Si l'on sait que dans la Géorgie voisine la première séance cinématographique a lieu à Tiflis en 1896 où l'on projette quelques bandes des frères Lumière, l'appartition du cinéma en Arménie est beaucoup plus floue. En 1907 des Russes sont venus tourner des films d'actualité, en 1915 le premier long métrage à thème arménien est mis en scène... mais en Russie. Il faudra attendre l'arrivée du pouvoir soviétique, la nationalisation des quelques salles existant en Arménie et enfin la création en 1923 du Groskino arménien pour qu'apparaissent les premiers embryons d'un cinéma national. L'homme qui va être pendant plus de trente ans le porte- drapeau du cinéma arménien se nomme Amo Bek-Nazarov*. Ancien acteur, fondateur d'un studio à Erevan en 1921, Bek-Nazarov va signer les plus beaux fleurons du 7e Art arménien (Namous, premier film de fiction, 1925 ; Chor et Chorchor, première comédie, 1926 ; Zareh, id ; Khas-pouch, 1927 ; Pepo, premier film sonore, 1935 ; David-Bek, 1944). Tout en restant étroitement inféodés à l'idéologie du gouvernement soviétique de l'époque – notons que la plupart des apprentis-cinéastes vont faire leurs études à Moscou – les thèmes des films arméniens sont néanmoins fortement imprégnés d'une culture nationale séculaire.
Une culture que ne désavouera pas totalement Rouben Mamoulian, un expatrié célèbre venu chercher la gloire à Hollywood à la fin des années 20.
Dans le sillage de Bek-Nazarov des auteurs s'imposent tels Patvakan Barkhoudarian (Kikos, 1933), Artachès Hai-Artian (Karo, 1937), Amassi Martirossian (les Diplomates mexicains, 1931). Un autre nom marque l'éclosion du cinéma arménien : Ivan Perestiani à la fois acteur, metteur en scène, scénariste. S'il a exercé son influence essentiellement en Russie et en Géorgie, il a également aidé la cinématographie arménienne naissante, tournant notamment ses propres films pour le compte d'une compagnie privée montée par des Arméniens.
Le cinéma arménien a été et reste un cinéma de la mémoire. La perception souvent grave et tragique de la vie est liée au souvenir persistant du génocide.
En 1957 le studio d'Erevan devient Armenfilm. Au début des années 60 un souffle frais s'empare du cinéma arménien. Henrik Malian* et Frounzé Dovlatian représentent une nouvelle tendance plus ouverte sur le monde extérieur même si le rapport au sacré, le recours aux anciennes traditions, la fidélité aux paysages austères et majestueux, le mélange harmonieux de l'humour et du sérieux sont toujours présents dans la plupart des œuvres. En 1968, Serguei Paradjanov* un Arménien devenu Géorgien de Tbilissi mais très fidèle à une mythologie arménienne qu'il magnifiera dans ses films nimbés de poésie symbolique et parfois même surréelle tourne Sayat Nova à Armenfilm. Dans un domaine différent, celui du documentaire expérimental, Artavazd Pelechian propose une nouvelle approche du monde qui nous entoure en inventant un langage poétique situé au-delà de l'action et du récit. Plusieurs cinéastes rompent avec les sujets d'antan, plus ou moins imposés par l'idéologie dominante, et écornent les tabous auxquels on n'osait et ne pouvait s'attaquer pendant le stalinisme : Souren Babaïan, Haroutioun Khatchatourian, Ara Vahouni, Rouben Ghevokiants, David Safarian, Edmond Kheussaian, Bagrat Hovhannessian, Roman Balaian, Aghassi Aivazian. À l'étranger les cinéastes d'origine arménienne affirment leur talent : Atom Egoyan* au Canada, Don Askarian en Allemagne, Richard Sarafian aux États-Unis, Henri Verneuil (né Malakian), Serge Avedikian, Jacques Kedabian, Arby Ovanessian, Edouard Sarxian en France.