STORCK (Henri)
cinéaste et producteur belge (Ostende 1907 - 1999).
Passionné de cinéma, proche de toute l'avant-garde européenne, il réalise d'abord des courts métrages (Images d'Ostende, 1930 ; Une idylle à la plage, 1931) et le férocement antimilitariste Histoire du soldat inconnu (1932). Il tient en 1933 un petit rôle dans Zéro de conduite de Vigo, dont il est aussi assistant, puis coréalise avec Joris Ivens Borinage (1933). Il reviendra d'ailleurs sur le thème de la condition ouvrière en Belgique dans les Maisons de la misère (1938). Le sommet de sa production documentariste est probablement une vaste fresque en cinq parties : Symphonie paysanne (1944), rythmée par les rites et les saisons. Il est également l'auteur de films remarquables sur des peintres : le Monde de Paul Delvaux (1946), Paul Delvaux ou les Femmes défendues (1971), Rubens (CO P. Haesaerts, 1948), Labisse (1961), Permeke (CO Patrick Conrad, 1985) ainsi que d'une passionnante série ethnographique consacrée aux Fêtes de Belgique (1973). Producteur des Seigneurs de la forêt (Henry Brandt et Heinz Sielman, 1958) et de Jeudi on chantera comme dimanche (L. de Heusch, 1966), il est aussi pédagogue à l'Institut des arts de diffusion de Bruxelles et a écrit pour l'Unesco le Film récréatif pour spectateurs juvéniles (1950).
STORMARE (Peter Rolf Stormare dit Peter)
acteur suédois et américain (Arbrå, Hälsingland, Suède, 1953).
Après une carrière d'acteur de théâtre et de télévision dans son pays natal, Peter Stormare fait du cinéma dans plusieurs pays d'Europe puis aux États-Unis. C'est surtout là qu'il frappe le spectateur, tueur obtus et décoloré, irrésistiblement drôle, dans Fargo (J. Coen, 1996). Depuis, seul Ingmar Bergman semble l'avoir incité à rejouer en Suède (En présence d'un clown, 1997). S'il apprécie les auteurs raffinés comme Joel Coen (The Big Lebowski, 1998) ou Wim Wenders (Million Dollar Hotel, 2000), il prend plaisir à jouer tout un assortiment de méchants dans des films qui parfois ne le méritent pas (8 Millimètres, J. Schumacher, 1999).
STORYBOARD (des mots anglais story, histoire, et board, planche).
Suite de dessins, correspondant chacun à un plan, permettant de visualiser le découpage. ( TOURNAGE.)
STOTHART (Herbert)
musicien américain (Milwaukee, Wis., 1885 - id. 1949).
Auteur d'opérettes à succès — il est coauteur avec Rudolf Friml de Rose Marie —, Stothart s'intéresse au cinéma. Dans les années 30 et 40, il devient le grand maître de musique de la MGM. Le plus classique des néoclassiques, Stothart est sans doute moins un compositeur qu'un arrangeur astucieux. Il prenait ses thèmes chez Tchaïkovski, chez Verdi, chez Schubert et les orchestrait en partition de film, sans se soucier le moins du monde de la chronologie, ne visant qu'à l'effet. Ainsi, c'est Tchaïkovski qui lui sert de base pour sa partition de Roméo et Juliette (G. Cukor, 1936). Stothart n'hésite pas non plus à réutiliser ses propres partitions quand elles s'adaptent à un nouveau sujet. Sa musique est douce et sirupeuse, et quasiment reconnaissable aux premières notes d'orchestration. Ses compositions se caractérisent notamment par l'emploi systématique du leitmotiv. Il a été tout ce dont on s'est moqué en parlant de musique hollywoodienne. En 1939, il remporte un Oscar pour la musique du Magicien d'Oz de Victor Fleming. Il serait cependant bien malhonnête de ne pas reconnaître qu'il sut servir très justement des mélodrames comme Miss Barrett (S. Franklin 1934), San Francisco (W. S. Van Dyke, 1936), la Valse dans l'ombre (M. LeRoy, 1940) ou la Danseuse des Folies Ziegfeld (R. Z. Leonard, 1941).
STOUT (Archie)
chef opérateur américain (Renwick, Iowa, 1886 - 1965).
Assistant photographe à la Keystone dès 1914, il travaille ensuite aux images des Dix Commandements (C. B. De Mille, 1923), mais il s'est fait particulièrement remarquer pour ses prises de vues en extérieurs dans les films de Ford (le Massacre de Fort Apache, 1948 ; l'Homme tranquille, 1952, qui lui vaut un Oscar partagé avec Winton C. Hoch, et Le soleil brille pour tout le monde, 1953). Même sobriété dans ses collaborations avec Wellman (Dangerous Paradise, 1930 ; Young Eagles, id. ; Aventure dans le grand Nord, 1953 ; Écrit dans le ciel, 1954) ; même éclat dur dans ses photos pour René Clair (C'est arrivé demain, 1944) et Ida Lupino (Outrage, 1950 ; Hard, Fast and Beautiful, 1951). Il s'est définitivement retiré en 1954, après une crise cardiaque.
STRADLING (Harry)
chef opérateur américain d'origine britannique (1902 - Los Angeles, Ca., 1970).
