cinéaste égyptien (Alexandrie 1926).
Il passe par l'université, puis étudie le cinéma et l'interprétation à la Pasadena Play House, près de Los Angeles. Peu après son retour (1948), l'opérateur Alvise Orfanelli, un pionnier du cinéma en Égypte, lui ouvre les portes de la production (Papa Amine, 1950), mais les difficultés rencontrées au Caire conduisent Chahin à travailler au Liban, voire en Espagne, périodes noires de sa carrière, si on fait exception d'un charmant musical avec Fayruz, le Vendeur de bagues (Beyrouth 1965). Dans le mélodrame obligé d'alors, il entend introduire des données psycho-érotiques, réalistes et sociales : les Eaux noires est le premier film arabe à évoquer la vie ouvrière. Ces intentions éparses dans plusieurs de ses premiers drames sont maîtrisées dans Gare centrale (1958) ; Chahin y interprète lui-même un simple d'esprit devenu criminel. La saisie savoureuse du vécu, la brutalité des luttes syndicales, la vérité des caractères participent du réalisme issu de Kamal Salim et, surtout, de Abu Sayf, qui vient de signer le Costaud. Mais Gare centrale révèle une conception et un style nouveaux, rompant avec le récit linéaire et le tempo lent et appuyé d'une tradition. Le montage rapide, les récits parallèles, l'impact de l'image aux cadrages étudiés créent un style dont on reproche à Chahin le caractère « occidental », pour mieux refuser ce qu'il entend exprimer, mais que l'apparente libéralisation nassérienne n'autorise pas. S'il peut tourner, d'après Abd al-Raḥman ash-Shargiwi, un hommage (mélodramatique) à une résistante algérienne en 1959, il attend dix ans avant de réaliser, d'après le même auteur, la Terre, à quoi il doit le début de sa notoriété. Il a pourtant, en 1963, donné un grand film historique mais à petit budget, un Saladin remarquable par son imagerie inventive et par la leçon politique qu'il comporte, concernant la tolérance et le rassemblement arabe. Le charme de la stylisation des costumes, des décors (dans le Vendeur de bagues, ils seront, pour créer un effet féerique, plus petits que nature), l'aisance de la mise en scène débarrassée des conventions renouent avec bonheur dans ces deux œuvres avec la tradition orientale du conte, dont le cinéma égyptien demeurait éloigné. À partir de l'Aube d'un jour nouveau (qu'il interprète), le cinéaste reprend l'analyse de la société de son pays, de ses fautes, de ses clivages, avec une rigueur et une efficacité sans doute inégales, mais avec la volonté constante de faire du film un spectacle capable de « s'opposer à l'ignorance et à la mystification » : critique de l'intellectuel à l'heure du choix entre le dire et le faire, le rêve et le réel, ou dénonciation, à mesure que se recompose le puzzle politico-policier du Moineau, du pourrissement de l'État par les affairistes. Si la Terre retrace la collusion des grands propriétaires avec les Anglais à la manière d'une fresque lyrique aux images éclatantes proche de Ford ou de Dovjenko, le Moineau affirme la conception d'un récit éclaté, esquissée déjà avec le scénario de Gare centrale, kaléidoscope d'une réalité voilée, camouflée, ambiguë et fragmentaire. Adieu Bonaparte illustre cette volonté de mêler les différences, et de ruiner tout credo en une vérité de l'histoire.