STEVENS (George) (suite)
Pendant la Seconde Guerre mondiale, il sert dans le service cinématographique de l'armée américaine, ce qui lui permet de filmer certains des événements chocs de l'époque : libération du Danemark, ouverture du camp de Dachau, prise du nid d'aigle de Berchtesgaden.
De retour à Hollywood, il s'oriente vers des sujets dramatiques et s'interroge sur les fondements de l'Amérique, sur ses grandes mythologies, avec Une place au soleil (mythe du self-made man), l'Homme des vallées perdues (aventure westernienne), et Géant, dernier film de James Dean, qui y incarnait un parvenu constatant, une fois fortune faite, l'échec de sa vie personnelle.
La critique européenne l'a longtemps méprisé comme étant un pur représentant du pire académisme hollywoodien, en dépit de son succès auprès de la critique américaine, du public et même de l'industrie cinématographique. On pourrait souscrire à une telle idée face au conformisme plat de ses derniers films, le Journal d'Anne Frank (1959), ou la Plus Grande Histoire jamais contée (1965), ou encore face au pompiérisme impavide de certaines séquences de Géant (1956).
Et pourtant, même s'il faut émettre des réserves, on peut se risquer à affirmer que George Stevens est un grand méconnu du cinéma, probablement parce que peu de cinéastes ont puisé leur inspiration si profondément dans la culture, la civilisation et la société américaines. À cet égard, même la Plus Grande Histoire jamais contée est passionnante comme une vision très américaine de la vie du Christ (avec John Wayne dans le rôle du centurion et Max von Sydow dans celui du Christ).
L'œuvre de George Stevens, dont la constante est un romantisme ouaté, idéaliste et manichéen, centré autour du thème de l'ascension sociale et de ses désillusions, se répartit également en comédies et en mélodrames. Dans ce dernier genre, son chef-d'œuvre reste Une place au soleil (1951), où, auprès d'une Elizabeth Taylor resplendissante, Montgomery Clift et Shelley Winters s'affrontent, dans un scénario adapté (très librement) du roman célèbre de Theodore Dreiser. Film ambigu, étrangement sulfureux et âpre, Une place au soleil, qui a valu à Stevens son premier Oscar, est sans doute un des films clés du cinéma américain des années 50.
Le ton spécifique des grandes réussites de Stevens réside dans un mélange de dérision et de mélancolie, oscillant constamment entre le rire et les larmes, qui fait, par exemple, tout le prix et toute la justesse de Pour un baiser (Quality Street, 1937), de la Chanson du passé (1941), la Justice des hommes (1942) ou Tendresse (1948). Peu productif quantitativement — son perfectionnisme est à la limite de la maniaquerie —, il reste très représentatif des bons professionnels de l'industrie hollywoodienne.
Films :
The Cohens and the Kellys in Trouble (1933) ; Bachelor Bait (1934) ; Kentucky Kernels (id.) ; Laddie (1935) ; The Nitwits (id.) ; Alice Adams (id.) ; la Gloire du cirque (Annie Oakley, id.) ; Sur les ailes de la danse (Swing Time, 1936) ; Pour un baiser (Quality Street, 1937) ; Demoiselle en détresse (A Damsel in Distress, id.) ; Mariage incognito (Vivacious Lady, 1938) ; Gunga Din (id., 1939) ; Vigil in the Night (1940) ; la Chanson du passé (Penny Serenade, 1941) ; la Femme de l'année (Woman of the Year, 1942) ; la Justice des hommes (The Talk of the Town, id.) ; Plus on est de fous (The More the Merrier, 1943) ; Tendresse (I Remember Mama, 1948) ; Une place au soleil (A Place in the Sun, 1951) ; l'Ivresse et l'Amour (Something to Live for, 1952) ; l'Homme des vallées perdues (Shane, 1953) ; Géant (Giant, 1956) ; le Journal d'Anne Frank (The Diary of Ann Frank, 1959) ; la Plus Grande Histoire jamais contée (The Greatest Story Ever Told, 1965) ; Las Vegas, un couple (The Only Game in Town, 1970).