FORDE (Seymour Thomas, dit Walter)
cinéaste britannique (Bradford 1896 - Los Angeles, Ca., 1984).
Ancien pianiste et artiste de music-hall, il débute dans la carrière cinématographique avec des courts métrages burlesques, dont il est aussi l'interprète (la série des Walter, 1921-1927). À partir de 1928, il réalise une quarantaine de longs métrages, parmi lesquels : The Silent House (1929), les deux versions de The Ghost Train (1931 et 1941), Rome Express (1932), Jack Ahoy ! (1934), Bulldog Jack (1935), Forever England (id.), Saloon Bar (1940), le Chevalier de carton (Cardboard Cavalier, 1949).
FOREMAN (Carl)
scénariste et cinéaste américain (Chicago, Ill., 1914 - Beverly Hills, Ca, 1984).
Fils d'émigrés russes, d'abord journaliste et écrivain publicitaire, c'est à Stanley Kramer et ses productions ambitieuses que Carl Foreman doit sa réputation. À la fin des années 40 et au début des années 50, on voit son nom au générique de films vigoureux et engagés comme Champion (M. Robson, 1949) ou C'étaient des hommes (F. Zinnemann, 1950). Ayant été très admiré pour Le train sifflera trois fois (Zinnemann, 1952), Foreman dut cependant quitter les États-Unis à cause de ses sympathies de gauche. Curieusement, si l'exil lui apporta le succès commercial, il tua en lui bon nombre d'ambitions. Il y a très peu à retenir dans les scénarios des Canons de Navarone (J. Lee Thompson, 1961) ou l'atterrant Or de Mackenna (Lee Thompson, 1969). Il n'a réalisé qu'un film : les Vainqueurs (The Victors, 1963).
FORMAN (Miloš)
cinéaste américain d'origine tchèque (Časlav, Tchécoslovaquie, 1932).
Fils d'un professeur juif et d'une mère protestante, tous deux morts en camp de concentration nazi, Miloš Forman sera élevé par de proches parents. En 1955, après quatre ans d'études à la FAMU, il travaille pour la télévision, écrit deux scripts pour Martin Frič (Nechte to na mně, 1955) et Ivo Novala (Štěňata, 1957). Il devient l'assistant réalisateur d'Alfred Radok (Grand-Père automobile [Dědeček automobil], 1956), l'un des hommes de théâtre les plus importants de Tchécoslovaquie à l'époque, et de Pavel Blumenfeld (Tam za lesem, 1962). Il fait ses débuts de réalisateur en 1963, avec deux courts métrages : Concours et S'il n'y avait pas ces guinguettes. Sous leur aspect documentaire, ces deux films font apparaître des constantes de l'œuvre à venir : concernant la forme, un goût de l'improvisation contrôlée qui a pu faire parler de cinéma-vérité ; concernant les thèmes, des esquisses que l'on retrouvera, pleinement développées, dans les Amours d'une blonde et Au feu, les pompiers, longs métrages au scénario desquels participera Ivan Passer.
Le conflit des générations est un thème récurrent dans toute une partie de sa production, tant américaine que tchécoslovaque. L'As de pique (1963), scénario original écrit en collaboration avec Jaroslav Papousek et Ivan Passer, est la chronique des désillusions d'un adolescent qui entre dans la vie et, en particulier, dans le monde du travail. L'humour et la mélancolie y sont constamment en balance, et la satire sociale est déjà celle que l'on retrouvera jusqu'à Hair, opposant un establishment à une jeunesse provisoirement en révolte, mais qui n'a vraiment rien de révolutionnaire. En revanche, ce film apparaît comme un manifeste tranquille de la Nouvelle Vague tchécoslovaque, dans un cinéma dont l'originalité avait à peu près complètement disparu dans les années 50. Toujours avec Passer, il écrit les Amours d'une blonde (1965), qui traite encore du conflit des générations, du passage à l'âge adulte, de l'avenir bouché. Il mêle encore le rire et le désespoir, mais le regard du cinéaste est celui du moraliste, à la fois sympathique et détaché, épinglant ses personnages un peu à la manière d'un entomologiste, sans jamais conduire le spectateur à s'identifier à eux. Au feu, les pompiers (1967) est le dernier film que Forman réalise en Tchécoslovaquie. Une nouvelle fois en collaboration avec Ivan Passer et Jaroslav Papousek, il étend aux dimensions d'un long métrage la description d'un rituel collectif, sans faire venir aucun personnage particulier au-devant de la scène, ce qui en constitue à la fois la force et la relative faiblesse, au point qu'on risque de ne le lire que comme une parabole politique (le sort de l'individu prisonnier de l'incohérence des décisions de la collectivité), sans attacher suffisamment d'importance à la mise en scène, à la liberté de la composition, au mélange chaplinien du comique et du pathétique.
