Montevideo découvre le Cinématographe Lumière un jour de fête nationale, le 18 juillet 1896, en même temps que Buenos Aires, dont les producteurs et distributeurs exerceront une pression constante sur le marché uruguayen. Le premier tournage connu en Uruguay est attribué à l'Espagnol Felix Oliver (Carrera de bicicletas en el velódromo de Arroyo Seco, 1898). Max Glucksmann, principal commerçant du film de Buenos Aires, exporte ses actualités au pays voisin, tandis que l'Uruguayen Julio Raúl Alsina préfère filmer en Argentine (Facundo Quiroga, 1912). Le premier long métrage uruguayen reste inachevé (Puños y nobleza, Juan Antonio Borges, 1919). Pendant tout le muet, l'activité cinématographique n'enregistre qu'un seul franc succès : El pequeño héroe del Arroyo de Oro (Carlos Alonso, 1929). Le passage au parlant est fort tardif (Dos destinos, Juan Etchebehere, 1936) et n'entame pas la dépendance vis-à-vis de l'Argentine, dont l'industrie connaît alors son apogée. La production de fiction est assez velléitaire, en tout cas sporadique (Radio Candelario, Rafael Abellá, 1938 ; Detective a contramano, Adolfo L. Fabregat, 1949), alors qu'un courant documentaire essaye de s'affirmer à partir des cercles d'amateurs et ciné-clubs. L'Uruguay, libéral et cultivé, s'avère cinéphile, et Montevideo profite longtemps d'une censure moins contraignante que sur l'autre rive du Río de la Plata. Le néoréalisme italien y suscite un écho (Un vintén p'al judas, Ugo Ulive, 1959), sans d'autres lendemains qu'un éphémère essor militant (Liber Arce, Liberarse, Mario Handler, 1970), autour de la Cinémathèque du tiers monde (1967). Entre-temps, une culture cinématographique se consolide, à partir de diverses manifestations et festivals, de l'enseignement à l'université (1950) et surtout de la Cinémathèque uruguayenne (1952), une institution qui survit à la patiente dilapidation du patrimoine culturel, après le coup d'État de 1973. À part ses fonctions traditionnelles d'archivage, conservation et divulgation du film, la Cinémathèque publie une revue (1977), s'engage dans l'importation de titres délaissés par les distributeurs de Montevideo et produit même un long métrage de fiction, après deux décennies de stérilité (Mataron a Venancio Flores, Juan Carlos Rodríguez Castro, 1982). Après le retour à la démocratie, El dirigible (Pablo Dotta, 1994) surprend par sa sophistication visuelle, ses références littéraires et historiques cosmopolites, sa tranquille modernité, son humour typique du Río de la Plata, intact malgré une si longue abstinence. Un frémissement de la production est dû aux réalisateurs soutenus par l'Europe (25 watts, Juan Pablo Rabella-Pablo Stoll, 2000 ; En la puta vida, Beatriz Flores Silva, 2001).