PASCAL (Christine)
actrice et cinéaste suisse d'origine française (Lyon 1953 - Garches 1996).
Après quelques rôles mineurs dans les Guichets du Louvre (1974) de Michel Mitrani et l'Horloger de Saint-Paul (id.) de Bertrand Tavernier, c'est ce dernier qui la consacre dans Que la fête commence (1975). Il l'associe au scénario des Enfants gâtés (1977), où elle est aussi actrice ; elle écrit, réalise et interprète en 1978 son premier film, Félicité. Après un film de genre, la Garce (1984), elle évoque le monde du cinéma dans Zanzibar (1989). Le petit prince a dit (1992) peut être considéré comme son film majeur ; elle a su séduire par sa maîtrise et sa faculté, rare, à rejeter certaines conventions qui auraient pu piéger son scénario. Outre les films de ses débuts, elle a joué dans une douzaine de productions, dont les Demoiselles de Wilko (A. Wajda, 1979), Coup de foudre (D. Kurys, 1983), Train d'enfer (R. Hanin, 1985), Autour de minuit (B. Tavernier, 1986), Rien que des mensonges (Paule Muret, 1990), Regarde les hommes tomber (Jacques Audiard, 1994). En 1995, elle réalise Adultère, mode d'emploi. Elle se suicide en 1996.
PASCAL (Jean-Claude Villeminot, dit Jean-Claude)
acteur français (Paris 1927 - id. 1992).
Grand, svelte, le visage régulier, il a représenté les héros de rêve, les séducteurs à tout crin que la Nouvelle Vague a roulés hors des studios et qui apparaissent démodés lorsqu'on revoit le Jugement de Dieu (Raymond Bernard, 1952 [RÉ : 1949]), le Grand Jeu (R. Siodmak, 1954), le Fils de Caroline chérie (Jean Devaivre, 1955) ou Milord l'Arsouille (André Haguet, 1956). Il a toutefois paru à son avantage dans le Rideau cramoisi et les Mauvaises Rencontres (A. Astruc, 1953 et 1955).
PASINETTI (Francesco)
critique, scénariste et cinéaste italien (Venise 1911 - Rome 1949).
Critique dès 1931, après la présentation d'une thèse d'esthétique sur le cinéma, il collabore à de nombreuses publications, dont la Stampa. Enseignant au Centro Sperimentale de Rome en 1937, historien et théoricien de renom, il est l'auteur de plusieurs ouvrages importants dont, en 1946, une remarquable histoire du cinéma : Mezzo secolo di cinema et un célèbre Filmlexicon, piccola enciclopedia cinematografica (1948). En 1934, il réalise un long métrage semi-documentaire, Il canale degli angeli, où il filme avec tendresse sa ville natale. Par la suite, il dirige plusieurs courts métrages, sur Venise essentiellement, dont La gondola (1942). Il a également écrit un certain nombre de scénarios : L'ambasciatore (B. Negroni, 1936), I due misantropi (A. Palermi, 1937), L'ultima nemica (H. Barbaro, id.), La peccatrice (Palermi, 1940), Via delle Cinque lune (L. Chiarini, 1942), La danza del fuoco (G. Simonelli, id.). En hommage à sa mémoire, un prix Pasinetti a été décerné plusieurs années au festival de Venise.
PASKALJEVI´C (Goran)
cinéaste yougoslave (Belgrade 1947).
Il suit des cours de mise en scène à la FAMU de Prague avec Grlić, Karanović, Marković et Zafranović. À partir de 1972, il réalise de nombreux documentaires pour la télévision et des courts métrages souvent primés dans les festivals. Son premier long métrage de fiction, Un gardien de plage en hiver (Čuvar plaže u zimskom periodu, 1976), obtient le grand prix aux festivals de Pula et de Berlin et lui vaut la consécration en tant que représentant typique de la « deuxième vague nationale ». Le même succès salue le Chien qui aimait les trains (Pas koji je voleo vozove, 1977), les Jours qui passent (Zemaljski dani teku, 1979) et Traitement spécial (Poseban tretman, 1980). Après le Crépuscule (Suton, 1982), Mes amours de 68 (Varljivo leto 68, 1984), l'Ange gardien (Andjeo čuvar, 1987), le Temps des miracles (Vreme čuda, 1990), Tango Argentino (1992), l'Amérique des autres (Someone Elsés America, 1995), Baril de poudre (Bure baruta, 1998) continuent à témoigner brillamment de son originalité thématique et de sa maîtrise stylistique.
