WAYNE (Marion Michael Morrison, dit John)
acteur et cinéaste américain (Winterset, Iowa, 1907 - Los Angeles, Ca., 1979).
Sa famille installée dans l'Ouest, le jeune Morrison tourne autour des studios de Hollywood. Figurant, il rencontre Tom Mix, puis John Ford (1927), et travaille comme accessoiriste à la Fox. Il apparaît pour la première fois au générique d'un film sous le nom de « Duke » Morrison, ce qui était prémonitoire (Words and Music, 1929). Mais c'est Walsh qui, dans la Piste des géants, l'année suivante, met en selle (et sous le nom qu'il va garder), un cavalier éprouvé, cascadeur à l'occasion, que le drôle de goût de l'époque va mâtiner à l'écran d'une forte dose de séducteur gominé, tout frais sorti des mains du costumier. Pourtant, les dés sont jetés ; Wayne a déjà trouvé ses maîtres, au sens premier du terme : Ford et Walsh font de cet acteur cabochard un professionnel. Au cours de sa longue carrière, il ne se gagnera pas que des amis, ni des admirateurs, mais, s'il est une qualité qu'on ne lui contestera jamais, c'est bien d'aimer son métier et d'avoir fait la preuve, non sans passion, qu'il y avait toujours quelque chose à en apprendre. Cow-boy, ou shérif alors rasé de près, Wayne subit le meilleur des rodages, celui des séries B. Quand Ford revient au western en 1939, il donne sa véritable et durable image de marque à son ancien accessoiriste dans la Chevauchée fantastique. L'uniforme bleu soutaché de jaune de la cavalerie colle à la peau de Wayne. Ce sera un de ses emplois types : l'officier loyal, lucide, expérimenté. Cette figure demeure exemplaire, grâce à sa simplicité, de la seule épopée du monde moderne : la conquête de l'Ouest. D'ailleurs, l'acteur la peaufinera à chaque occasion, parallèlement à son long parcours de westerner crédité ou pas d'une étoile de shérif. De ses incursions assez rares dans le film psychologique, retenons un beau fleuron (son dernier travail pour Republic : il va passer à la Warner), l'Homme tranquille (Ford, 1952), et son ultime prestation, dans ce qui n'est pas un emploi de composition : Wayne meurt d'un cancer (le Dernier des géants, de D. Siegel, 1976). Si, par ailleurs, il a surabondamment payé tribut, avec conviction, au film de guerre, exaltant courage et abnégation sur terre, sur mer et dans les airs, il doit à la sottise des producteurs un ou deux fâcheux détours du côté de Gengis Khan, ou sur les talons de Max von Sydow porteur de la croix du Christ — une vieille histoire lourdement contée par Stevens (1965). Ce qui reste, c'est l'homme de l'Ouest sous son apparente rusticité. Moins monolithique qu'on veut bien le dire, Wayne appartient naturellement à l'univers du western. Témoin, peut-être la mort dans l'âme, de l'érosion de la légende, du recul des mythes au-delà de la « frontier » nouvelle née d'un regard plus critique, plus analytique, porté sur l'histoire, il se garde de figer ses personnages dans le refus, joue admirablement sur les non-dits, comme, aussi bien, sur les ambiguïtés d'un monde en train de se faire. Des passages par l'émotion (Ethan Edwards dans la Prisonnière du désert — encore Ford — en 1956), ou par l'humour (le shérif Chance de Rio Bravo, de H. Hawks, en 1959), jusqu'à l'inimaginable : mourir assassiné au milieu du film, sous les yeux des gosses dont il a fait des cow-boys d'occasion (M. Rydell, 1972), donnent de Wayne une image plus attachante que sa trop simpliste caricature de vieux baroudeur réactionnaire, qu'il a d'ailleurs volontiers acceptée. Il n'est pas seulement un Crockett se sacrifiant sans sauver Fort Alamo (une imagerie traditionnelle qu'il dirige très convenablement en 1960). Ses portraits de rancher rugueux — on n'oubliera pas l'empoignade inattendue avec Monty Clift dans la Rivière Rouge (Hawks, 1948) —, de redresseur de torts, justicier de l'ombre auprès d'un James Stewart humaniste et légaliste dans l'Homme qui tua Liberty Valance (Ford, 1962), et bien des figures, fussent-elles assez frustes, dessinées avec Hathaway, McLaglen, Wellman et quelques autres maîtres du genre, nous paraissent complémentaires, physiquement et mentalement enracinées dans un paysage qui change. Elles reflètent à la fois une nostalgie et un désarroi que les années 70 accusent brutalement. La gloire crépusculaire du « Duke », comme on le surnomme depuis longtemps dans les studios, s'en est trouvée atteinte, et comme humanisée. Enfin, l'allure, la gueule carrée rarement grimée (parfois une moustache), un accent de canard et des aboiements narquois ou comminatoires, un sourire en lame de couteau, ça ne s'oublie pas ; pas plus que l'imparable revers du fusil à canons sciés dans la tronche du méchant de service — paraphe d'une signature qui, au cours de la légende, ne risque pas de se dévaluer.
