FRANCE. (suite)
Tandis qu'André Cayatte poursuit la série de ses films sociaux sur la justice (Verdict, 1974), on découvre quelques auteurs capables de dénoncer les injustices et de se tenir à l'écoute des problèmes d'actualité, par exemple Christian de Chalonge (l'Argent des autres, 1978) ou Robin Davis (la Guerre des polices, 1979).
D'autres cinéastes conservent un public fidèle : Costa-Gavras* (Section spéciale, 1975 ; Clair de femme, 1979 ; Missing, 1982), Jacques Deray* (Flic Story, 1975 ; le Gang, 1977 ; Un papillon sur l'épaule, 1978 ; le Marginal, 1983), Michel Deville* (le Mouton enragé, 1974 ; le Dossier 51, 1978 ; la Petite Bande, 1983), Claude Lelouch* (le Bon et les Méchants, 1976 ; Un autre homme, une autre chance, 1977 ; les Uns et les Autres, 1981), Louis Malle* (Lacombe Lucien, 1974 ; Atlantic City, 1980), Yves Boisset* (Dupont Lajoie, 1975 ; le Juge Fayard dit « le Shérif », 1977 ; Un taxi mauve, 1977), Henri Verneuil* (le Corps de mon ennemi, 1976 ; I comme Icare, 1979), Pierre Granier-Deferre* (Une femme à sa fenêtre, 1976 ; Une étrange affaire, 1981 ; l'Étoile du Nord, 1982), Robert Enrico* (le Vieux Fusil, 1975), Édouard Molinaro*, Philippe de Broca*, Jean-Paul Rappeneau*. Les « anciens » de la Nouvelle Vague connaissent des fortunes diverses. Jean-Luc Godard reste délibérément marginal. Il travaille entre 1968 et 1972 avec le groupe Dziga Vertov*, puis s'installe à Grenoble, où il expérimente des techniques nouvelles (films télévisuels, travail sur magnétoscope). Après Tout va bien (1972), il donne Numéro deux (1975) avant d'amorcer un retour remarqué avec Sauve qui peut ! (la vie) [1980], Passion (1982), Prénom Carmen (1983), Je vous salue Marie (1985), Détective (id.).
François Truffaut connaît un succès international avec la Nuit américaine (1973) et réalise ensuite notamment l'Histoire d'Adèle H (1975), la Chambre verte (1978), le Dernier Métro (1980), Vivement dimanche (1983). Claude Chabrol reste fidèle à ses attaques contre la société en utilisant son habituel savoir-faire (les Noces rouges, 1973 ; Nada, 1974 ; Violette Nozière, 1978). En 1980, il adapte le roman de Pierre Jakez Hélias, le Cheval d'orgueil.
Agnès Varda*, après Daguerréotypes (1975), réalise L'une chante et l'autre pas (1977) ; Jacques Rivette signe Out One (1971-1974), Céline et Julie vont en bateau (1974) ; Éric Rohmer, la Marquise d'O (1976), Perceval le Gallois (1979), la Femme de l'aviateur (1981), Pauline à la plage (1983). Jean Eustache* tourne Mes petites amoureuses (1974) et Une sale histoire (1977). Il se suicidera en 1981.
Claude Sautet* parvient à analyser l'« air du temps » et touche un public nombreux, qui reconnaît en lui un auteur sensible et habile (Vincent, François, Paul et les autres, 1974 ; Mado, 1976 ; Une histoire simple, 1978 ; Un mauvais fils, 1980 ; Garçon !, 1983) ; Yves Robert*, de son côté, livre des comédies de mœurs qui évoquent La Bruyère : Un éléphant ça trompe énormément (1976), Nous irons tous au paradis (1977), Courage, fuyons (1979). Les auteurs comiques sont, il faut l'avouer, plutôt rares (Pierre Richard*, Georges Lautner*, Gérard Oury* sont d'agréables exceptions), ce qui ne veut pas dire que les films comiques le soient. On note à la fin des années 70 un développement du comique de café-théâtre qui, à défaut de révéler des auteurs de premier plan, donne une chance de premier choix à plusieurs acteurs.
