Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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ROSSELLINI (Isabella)

actrice italienne (Rome 1952).

Fille d'Ingrid Bergman et de Roberto Rosselini, elle travaille d'abord comme habilleuse sur les films de son père, puis elle est engagée à la R.A.I. (où elle devient notamment l'une des vedettes de l'émission comique hebdomadaire L'altro domenica). Aprés avoir interprété auprès de sa mère un rôle dans Nina (V. Minnelli, 1976), elle commence une carrière prestigieuse de mannequin. Ses rôles grandissent au cinéma à partir de 1985 : Soleil de nuit (White Nights, Taylor Hackford, 1985), Blue Velvet (D. Lynch, 1986), Les Vrais durs ne dansent pas (Tough Guys Don't Dance, Norman Mailer, 1987), Little Red Riding Hood (Adam Brooks, id.), Siesta (Mary Lambert, 1988), Zelly and me (Tina Rathbone, id.), Cousins (Joel Schumacher, 1989), Sailor et Lula (Lynch, 1990), Dames galantes (J.C. Tacchela, id.), L'assedio di Venezia (Giorgio Ferrara, 1991), La mort vous va si bien (R. Zemeckis, 1992), The Innocent (J. Schlesinger, 1993), État second (P. Weir, id.), Wyatt Earp (L. Kasdan, 1994), Immortal Beloved (Bernard Rose, id.), Croce e delizia (Luciano De Crescenzo, 1995), Big Night (C. Scott et S. Tucci, 1996), Nos Funérailles (A. Ferrara, 1996), The Impostors (S. Tucci, 1998), Left Luggage (J. Krabbé, id.), Il cielo cade (A. et A. Frazzi, 2000).

ROSSELLINI (Renzo)

musicien italien (Rome 1908 - Montecarlo 1982).

Frère cadet de Roberto Rossellini, il a composé presque toutes les musiques des films de ce dernier, jusqu'en 1961, contribuant par son style raffiné, dans la lignée de Respighi, à leur modulation profonde : Paisà (1946), Onze Fioretti de François d'Assise (1950), Voyage en Italie (1954) ou Vanina Vanini (1961). Mais il a aussi travaillé pour les premières œuvres de De Sica, pour Freda (Spartacus, 1952), Matarazzo (Giuseppe Verdi, 1954), Bragaglia et d'autres ; il a aussi composé des opéras (L'avventuriero, livret de Diego Fabbri, créé en 1968). Ne pas le confondre avec son neveu Renzo, fils de Roberto, cinéaste (un sketch de l'Amour à vingt ans et, pour la télévision, l'Âge du fer et la Lutte de l'homme pour sa survie, sous la supervision de son père), avant de prendre la direction de la Gaumont italienne.

ROSSELLINI (Roberto)

cinéaste italien (Rome 1906 - id. 1977).

Il s'est tenu à la charnière de la fiction réaliste et du film d'enseignement, deux formes d'expression apparemment antithétiques et qu'il maîtrisa d'un même élan. Qu'il s'agisse en effet de « cinéma spectacle » ou de télévision, de narration documentée ou de reportage vécu, la préoccupation de Rossellini fut toujours la même : refuser la virtuosité, les rebondissements factices et le raffinement de la forme, au profit de ce qu'il appelait « l'innocence et l'intelligence du regard ». Aux séductions de la culture ornementale, opposer les données arides mais durables de la connaissance véritable. Vocation de philosophe, voire de missionnaire, plus encore que de cinéaste.