L'élégant Harry Stradling a travaillé en Grande-Bretagne, en France et aux États-Unis. C'est en France, par des réussites comme le Bonheur (M. L'Herbier, 1935) ou la Kermesse héroïque (J. Feyder, id.), qu'il acquiert une réputation de maître des nuances et de peintre délicat des visages féminins. Peu après Pygmalion (A. Asquith et L. Howard, 1938), il part pour les États-Unis, où il s'impose comme l'un des plus grands directeurs de la photographie à la MGM. On est encore émerveillé de ses compositions sombres autour de Joan Fontaine (Soupçons, A. Hitchcock, 1941), de son impeccable recréation de l'Angleterre victorienne (le Portrait de Dorian Gray, A. Lewin, 1945), de la brillance unique de ses couleurs (le Pirate, V. Minnelli, 1948) qui peut aller jusqu'au baroque le plus fiévreux (Johnny Guitar, N. Ray, 1954). Il termine sa carrière en photographiant, splendidement, Audrey Hepburn (My Fair Lady, G. Cukor, 1964) et Barbra Streisand (Funny Girl, W. Wyler, 1968 ; Hello Dolly, G. Kelly, 1969). Il est mort pendant le tournage de la Chouette et le Pussycat (The Owl and the Pussycat, H. Ross, 1970). Son fils lui a succédé dans la profession sous le nom d'Harry Stradling Jr. et s'est montré à la hauteur de son père dans plusieurs films qui privilégient la photo d'extérieurs très colorés (le Reptile, J. Mankiewicz, 1970 ; Little Big Man, A. Penn, id. ; la Chevauchée sauvage, R. Brooks, 1975).
STRAND (Paul)
cinéaste américain (New York, N. Y., 1890 - Orgeval, France, 1976).
Après avoir étudié à l'Ethical Culture High School, Strand commence, à partir de 1909, à pratiquer la photographie, activité qui le rendra célèbre dans le monde entier. Il assure, avec une Debrie à manivelle, les images et la réalisation d'un court métrage sur New York, Manhattan (1921), avec la collaboration du peintre et photographe Charles Sheeler. Inspiré par Walt Whitman, à qui sont empruntés titre et intertitres, ce premier essai est un poème visuel, à la fois abstrait et concret, sur la ville natale de Strand. Au cours d'un séjour au Mexique (1932-1934), le compositeur Carlos Chávez, directeur des Beaux-Arts, charge Strand d'organiser la production d'une série de films destinés à un public qui comprend un très grand nombre d'analphabètes. Seuls les Révoltés d'Alvarado (1934) voient le jour, écrits par Agustín Velásquez Chávez en collaboration avec Henwar Rodakiewicz, et réalisés par Fred Zinnemann. Outre la production, Strand en dirige les prises de vues. Ce film d'une heure relate l'évolution d'un groupe de pêcheurs pauvres et exploités, le cheminement d'une conscience collective qui passe par des épreuves, des dissensions violentes et monte, après la mort d'un des protagonistes, jusqu'à la révolte... Tout concourt, dans la photographie, à la beauté et à la force de l'œuvre. En 1935, au cours d'un voyage d'études à Moscou, Strand est stimulé par ses rencontres avec Eisenstein, Ekk et Dovjenko. De retour aux États-Unis, il est l'un des opérateurs de The Plow That Broke the Plains (1936) de Pare Lorentz, produit par la Resettlement Administration. C'est un documentaire d'une âpre poésie, véritable cri d'alarme sur les catastrophiques érosions du sol surexploité des Grandes Plaines américaines. Désireux de traiter de problèmes nationaux et internationaux qui préoccupent leurs concitoyens, Strand fonde la coopérative Frontier Film (1937-1942) avec Ralph Steiner, Leo Hurwitz et Lionel Berman. Outre ceux-ci s'y trouvent associés, pour un temps plus ou moins long, une pléiade de jeunes talents : Elia Kazan (The People of the Cumberland, 1937), Harry Dunham, Jay Leyda, Irving Lerner, Sydney Meyers, Ben Maddow (China Strikes Back, id.). Strand et Hurwitz prennent eux-mêmes une part prépondérante à la mise en forme des images de Heart of Spain (id.), recueillies par Herbert Kline et Géza Kárpáthy, un jeune opérateur hongrois. Bouleversant tableau de l'Espagne républicaine en guerre contre le fascisme européen, le film critique la politique de non-intervention des démocraties. Native Land (1942), long métrage réalisé par Strand et Hurwitz, représente la tentative la plus importante de Frontier Film. Basé sur une enquête menée par un groupe de sénateurs (le Comité Thomas-Lafollette) et concernant des cas répétés de violation des droits civils, notamment celui de se syndiquer, le film replace la période qu'il évoque (1931-1940) dans l'histoire des États-Unis et rappelle que depuis Washington et Jefferson chaque génération a dû lutter pour préserver ses libertés fondamentales. Recourant à des plans quasi abstraits, à des images d'actualité ou purement « documentaires » mêlées à des séquences interprétées par des acteurs, Strand et Hurwitz savent maintenir sans défaiilance l'intérêt d'un discours inédit dans le cinéma grâce à une réalisation ramassée, économe, constamment inventive et au montage nerveux qui enchaîne les séquences, parfois dignes d'une anthologie : l'assassinat d'un paysan, la poursuite d'un Blanc et d'un Noir par une bande armée, le réveil d'une rue dans un quartier ouvrier. Native Land est le chant du cygne de Frontier Film, mais aussi celui du cinéaste. Le reste de sa vie, Strand le consacrera à la photographie.