Films :
The Drop Kick/Glitter (M. Webb, 1927) ; Maman de mon cœur (J. Ford, 1928) ; les Quatre Fils (id., id.) ; la Maison du bourreau (id., id.) ; Words and Music (J. Tinling, 1929) ; Salute (Ford, id.) ; Hommes sans femmes (id., 1930) ; Rough Romance (A. F. Erickson, id.) ; Cheer Up and Smile (S. Lanfield, id.) ; la Piste des géants (R. Walsh, id.) ; Girls Demand Excitement (Seymour Felix, 1931) ; Three Girls Lost (Lanfield, id.) ; Men Are Like That/The Virtuous Wife (G. B. Seitz, id.) ; The Deceiver (L. King, id.) ; Range Feud (D. R. Lederman, id.) ; Maker of Men (E. Sedgwick, id.) ; The Voice of Hollywood, 2e série, no 13 (Mack D'Agostino, CM, 1932) ; Shadow of the Eagle (F. Beebe, id.) ; Texas Cyclone (Lederman, id.) ; Two Fisted Law (id., id.) ; Lady and Gent (S. Roberts, id.) ; The Hurricane Express (A. L. Schaeffer et J. P. McGowan, id.) ; The Hollywood Handicap (Ch. Lamont, CM, id.) ; Ride Him Cowboy/The Hawk (Fred Allen, id.) ; The Big Stampede (Tenny Wright, id.) ; Haunted Gold (M. V. Wright, id.) ; The Telegraph Trail (T. Wright, 1933) ; The Three Musketeers (A. Schaeffer et Colbert Clark, id.) ; Central Airport (W. A. Wellman, id.) ; Somewhere in Sonora (M. V. Wright, id.) ; His Private Secretary (Philip H. Whitman, id.) ; The Life of Jimmy Dolan/The Kid's Last Fight (A. Mayo, id.) ; Liliane (Baby Face, A. E. Green, id.) ; The Man From Monterey (M. V. Wright, id.) ; Riders of Destiny (R. N. Bradbury, id.) ; College Coach/Football Coach (Wellman, id.) ; Sagebrush Trail (Schaefer, id.) ; The Lucky Texan (Bradbury, 1934) ; West of the Divide (id., id.) ; Blue Steel (id., id.) ; The Man From Utah (id., id.) ; Randy Rides Again (H. L. Fraser, id.) ; The Star Packer (Bradbury, id.) ; The Trail Beyond (id., id.) ; The Lawless Frontier (id. id.) ; ‘ Neath Arizona Skies (Fraser, id.) ; Texas Terror (Bradbury, 1935) ; Rainbow Valley (id. id.) ; The Desert Trail (Cullen Lewis, alias Lewis D. Collins, id.) ; The Dawn Rider (Bradbury, id.) ; Paradise Canyon (Carl Pierson, id.) ; Westward Ho (Bradbury, id.) ; The New Frontier (C. Pierson, id.) ; The Lawless Range (Bradbury, id.) ; The Oregon Trail (Scott Pembroke, 1936) ; The Lawless Nineties (J. Kane, id.) ; King of the Pecos (id., id.) ; The Lonely Trail (id., id.) ; Winds of the Wasteland (M. V. Wright, id.) ; les Pirates de la mer (The Sea Spoilers, F. Strayer, id.) ; Conflict (David Howard, id.) ; Californie, en avant ! (California Straight Ahead, A. Lubin, 1937) ; I Cover the War (id., id.) ; l'Idole de la foule (Idol of the Crowd, id., id.) ; Adventure's End (id., id.) ; Born to the West (Ch. T. Barton, id. ; réédition : Hell Town) ; Pals of the Saddle (G. Sherman, 1938) ; Overland Stage Raiders (id., id.) ; Santa Fe Stampede (id., id.) ; Red River Range (id., id.) ; la Chevauchée fantastique (Ford, 1939) ; The Night Riders (Sherman, id.) ; Three Texas Steers/Danger Rides the Range (id., id.) ; Wyoming Outlaw (id., id.) ; New Frontier (id., id.) ; Allegheny Uprising/The First Rebel (W. A. Seiter, id.) ; l'Escadron noir (Walsh, 1940) ; Free Faces West (B. Vorhaus, id.) ; les Hommes de la mer (Ford, id.) ; la Maison des sept péchés (T. Garnett, id.) ; Melody Ranch (Joseph Santley — J. W. exécute simplement une cascade à la place de Gene Autry —, id.) ; A Man Betrayed/Citadel of Crime (J. H. Auer, 1941) ; Lady From