PASOLINI (Pier Paolo)
écrivain et cinéaste italien (Bologne 1922 - Ostie 1975).
Sa mort dans des circonstances particulièrement sordides (il fut assassiné par un voyou dans un terrain vague de la banlieue romaine) a conféré une touche suprême et tragique à l'auréole de poète maudit dont son œuvre, tant littéraire que cinématographique, portait la trace. Cette auréole de martyr, on la trouve aussi bien dans les imprécations lyriques des Cendres de Gramsci (poésie, 1957) que dans le chant homosexuel de Théorème (roman et film, 1968), dans ses traductions libres d'Eschyle ou de Plaute (théâtre) que dans ses écrits « corsaires », dans les vagabondages, plus légers en apparence, d'Uccellacci e uccellini ou du Décaméron, que dans la funèbre apothéose de Salo. Partout se fait entendre le même cri, plus ou moins étouffé, plus ou moins couvert par les simulacres narratifs : « Je suis... comme un serpent réduit en bouillie de sang... comme un chat qui ne veut pas crever » — un cri dont l'écho s'identifie à la limite avec la souffrance du Christ, liée à celle, complémentaire, de Judas l'Iscariote, telle qu'il l'a décrite dans sa version très personnelle de l'Évangile selon Matthieu (film, 1964). Cette œuvre, en fin de compte, « gêne tout le monde, en raison de la naïveté propre à Pasolini », ainsi que l'observe Roland Barthes à propos de Salo (son dernier film, une version moderne des Cent Vingt Journées de Sodome de Sade). Il importe de considérer Pasolini comme un authentique marginal, perpétuellement sur la ligne de feu des transgressions linguistiques (et esthétiques). Son itinéraire de poète et de cinéaste a quelque chose de désespéré et de suicidaire, tout en n'excluant pas une puissante nostalgie des codes traditionnels (Rossellini, Bergman...), qui ne permet pas de le rapprocher de Godard, par exemple : il a donné naissance à une série d'ouvrages disparates, pleins d'aspérités et de béances, irrécupérables et souvent fascinants.
Pier Paolo Pasolini est venu relativement tard à la mise en scène de cinéma, alors que sa gloire d'écrivain était déjà assurée (Alberto Moravia le tenait, dès la fin des années 50, pour le plus grand poète italien de sa génération). Il débuta en force avec Accattone, une fable néoréaliste cumulant les influences de De Sica et de Visconti, suivie d'un mélodrame freudien, Mamma Roma, aux accents bunuéliens. Le cinéma va devenir pour lui, selon ses propres termes, « la langue écrite de la réalité », lui permettant de traquer les vestiges des grands mythes universels, au travers de ses fantasmes personnels, le tout condensé, « syncrétisé » dans la gangue du lieu commun. Tous ses films seront à double face : à la fois simples et complexes, dérisoires et sublimes, pétris de réalité et ouverts sur l'abstraction, la grossièreté du matériau fournissant une caution paradoxale à la noblesse des intentions. Les plus intéressants ne sont peut-être pas les plus réussis, mais ceux qui avortèrent en cours de route, faute de cohésion externe, de « répondant » naturaliste — ou, plus simplement, d'acquiescement heureux à tous les stades de la réalisation : ainsi de Comizi d'amore (1965) ou des Carnets de notes pour une Orestie africaine (1975), réflexions sur le cinéma plutôt que films. L'inspiration en est chaque fois résolument composite, au sens architectural du terme : alternance de musiques profane et sacrée dans Il vangelo secondo Matteo, récits entrecroisés de Porcile, mélange de temps et d'espaces dans Edipo re et Medea. Après avoir dédié son Évangile à la mémoire de Jean XXIII, il scandalise une fraction de l'opinion catholique avec Théorème et en enthousiasme une autre au point de se voir décerner pour ce film le prix de l'OCIC ; la représentation des grands textes classiques ne l'empêche pas de brasser à pleine pâte pornographie, érotisme et scatologie, ni de faire appel à Maria Callas... pour un rôle quasi muet ! Dans un recueil de textes théoriques, il exalte « la nature profondément artistique du cinéma, sa force expressive, son pouvoir de donner corps au rêve, c'est-à-dire son caractère essentiellement métaphorique ». Son exégète Marc Gervais décrit le projet pasolinien comme « déchiré, contradictoire, marqué par une sorte d'hystérie apocalyptique mais qui, par les moyens de l'art, cherche sans cesse le lieu et l'instant de la réconciliation ». Cette vision « épico-religieuse » du monde a, fondamentalement, valeur d'exorcisme.