VIÊT-NAM. (suite)
La production de fiction atteint rapidement un bon niveau de qualité, comme le prouvent des réussites telles que la Jeune Fille de Bai Sao (Chi tu Hau, 1962), de Pham Ky Nam, et le Roitelet (Chim van khuyen, 1962), de Nguyen Van Thong et Tran Vu : ce dernier a confirmé un réel talent poétique et une grande finesse psychologique dans Chez les époux Luc (Vo Chong anh Luc, 1971). L'évocation de la guerre de libération reste vivace dans la thématique : outre le Roitelet, consacré à la résistance, elle a inspiré à Hai Ninh 17e parallèle : jour et nuit (Vi tuyen, ngay va dem, 1972) et la Fillette de Hanoi (Em be Hanoi, 1974). Cette dernière œuvre est une émouvante élégie intimiste sur fond de bombardements aériens.
Mais les films consacrés à la reconstruction du pays et à l'instauration du socialisme sont désormais majoritaires, comme Chez les époux Luc, qui traite de la socialisation des campagnes. La dernière révélation est celle de Hong Sen, qui travaille au studio d'Hô Chi Minh-Ville et à qui l'on doit deux films retentissants : Terre dévastée (Canh dong hoang, 1979), récit de guerre d'une virtuosité et d'un lyrisme étonnants, et la Région des cyclones (Vung gio xoay, 1980), témoignage insolite et critique sur les problèmes de la collectivisation.
Au milieu des années 80, un début de libéralisation politique suscite des films d'un ton résolument neuf, tels que Vivre comme il faut (Chuyen tu te, 1986) de Tran Van Thuy, reportage documentaire placé sous la caution de Marx, mais singulièrement critique à l'égard du système, et la Troupe de cirque ambulant (Ganh xiec rong, 1988), de Viet Linh, qui, en déclarant qu'« aucun miracle n'apporte le bonheur à l'homme », file la métaphore transparente d'un charlatan qui gruge de naïfs paysans, vaudra deux ans de purgatoire à son film.
Puis la censure se relâche et rend possibles des films d'une idéologie fort peu conformiste en même temps que d'une modernité stylistique affirmée : ainsi le Jeu de hasard (Canh bac, 1991) [une étudiante, à la recherche d'un emploi, tombe amoureuse d'un camionneur qui trafique de l'opium], de Luu Trong Ninh, et, surtout, le Retour (Tro ve, 1994) [un ancien boat people revient à Saigon en tant que représentant d'une société commerciale étrangère et découvre les aspects négatifs de la nouvelle économie libérale], de Dang Nhat Minh.
L'instauration progressive de la « loi du marché » a également bouleversé la production cinématographique : désengagement financier presque complet de l'État, augmentation du nombre des films (90 en 1992, mais un quart seulement sur pellicule), multiplication des sociétés privée produisant en vidéo, importation massive de films en provenance de Taïwan, Hongkong et des États-Unis. C'est peut-être à ce prix que le cinéma vietnamien semble avoir rejoint les standards techniques et artistiques internationaux.