Louisiana (Vorhaus, id.) ; The Shepherd of the Hills (H. Hathaway, id.) ; Lady for a Night (L. Jason, 1942) ; les Naufrageurs des mers du Sud (C. B. De Mille, id.) ; les Écumeurs (R. Enright, id.) ; Sacramento (In Old California, William McGann, id.) ; les Tigres volants (Flying Tigers, David Miller, id.) ; Reunion in France (J. Dassin, id.) ; Pittsburg (Seiler, id.) ; la Fille et son cow-boy (A Lady Takes a Chance, Seiter, 1943) ; la Ruée sanglante (In Old Oklahoma, A. S. Rogell, id.) ; Les marines attaquent, ou Alerte aux marines ! (The Fighting Seabees, Edward Ludwig, 1944) ; l'Amazone aux yeux verts (Tall in the Saddle, Edwin L. Marin, id.) ; la Belle de San Francisco (Kane, 1945) ; Retour aux Philippines (E. Dmy-tryk, id.) ; les Sacrifiés (Ford, id.) ; Dakota (Kane, id.) ; Sans réserve (M. LeRoy, 1946) ; l'Ange et le Mauvais Garçon (Angel and the Bad Man, James Edward Grant, 1947) ; Taikoun (Tycoon, R. Wallace, id.) ; le Massacre de Fort Apache (Ford, 1948) ; la Rivière Rouge (Hawks, id.) ; le Fils du désert (Ford, 1949) ; le Réveil de la sorcière rouge (Ludwig, id.) ; le Bagarreur du Kentucky (The Fighting Kentuckian, George Waggner, id.) ; la Charge héroïque (Ford, id.) ; Iwo Jima (A. Dwan, id.) ; Rio Grande (Ford, 1950) ; Opération dans le Pacifique (Waggner, 1951) ; les Diables de Guadalcanal (N. Ray, id.) ; l'Homme tranquille (Ford, 1952) ; Big Jim McLain (Ludwig, id.) ; Un homme pas comme les autres (Curtiz, 1953) ; Aventure dans le Grand Nord (Wellman, id.) ; Hondo, l'homme du désert (J. V. Farrow, id.) ; Écrit dans le ciel (Wellman, 1954) ; le Renard des océans (Farrow, 1955) ; l'Allée sanglante (Wellman, id.) ; le Conquérant (D. Powell, 1956) ; la Prisonnière du désert (Ford, id.) ; L'aigle vole au soleil (id. 1957) ; Les espions s'amusent (J. von Sternberg, id.) ; la Cité disparue (Hathaway, id.) ; I Married a Woman (Hal Kanter, 1958) ; le Barbare et la Geisha (J. Huston, id.) ; Rio Bravo (Hawks, 1959) ; les Cavaliers (Ford, id.) ; Alamo (J. Wayne, 1960) ; le Grand Sam (Hathaway, id.) ; les Comancheros (Curtiz et Wayne [non crédité], 1961) ; l'Homme qui tua Liberty Valance (Ford, 1962) ; Hatari ! (Hawks, id.) ; le Jour le plus long (K. Annakin, A. Marton, B. Wicki, D. F. Za-nuck, G. Oswald, id.) ; la Conquête de l'Ouest (Ford, Hathaway, G. Marshall, R. Thorpe, id.) ; la Taverne de l'Irlandais (Ford, 1963) ; le Grand McLintock (A. V. McLaglen, id.) ; le Plus Grand Cirque du monde (Hathaway, 1964) ; la Plus Grande Histoire jamais contée (G. Stevens, 1965) ; Première Victoire (O. Preminger, id.) ; les Quatre Fils de Katie Elder (Hathaway, id.) ; l'Ombre d'un géant (Cast a Giant Shadow, Melville Shavelson, 1966) ; la Caravane de feu (B. Kennedy, 1967) ; El Dorado (Hawks, id.) ; les Bérets verts (Wayne, 1968) ; les Feux de l'enfer (Hellfighters, McLaglen, 1969) ; Cent Dollars pour un shérif (Hathaway, id.) ; les Géants de l'Ouest (The Undefeated, McLaglen, 1970) ; Chisum (id., id.) ; Rio Lobo (Hawks, id.) ; Big Jake (G. Sherman, 1971) ; les Cow-boys (M. Ry- dell, 1972) ; Cancel My Reservation (Paul Bogart, id.) ; les Voleurs de train (Kennedy, 1973) ; les Cordes de la potence (McLaglen, id.) ; Un silencieux au bout du canon (J. Sturges, 1974) ; Brannigan (id., Douglas Hickox, 1975) ; Une Bible et un fusil (S. Miller, id.) ; le Dernier des géants (D. Siegel, 1976).