Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
E

ES.

Abrév. anglaise de Establishing Shot.

ESCAMOTAGE.

Phase d'escamotage, phase de l'avance intermittente d'un film dans une caméra, un projecteur, une tireuse alternative, pendant laquelle (l'obuturateur ayant coupé le faisceau lumineux) le film avance de la hauteur d'une image. ( CAMÉRA.)

ESCANDE (Maurice)

acteur français (Paris 1892 - id. 1973).

Grand premier rôle à la Comédie-Française (dont il devient finalement administrateur), il apparaît au cinéma dès 1920. Sa distinction, sa royale aisance et plus tard son impeccable diction lui assurent les faveurs d'un Yves Mirande et d'un Sacha Guitry. Il affectionne surtout les ambiances historiques : les Trois Mousquetaires (H. Diamant-Berger, 1932), Lucrèce Borgia (A. Gance, 1935), la Marseillaise (J. Renoir, 1938), Madame Sans-Gêne (Roger Richebé, 1941), Échec au Roy (Jean-Paul Paulin, 1945 ; RE : 1943), le Capitan (Robert Vernay, 1946), et surtout l'Affaire du collier de la reine (M. L'Herbier, id.).

ESCRIVÁ (Vicente)

cinéaste et scénariste espagnol (Valence 1913).

Ses premiers scénarios (La mies es mucha, J. L. Sáenz de Heredia, 1949 ; Balarrasa, J. A. Nieves Conde, 1950) témoignent déjà de la veine religieuse qu'il exploitera jusqu'à satiété durant toute la période « national-catholique ». Il écrit notamment pour le réalisateur Rafael Gil (la Dame de Fátima, 1951 ; De Madrid al cielo, 1952 ; Sor Intrépida, id. ; La guerra de Dios, 1953 ; El beso de Judas, id.). Cet auteur prolifique d'un des principaux genres du cinéma franquiste passe à la mise en scène avec El hombre de la isla (1959). La recherche du succès commercial facile le conduit à exploiter les phases successives du « destape », libération progressive du corps féminin (Lo verde empieza en los Pirineos, 1973). Sous ces comédies salaces, on peut cependant déceler le moraliste conservateur de jadis.

ESPAGNE.

Les Espagnols revendiquent une des toutes premières places dans la préhistoire du cinéma. En effet, quel autre exemple plus primitif d'une tentative de reproduire par l'image le mouvement des êtres vivants pourrait-on opposer aux peintures rupestres de la grotte d'Altamira ?... Plus près de nous, le 15 mai 1896, a lieu la première projection publique du cinématographe Lumière, à Madrid. L'opérateur français Promio, organisateur de la séance, enregistre ce même jour la Sortie des élèves de l'École Saint-Louis-des-Français, puis une série de manœuvres et défilés militaires, pour le compte de la maison lyonnaise. Les pionniers sont inventifs : le Catalan Fructúos Gelabert* fréquente tous les genres jusqu'à la fin du muet. On lui attribue la première bande de fiction (Riña en un café, 1897) et une incursion dans le répertoire théâtral (Tierra Baja, 1907, d'après Ángel Guimerá), dont on abusera par la suite. L'Aragonais Segundo de Chomón* rivalise avec son maître Méliès en matière de trucages et de fantaisie. Les influences les plus notables viennent d'Italie (le film historique) et de France (le Film d'Art et les serials : on note le succès de Barcelona y sus misterios, d'Alberto Marro, en 1915). L'apport national se résume à l'espagnolade et aux divers folklores régionaux ; on n'attend pas le sonore pour adapter des zarzuelas. Bref, le muet constitue le berceau de genres durables, d'un pompiérisme à l'espagnole et de quelques-uns de ses principaux représentants : Ricardo de Baños*, Antonio Cuesta, Adría Gual, Fernando Delgado*, Francisco Camacho et les prolifiques José Buchs*, Benito Perojo* et Florían Rey*, dont La aldea maldita (1929) est considéré comme le sommet de cette phase, et dont la carrière se confond avec celle de la vedette Imperio Argentina*.

L'époque dorée des années 30.

L'avènement du parlant perturbe une industrie encore balbutiante, malgré une production annuelle de 58 longs métrages en 1928. Les compagnies hollywoodiennes, fortes de leur avancée technique, passent à l'offensive, avec une production en langue espagnole, dont seul un faible pourcentage est mis en scène par des péninsulaires. L'enjeu, de taille, en est l'immense marché hispanophone, auquel s'intéresse manifestement le premier Congrès cinématographique hispano-américain, réuni à Madrid (1931). L'instauration de la République apporte au cinéma espagnol un renfort en capitaux et en hommes. Le premier film sonore (El misterio de la Puerta del Sol, F. Elías*, 1930) est à peine exploité, mais un redémarrage de l'activité est sensible à partir de Carceleras (J. Buchs, 1932). Des compagnies de production surgissent : la CEA (1933), Filmófono (1935) et surtout Cifesa (1934) ; les studios prolifèrent. La Catalogne, le plus grand marché, récupère sa primauté, talonnée par Madrid. Quelques tentatives de création d'un cinéma en catalan ont même lieu. Parallèlement, la génération intellectuelle dite « de 1927 » s'intéresse au cinéma : c'est le cas de Ramón Gómez de la Serna à Madrid et de Sebastián Gasch à Barcelone. La Gaceta Literaria (1928) lui consacre une rubrique, où écrivent le fasciste Ernesto Giménez Caballero et les communistes César M. Arconada et Juan Piqueras, ainsi que le fondateur du premier ciné-club espagnol (1928), Luis Buñuel*, réalisateur en France d'Un chien andalou (1928) et de l'Âge d'or (1930) qui font alors scandale. Buñuel filme dans une région déshéritée de son pays Terre sans pain (1932), âpre chef-d'œuvre de constat social, puis devient l'homme clé de Filmofono, entreprise qui veut fonder un cinéma populaire digne, quoique teinté de populisme. Cependant, les films de fiction de la période républicaine (et notamment ceux de la Cifesa) prolongent la veine conformiste et conservatrice du muet, avec une nette prédominance de comédies légères (où s'illustre le polyvalent Edgar Neville*) ; Fermín Galán (Fernando Roldán, 1931), à la gloire d'un militaire républicain, reste une exception. Deux Français s'intègrent conjoncturellement à cette production commerciale : Jean Grémillon* (La Dolorosa, 1934) et Harry d'Abadie d'Arrast* (La traviesa molinera, id.). En revanche, le courant documentaire incarné par Carlos Velo* et Fernando G. Mantilla semble plus affiné avec les nouvelles idées libérales. Les polémiques idéologiques s'expriment avec éclat dans l'hebdomadaire anarchiste Popular Film et dans la revue créée par Piqueras, Nuestro Cinema. Malgré ses faiblesses, le cinéma espagnol connaît un véritable boom à la veille de la guerre civile, dont témoignent les triomphes réservés par le public à La verbena de la Paloma (B. Perojo, 1935) et à Morena Clara (F. Rey, 1936).