PHILIPPINES. (suite)
Les films de l'après-guerre sont cependant pour la plupart des films de fiction à but franchement lucratif, inspirés de bandes dessinées populaires (comics). Souvent influencés par les productions étrangères, ils s'écartent des genres qui leur sont habituels. Ainsi, des westerns et des films de cape et d'épée sont bien accueillis par le public : Siete infantes de Lara (1949) de Manuel Conde, Principe Amante (1950) du prolifique Lamberto Avellana.
Certains de ces réalisateurs réussissent à s'affirmer pendant les années 50 : Gerardo de Leon, Lamberto Avellana, Manuel Conde, dont l'épopée historique à grand spectacle, Genghis Khan (1950), est présentée au festival de Venise de 1952, Manuel Silos, Ramon Estella, Gregorio Fernandez, Eddie Romero et Cesar Gallardo.
Pendant les années 60, les grands studios connaissent des difficultés, mais de nouvelles sociétés indépendantes apparaissent. Des classes sociales déshéritées naît un nouveau public appelé « bakya » (parce que les gens de ce public portent des chaussures à semelles de bois). Les vedettes deviennent l'objet de vrais cultes et les films ne sont faits que pour exploiter leur popularité, au détriment de la technique et du scénario. Parmi ces vedettes, on remarque Nora Aunor, première actrice de couleur renommée, Fernando Poe Jr., Joseph Estrada, acteur politique, Ramon Revilla, spécialiste des rôles de antihéros.
Cette période voit arriver des Américains qui disposent d'infrastructures techniques très convenables et réalisent quelques coproductions : The Steel Claw (George Montgomery, 1961), Samar (id., 1962), ou Back Door to Hell, premier long métrage de Monte Hellmann (1965).
En 1970 surgit une nouvelle génération de réalisateurs avec, en tête, Lino Brocka et Ishmael Bernal. Après une période commerciale, ces cinéastes se lancent dans le film d'auteur. En 1974, Lino Brocka et quelques amis organisent la Gne Manila pour la production de films de qualité. Le premier film qu'ils produisent est de Brocka : On t'a pesé et trouvé trop léger (Tinimbang Ka Ngumit Kalang, 1974). En 1975, Mike de Leon monte la société Cinema Artists, dont la première œuvre, ‘ Manille dans les griffes du néon ’ (Manila Samga Kukong Hiwanag, 1978), est réalisée par Lino Brocka, puis les Rites de mai (Black Itim), en 1976, par Mike de Leon. Ces deux nouvelles sociétés se révèlent bientôt déficitaires. On assiste en 1976 à une irruption soudaine de bons cinéastes : Eddie Romero avec We Were Like This Yesterday, How Is It Today ? (Ganito Kami Noon... Paano Kayo Ngayon !), Ishmael Bernal avec Mole in the Water (Nunal sa Tubig) puis Aliw en 1979, et Lupita Concio avec Once a Moth (Minsa'y Isang Gamu-Gamo). En 1977, Burlesk Queen (qui soulève des polémiques) de Celso Ad. Castillo, If You Dream and Wake Up (Kung Mangarapka't Magising) de Mike de Leon, Two Nests, Two Birds (Dalawang Pugad, Dalawang Ibon) de Ishmael Bernal sont considérés comme les meilleurs films de l'année avec Insiang de Lino Brocka, qui est présenté à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes. Tous ces films sont des échecs commerciaux, de même Jaguar en 1979, Bona en 1980, Bayan ko en 1984 et les Insoumis (1989). Le début de reconnaissance internationale du cinéma philippin est la seule motivation pour faire des films de qualité. En 1981, le gouvernement propose un plan d'aide à l'industrie cinématographique. L'application de ce plan est difficile et peu suivie du fait de la censure et des pesanteurs administratives. Sur les quelque 150 films produits en 1979, la plupart sont envahis par la sexualité et la violence. Si elles ne sont pas exclues des meilleures œuvres de Brocka, elles y subissent une sorte de métamorphose, comme la guerre et la religion dans Oro, Plata, Mata (1983) de Peque Gallaga. Par la fresque ou le mélo, le film tente désespérément de décaper les représentations conventionnelles. Le succès de ‘ Miracle ’ (Himala, 1983), de Bernal, traitant des sorciers et des guérisseurs, célèbres dans l'archipel, prouve que les Philippins ne se détournent pas nécessairement des réalités lorsqu'on les aborde de front. Le parc (environ 500 salles en 1950) s'est développé très inégalement : près de 800 salles au début des années 60, dont près de la moitié sont situées dans l'immense agglomération dont Manille est le centre. Les bourgades, les petites villes de l'archipel sont occasionnellement desservies par des unités de projection mobiles. La concurrence de la TV est vive, seulement gênée par les hauts reliefs des îles. Quant aux importations, elles comptent pour moitié au moins des titres exploités et proviennent des États-Unis, de Hongkong, de Grande-Bretagne, du Japon. La prééminence de l'anglais est sensible dans un pays que se partagent de nombreuses langues, du tagalog au malais et à des séquelles d'espagnol... Les salles sont légalement tenues de consacrer 10 p. 100 de leurs heures de programmes au cinéma national.