DALIO (Israël Blauschild, dit Marcel) (suite)
Ce personnage sera le sien dans des dizaines de films tournés tant en France qu'à Hollywood, où il s'exile pendant la guerre (sa famille est déportée par les nazis, il n'en retrouve aucun survivant en 1945), et où il fait plusieurs séjours après 1950. Barman, croupier, indicateur, trafiquant, veule ou cruel, il charrie les clichés d'une société occidentale au racisme parfaitement déterminé.
Il prend le contre-pied des mêmes clichés dans les deux films qu'il tourne sous la direction de Jean Renoir et qui marquent l'apogée de sa carrière. Il y gagne la popularité chaleureuse qui l'entoure depuis plus de quarante ans : dans la Grande Illusion (1937), il est Rosenthal, le « petit juif » qui s'évade avec Jean Gabin, et dans la Règle du jeu (1939), le marquis de La Chesnaye. Ce rôle inspiré (le seul premier rôle qu'il ait tenu dans une carrière très prolifique), génial dans certaines intuitions auxquelles Renoir a rendu hommage, dérange les milieux conservateurs. Ainsi, dans l'Action française, lit-on, sous la plume de Bardèche et Brasillach, cet éloge empoisonné : « [...] un Dalio étonnant, plus juif que jamais, à la fois attirant et sordide, comme un ibis bossu au milieu des marécages... Une autre odeur monte en lui du fond des âges, une autre race qui ne chasse pas, qui n'a pas de château, pour qui la Sologne n'est rien et qui regarde... ». Mais la Règle du jeu clôt la première carrière de Dalio en France.
Pendant la guerre, il tourne aux États-Unis tantôt dans des rôles de Français sympathiques : Frenchy Gérard dans le Port de l'angoisse (H. Hawks, 1944) aux côtés de Humphrey Bogart, qu'il avait déjà rencontré l'année précédente dans le légendaire Casablanca (M. Curtiz, 1943), tantôt dans ses emplois familiers : croupier dans Shanghai gesture (J. von Sternberg, 1941).
Dans les années 70, on voit Dalio dans des premiers films de jeunes cinéastes français, à qui il donne ainsi une caution à la fois intellectuelle et financière. Ainsi, des Yeux fermés (Joël Santoni, 1973), où il incarne un vieil homme démuni pathétique dans son acharnement à nier la réalité, ou de la Communion solennelle (R. Féret, 1977). Simultanément, il retrouve le chemin du théâtre sous la direction de Roger Planchon.