrent des difficultés croissantes pour s'affirmer dans ce domaine peu aidé du cinéma d'auteur.
Dates de l'histoire de l'industrie cinématographique britannique.
— 1895 : premiers reportages de Birt Acres.
— 1896 : projections Lumière à Londres.
— Robert-William Paul filme le derby et projette ses films en public (première : le 25 mars).
— 1897 : George Albert Smith tourne des actualités à Brighton.
— 1898 : création de la Gaumont Company. — L'Américain Charles Urban fonde (pour Edison) The Warwick Trading Co.
— 1899 : Joe Rosenthal tourne en Afrique un « reportage » sur la guerre des Boers pour Charles Urban.
— 1901 : Charles Pathé ouvre une succursale à Londres.
— 1902 : Will Barker tourne des films à Ealing.
— 1903 : Cecil Hepworth construit un studio à Walton-on-Thames.
— 1904 : création de la Clarendon Film Co à Croydon.
— 1905 : ouverture du cinéma Biograph à Londres.
— 1906 : premier cinéma « Bijou ». — Smith et Urban lancent le Kinemacolor.
— 1907 : William Haggar, également réalisateur et producteur, ouvre un cinéma au pays de Galles. — Parution du journal Kinematograph Weekly.
— 1908 : création de deux circuits de distribution : Electric Theatres et Biograph.
— 1909 : vote du Cinematograph Act (sur les conditions de sécurité pour la projection publique des films). Devenu loi en 1910, cet Act sera complété en 1952. — Les films américains et français dominent le marché britannique.
— 1912 : création du British Board of Film Censors et de la Cinematograph Exhibitors'Association.
— 1913 : création des Twickenham Film Studios pour la London Film Co sous la direction du Dr Ralph Jupp.
— 1914 : création de Worton Hall Studios, pour G. B. Samuelson, où tourne George Pearson. — Création d'une section Cinéma à la Société des auteurs britanniques. — 13 circuits de distribution contrôlent chacun au moins 10 salles.