ÉCLAIRAGE. (suite)
Accessoires. Pour maîtriser et moduler cette lumière, l'opérateur dispose de toute une gamme d'accessoires aux noms parfois pittoresques : coupe-flux, nègres, drapeaux, volets mammas (qui interceptent une partie du faisceau), cônes (qui limitent l'ouverture du faisceau), filtres, dispositifs diffusants (trames, tulles, etc.) ou réfléchissants (polystyrène, etc.), gélatines colorées.
La prise de vues.
Le film n'enregistre correctement les divers éléments de la scène filmée, du plus clair au plus sombre, que si le contraste n'est pas trop élevé entre, précisément, les éléments les plus clairs et les plus sombres. ( CONTRASTE.) Le film se différencie en cela du couple œil/cerveau, beaucoup plus tolérant au contraste grâce aux mouvements incessants de l'œil. Sur un plan strictement technique, le travail fondamental de l'opérateur consiste donc :
— soit à faire entrer le contraste du sujet dans les limites tolérées par le film, d'où la nécessité de l'éclairage, qui permet de contrôler le contraste ;
— soit à savoir quelles informations on peut négliger, voire à faire un atout artistique de ce manque de restitution de certains éléments de la scène. Un cas typique est celui d'un intérieur avec une fenêtre laissant voir l'extérieur. Si l'extérieur est trop lumineux, on ne distinguera rien sur le film. Dans la scène considérée, compte tenu du film en question, est-ce un inconvénient ou bien peut-on en tirer avantage ? Faut-il, au contraire, tout faire pour que le paysage reste lisible ? Ce n'est plus ici de technique seulement qu'il s'agit.
La remarque précédente est valable de façon générale : lumière et mise en scène sont étroitement liées. Par exemple, faut-il — en fonction de l'histoire et des personnages — une lumière douce ou bien une lumière dure avec de grandes zones d'ombre ? Les fonds (décor, paysage) doivent-ils être présents ou estompés ? La mise en scène fera-t-elle jouer la profondeur de champ ? (Si oui, cela impose [ PROFONDEUR DE CHAMP] un certain diaphragme, et donc un niveau lumineux prédéterminé, celui qui conduit à une illumination correcte du film pour le diaphragme retenu.) Ces options ont été prises en général avant le tournage, pendant la phase de préparation.
Prise de vues en studio. Des lampes réelles n'éclairent pas un décor : si on filmait un appartement réel, on verrait uniquement des points lumineux (les lampes) noyés dans une pénombre indistincte. Toute une configuration de projecteurs, parfois très élaborée, est nécessaire — surtout s'il y a déplacement des acteurs et de la caméra — pour recréer l'illusion que la scène est éclairée par les lampes que l'on voit. Le problème est comparable si la scène est censée être une scène de jour, avec une ou plusieurs fenêtres ouvrant sur une découverte. Sur le plateau, l'opérateur va ainsi construire sa lumière comme une sorte de jeu de construction, une lumière en appelant une autre et ainsi de suite, en partant de la partie la plus éloignée de la caméra (le décor, si l'on considère que l'on commence la scène par le plan le plus large) pour finir par les positions d'acteurs les plus proches de la caméra.
La construction débute par la création des effets de lumière, cohérents par rapport au décor, qui assureront à l'image son impact dramatique. Cette lumière de base, ou effet ou encore key light, doit être établie au niveau d'éclairement requis : par exemple, 2 160 lux pour un film de sensibilité 100 ASA et pour une ouverture de diaphragme — assez usuelle — de f : 4.
Pour contrôler le contraste final de l'image, il faut combler l'ombre existant entre les effets : on ajoute pour cela de la lumière d'ambiance, ou fill in light. Dans une image peu contrastée, le niveau de fill in light est typiquement égal à la moitié environ de celui de key light, ce qui conduit à un contraste d'éclairement ( CONTRASTE) de 3 (puisque les éléments recevant à la fois le key light et l'ambiance reçoivent alors trois fois plus de lumière que ceux recevant la seule ambiance).
À l'effet et à l'ambiance s'ajoutent (mais pas en termes de réglage du diaphragme, puisqu'ils ne modifient pas la luminosité des éléments filmés) les décrochages, ou back light, qui éclairent les éléments par derrière, créant autour d'eux un liséré lumineux qui permet de séparer les différents plans. Leur usage était nécessaire, en noir et blanc, à la lisibilité de l'image car des couleurs différentes pouvaient alors se traduire par des valeurs de gris identiques. On distingue aussi, parfois, les lumières rasantes de côté, qui accentuent le relief, et que les Anglo-Américains appellent cross light.
Ce schéma de principe (la figure situe l'emplacement typique des divers éclairages) va se répéter autant de fois qu'il le faudra, les différentes phases s'imbriquant les unes dans les autres : il peut en résulter une apparence de très grande complexité.
Le choix de la lumière de base dépend de deux facteurs principaux : la direction de lumière générale indiquée par les sources visibles ; les positions des acteurs. Ce key light pourra être un projecteur puissant mais placé loin, ce qui limite les variations de l'éclairement reçu par les acteurs lorsqu'ils s'approchent ou s'éloignent de la source lumineuse. (Souvent, on a recours aux projecteurs implantés, en hauteur, sur les passerelles du studio.) Mais tout dépend de la scène : le key light peut être donné, selon le cas, par un projecteur de 500 W ou par un brute.
Les différentes lumières d'ambiance, qui servent à modeler les ombres au niveau désiré, relèvent elles aussi du cas d'espèce. Ainsi, on laisse parfois les zones sombres sans aucun éclairage, afin de renforcer l'effet dramatique.
D'une façon générale, l'impact d'une scène provient en grande partie, sur le plan plastique, du rapport entre surfaces claires et surfaces sombres. (C'est évident chez des peintres comme Vinci, Le Nain, Rembrandt ; à l'inverse, on pourrait dire qu'un peintre comme Vermeer « dédramatise ».) Si les zones claires prédominent, c'est la lumière dite « high key », typique des comédies musicales. Si ce sont les zones sombres qui prédominent, c'est le low key des films policiers.