Les jeunes auteurs des années 70 sont peut-être moins nombreux qu'on ne le souhaiterait. Parmi eux : Bertrand Tavernier* (l'Horloger de Saint-Paul, 1974 ; Que la fête commence, 1975 ; le Juge et l'Assassin, 1976 ; la Mort en direct, 1979 ; Une semaine de vacances, 1980) ; Daniel Duval* (l'Ombre des châteaux, 1977) ; René Féret* (Histoire de Paul, 1975 ; la Communion solennelle, 1977) ; Claude Miller* (la Meilleure Façon de marcher, 1976 ; Dites-lui que je l'aime, 1977 ; Garde à vue, 1981) ; André Téchiné* (Barocco, 1976) ; Alain Corneau* (Police Python, 1976 ; Série noire, 1979) ; Yannick Bellon* (la Femme de Jean, 1974 ; Jamais plus toujours, 1976) ; Jacques Doillon* (les Doigts dans la tête, 1974 ; la Femme qui pleure, 1978 ; la Drôlesse, 1979) ; Benoît Jacquot* (les Enfants du placard, 1977). Il serait juste de citer également Paul Vecchiali* (la Machine, 1977), Jean-Louis Bertucelli* (l'Imprécateur, 1977), Ariane Mnouchkine* (1789, 1974 ; Molière, 1978) et Patrice Chéreau* (la Chair de l'orchidée, 1975 ; l'Homme blessé, 1983) — ces deux derniers étant par ailleurs d'excellents metteurs en scène de théâtre —, René Allio* (Moi, Pierre Rivière..., 1976), Alain Cavalier* (Martin et Léa, 1979), Gérard Blain* (le Pélican, 1974 ; Un enfant dans la foule, 1976), Maurice Pialat* (la Gueule ouverte, 1974 ; Passe ton bac d'abord, 1979 ; Loulou, 1980 ; À nos amours, 1983), Jean-Pierre Mocky* (l'Ibis rouge, 1975), Pierre Schoendoerffer* (le Crabe-Tambour, 1977), Michel Drach* (le Passé simple, 1977 ; le Pull-Over rouge, 1979), Jean-Charles Tacchella* (Cousin, cousine, 1975), Jean-Jacques Beineix* (Diva, 1981), Jacques Rouffio*, Francis Girod*, Bertrand Blier*.
Marguerite Duras* joue, dans son œuvre, sur la dissociation du discours visuel et oral et provoque des prises de position polémiques (India Song, 1975 ; Son nom de Venise dans Calcutta désert, 1976 ; Baxter, Vera Baxter, 1977 ; le Camion, id. ; le Navire Night, 1979). Elle reste néanmoins, avec Alain Robbe-Grillet*, l'un des rares écrivains à se passionner pour le cinéma.
Les années 80 - 90.
La fin des années 80 est marquée par le « syndrome Diva », caractérisé par une photo très léchée et la recherche d'effets visuels saisissants. 37° 2 le matin (J.-J. Beineix, 1986) et Mauvais Sang (L. Carax*, id.) illustrent pleinement cette tendance que l'on retrouve dans plusieurs « grosses machines » plébiscitées par un large public. Des réalisations comme le Grand Bleu (L. Besson*, 1988), véritable film-culte pour certains, ou l'Ours (J.-J. Annaud*, id.) accusent le retour d'un cinéma à grand spectacle qui fait la part belle aux prouesses techniques sans craindre de verser parfois dans l'esthétisme. Le souci de la belle image n'épargne pas non plus les représentants d'un certain cinéma de qualité, enclin, lui, à l'académisme : Au revoir les enfants (L. Malle, 1987), la Passion Béatrice (B. Tavernier, id.), Camille Claudel (B. Nuytten*, 1988). Les efforts de renouvellement en matière d'écriture ou d'inspiration restent avant tout le fait de « francs-tireurs » qui n'en sont plus à leurs premiers essais : Alain Cavalier (Thérèse, 1986), Michel Deville (la Lectrice, 1988), sans oublier Jean-Luc Godard (Soigne ta droite, 1987), Agnès Varda (Jane B. par Agnès V., id.), Éric Rohmer (le Rayon vert, 1985), Jacques Rivette (la Belle Noiseuse, 1991). Jean-Pierre Mocky continue de tourner « plus vite que son ombre » avec un bonheur inégal (le Miraculé, 1986) tandis que d'autres cinéastes comme Bertrand Blier* (Trop belle pour toi, 1989) ou Claude Miller (l'Effrontée, 1985) poursuivent une œuvre personnelle intéressante. Cependant, une poignée de réalisateurs, déjà expérimentés ou nouveaux venus au cinéma, créent la surprise : Coline Serreau* (Trois Hommes et un couffin, 1985), Jean-Loup Hubert (le Grand Chemin, 1986), Jean-Claude Brisseau* (De bruit et de fureur, 1987), Patrice Leconte* (Tandem, id.), Régis Wargnier* (Je suis le seigneur du château, 1988), Étienne Chatiliez (La vie est un long fleuve tranquille, 1987), François Dupeyron* (Drôle d'endroit pour une rencontre, 1988), Éric Rochant* (Un monde sans pitié, 1989), Christian Vincent* (la Discrète, 1991).