En juin 1968, Forman a des contacts à Prague avec des représentants de la Paramount en vue d'un tournage aux États-Unis. En août 1968, il est à Paris, quand l'intervention soviétique en Tchécoslovaquie met fin au Printemps de Prague. Il y reste jusqu'en 1969, avant de partir pour les États-Unis, avec d'autres cinéastes tchèques (Kadar, Passer). Il travaille au script de Society For the Parents of Fugitive Children (SPFC), qu'il tournera en 1971 sous le titre Taking Off. Le réfugié politique en terre étrangère n'a rien perdu de son esprit corrosif et le regard qu'il pose sur la moyenne bourgeoisie américaine est aussi aigu que naguère sur la société tchécoslovaque. Le conflit des générations, le retour des jeunes vers des valeurs qu'ils croyaient avoir rejetées, le désarroi des adultes font de Taking Off un des portraits les plus profonds et les plus vrais de la société occidentale de l'époque, en dépit même du grossissement du trait, qui touche souvent à la caricature. Le récit reste fidèle encore aux méthodes ouvertes de Forman ; le tournage recourt partiellement à l'improvisation, et la part d'aléatoire qui en résulte traduit parfaitement l'incohérence de l'univers mis en scène. Vol au-dessus d'un nid de coucou (1975) est tiré du best-seller de Ken Kesey. C'est une œuvre parabolique, qui, tel un miroir grossissant et déformant, renvoie autant l'image de la société américaine que celle des pays de l'Est. Le personnage anarchique de McMurphy (Jack Nicholson) est le reflet des origines de l'Amérique, nation jeune, conquise sur la sauvagerie, super ficiellement policée, puritaine et si anxieuse de voir surgir le retour du refoulé qu'elle préfère lobotomiser cette part ingouvernable d'elle-même. Mais l'hôpital psychiatrique, où l'action se déroule, est aussi l'image de tous les goulags et c'est surtout cet aspect second qui a trouvé l'écho le plus fort dans le public. Un autre thème a été moins remarqué, qui domine pourtant la seconde moitié de l'œuvre et gouvernera tout le scénario de son film suivant, Hair, et, à un moindre degré, une part du récit de Ragtime, celui du transfert de personnalité. Vol au-dessus d'un nid de coucou a été récompensé par cinq Oscars, asseyant du jour au lendemain la réputation internationale de Forman, qui, en outre, est nommé en 1978 codirecteur de la Columbia University's Film Division. Hair, autre grand succès, au départ simple mise en images cinématographiques du musical des années 60, suite de tableaux sans lien véritable autre que la libération des mœurs avec la guerre du Viêt-nam en filigrane, devient une réflexion poignante (et un spectacle admirable) sur l'impossibilité de la révolution permanente, la victoire honteuse, mais incontournable, de tous les establishments. Ragtime apparaît comme le seul échec (relatif d'ailleurs) de ce cinéaste. L'adaptation, peut-être impossible, du roman foisonnant de Doctorow, qui devait être confiée à Robert Altman, ne convenait assurément pas au tempérament plus linéaire de Miloš Forman. Après l'ouverture polyphonique brillante, le reste s'enlise dans la thèse, en dépit des croquis acides que Forman nous donne de tel ou tel personnage. Il ne parvient pas non plus à réintroduire en contrebande ses thèmes favoris, celui du transfert d'identité, notamment, esquissé entre le Noir, héros du film, et le personnage incarné par Brad Dourif. Retournant en Tchécoslovaquie pour Amadeus, librement adapté de la pièce de Peter Shapper, Forman y signe l'un de ses meilleurs films. On y retrouve sa verve caustique et son goût pour les « rebelles ». L'œuvre, visuellement inspirée, est aussi une réflexion sur le monde du spectacle et la création musicale. La même année que Stephen Frears, il adapte le roman de Choderlos de Laclos les Liaisons dangereuses, d'une manière très libre et en privilégiant intentionnellement la séduction par rapport au cynisme intellectuel (mis en valeur par le réalisateur britannique). Depuis, Milos Forman a recentré son intérêt sur la société américaine en consacrant deux films à des personnalités hors-normes, marginales et ambiguës : Larry Flynt, éditeur de la revue pornographique Hustler (Larry Flynt, The People Vs. Larry Flynt, 1996) et Andy Kaufman, comique déconcertant et suicidaire (Man on the Moon, id., 2000). On peut y voir une manière de diptyque où le style désormais très classique de Forman soutient un propos finement et cruellement critique.