Ni les documentaires qu'il tourne à ses débuts (Fantaisie sous-marine ou Prélude à l'après-midi d'un faune), ni sa collaboration à un film de guerre supervisé par le propre fils de Mussolini (Luciano Serra, pilota), ni même ses premiers longs métrages (La nave bianca, Un pilota ritorna, L'uomo dalla croce), ouvrages de commande où la propagande fasciste est enrobée de pacifisme ambigu, ne laissaient prévoir l'explosion de Rome ville ouverte (1945) et de Paisà (1946), films phares du néoréalisme, déchirants témoignages sur la souffrance, la mort et la survie d'un peuple humilié, messages d'espoir et de fraternité exprimés en une forme étonnamment pure, aussi éloignée du calligraphisme que de l'emphase mélodramatique, deux tentations du cinéma italien qu'il repoussera toujours. Alors que Visconti se laisse déjà aller à des fioritures d'esthète, et De Sica au misérabilisme, Rossellini s'en tient ici à la sécheresse du constat, à une vision à la fois ponctuelle et unanimiste, qui frappe d'autant plus fort. Avec des moyens de fortune, des interprètes non professionnels mêlés à des acteurs chevronnés (Aldo Fabrizi, Anna Magnani, Maria Michi), réduits eux-mêmes à un quasi-anonymat, et surtout grâce à un immense amour de la terre italienne, terre de douleur, mais aussi terre de miracles, il se hausse d'un coup au premier rang des cinéastes de sa génération. À partir de là, pourtant, l'équivoque s'installe. On veut l'enfermer dans le ghetto du néoréalisme, où il n'est entré, en somme, que par hasard, sans nul souci de poser au chef d'école. Après un détour par l'Allemagne, autre pays déchiré et exsangue, qui lui inspire un poignant lamento sur le suicide d'un enfant (Allemagne, année zéro), il va puiser son inspiration dans le spiritualisme chrétien (le Miracle, Onze Fioretti de François d'Assise), la commedia dell'arte (La macchina ammazzacattivi), la fable satirique (Où est la liberté ?, avec Totò). La rencontre avec Ingrid Bergman aggrave le malentendu : les films qu'il entreprend à ce moment-là sont des radiographies d'un couple moderne, des pages de journal intime, où l'anecdote est réduite à sa plus simple et plus exigeante expression. De Stromboli (qui coïncide avec la grossesse de sa compagne) à la Peur (prélude à leur séparation), en passant par Voyage en Italie (compte rendu minutieux de leur vie commune), c'est presque à une autobiographie qu'il nous convie, en y maintenant son quotient paradoxal d'universalité (Europe 51). Sur ce chemin-là, il ne sera suivi que par une poignée de fidèles, appartenant à la jeune critique française (Rivette, Rohmer, Truffaut). Puis c'est une nouvelle période de tâtonnements, marquée par un voyage en Inde (India, 1959), un retour éphémère aux schémas du néoréalisme (le Général Della Rovere, Viva l'Italia) et une incursion, inattendue et superbe, dans la chronique historique (Vanina Vanini, d'après Stendhal). L'échec total de Anima nera, un film qui annonce pourtant un renouveau de la comédie italienne, l'incite à abandonner complètement le cinéma (devenu, dit-il, « un ballet de spectres ») et à choisir un nouveau mode d'expression : la télévision. Dès lors, il va se faire l'humble rapporteur des faits et gestes du passé, des grands événements et des grandes figures qui ont changé le cours de l'histoire, de l'homme appréhendé non plus dans son particularisme et ses inclinations provisoires, mais dans sa continuité séculaire. Les grandes étapes de ce vaste programme, où le désir d'édification se combine avec une rare intégrité formelle, sont la Prise du pouvoir par Louis XIV, les Actes des Apôtres, Socrate, l'Âge des Médicis, Cartesius. On peut y rattacher les gigantesques fresques de l'Âge du Fer et de la Lutte de l'homme pour sa survie, dont il a seulement assuré la supervision. Dans son livre-profession de foi publié peu avant sa mort, Un esprit libre ne doit rien apprendre en esclave, il résume ainsi son projet : « J'ai choisi de représenter des périodes historiques et des personnages non parce qu'ils m'ont séduit ou passionné, mais parce que, selon ma manière de voir, ils représentent des articulations fondamentales dans la façon qu'a l'homme de penser, dans sa façon de sentir ou de craindre, dans sa façon de prendre conscience ou, au contraire, de fuir toute prise de conscience. » Démarche exemplaire dans son souci de syncrétisme et d'éducation intégrale. Même s'il est permis de sourire de quelques raccourcis ou survols un peu schématiques, même si l'auteur se laisse parfois entraîner sur les sentiers battus de l'idéalisme ou de l'utopie, même si son effort pour concilier les thèses matérialistes et la mystique chrétienne ne va pas sans naïveté, il reste une fraîcheur d'inspiration, une foi en l'avenir et dans les réserves inépuisables de l'esprit humain qui ne peuvent qu'emporter l'adhésion. Il y a là, comme il le dit lui-même en citant ses maîtres, tout « le sel et la noblesse de l'aventure humaine ». En 1975, alors que le cinéma semble définitivement perdu pour lui, Rossellini tourne (en Tunisie) un dernier film qui constitue un admirable point de convergence de toute son œuvre : le Messie.