cofondateur et secrétaire général de la Cinémathèque française (Smyrne, Empire ottoman [auj. Izmir, Turquie], 1914 - Paris 1977).
Né de parents français, Henri Langlois s'enthousiasme pour le cinéma lorsqu'il est lycéen à Paris. En 1935, il fonde avec Georges Franju le Cercle du cinéma, un ciné-club. En 1936, toujours avec Franju, il devient secrétaire de la Cinémathèque française, association sans but lucratif née de leur amitié avec Jean Mitry et Paul-Auguste Harlé. Langlois dispose de moyens personnels importants, qui lui permettent dès l'avant-guerre de racheter et de stocker une quantité considérable de copies de films muets.
Les premières cinémathèques étaient nées, plus tôt, à Stockholm, Berlin, Londres, New York. En 1938, Langlois est de ceux qui fondent la FIAF (Fédération internationale des Archives du film). La guerre bloque les échanges mais n'interrompt pas la quête fiévreuse de Langlois. En 1945, la Cinémathèque française gère une collection exceptionnelle. Elle a ses bureaux avenue de Messine et entrepose ses films autour de Paris. Langlois propose des projections dans le local étroit et fruste de l'avenue de Messine, puis après 1955 dans la salle plus vaste de l'Institut pédagogique national de la rue d'Ulm. La Cinémathèque est toujours une association privée, subventionnée par l'État. Langlois s'est entouré d'une équipe de collaboratrices toutes attachées à l'histoire du cinéma : Mary Meerson, Lotte Eisner, Marie Epstein. La rue d'Ulm accueille un public de jeunes passionnés, Langlois organise des rétrospectives qui deviendront légendaires, communique son enthousiasme dans des improvisations brillantes et souvent paradoxales. La génération qui sera celle de la Nouvelle Vague apprend là le cinéma. Le succès est tel que la Cinémathèque obtient d'André Malraux, alors ministre de la Culture, la disposition de la salle aménagée en 1962 au palais de Chaillot (en 1978, une deuxième salle sera ouverte au centre Georges-Pompidou).
Le 9 février 1968, l'« affaire Langlois » éclate, qui sanctifie littéralement celui que Cocteau avait appelé « le dragon qui veille sur nos trésors », et en même temps commence à en lézarder la statue. À l'initiative de l'État, le conseil d'administration de la Cinémathèque propose d'évincer Langlois, dont la gestion est sérieusement mise en doute. Le lendemain, la plupart des cinéastes prennent fait et cause pour lui, et interdisent la projection de leurs films. De nombreux créateurs étrangers leur emboîtent le pas. Le 12, on manifeste rue l'Ulm. Le 14, les policiers dispersent brutalement ceux qui défendent Langlois devant Chaillot. La confusion est extrême pendant huit semaines. Fin avril, le pouvoir cède : Henri Langlois retrouve ses fonctions. Deux semaines plus tard, ce sera Mai-68.
Pendant deux mois de polémiques, la personne de Langlois a été exaltée, mais les premiers doutes sont nés sur son œuvre de conservateur. On a pu constater le mauvais état des copies déposées dans les casemates de Bois-d'Arcy. En 1972, la Cinémathèque perd l'usage de la rue d'Ulm. Langlois, qui a rompu avec la FIAF en 1959, travaille à son musée du Cinéma (inauguré en 1973), organise des projections aux États-Unis, donne des conférences au Canada, mais la gestion de la Cinémathèque est de plus en plus contestée. Les dettes s'accumulent. Quand il meurt en janvier 1977, il laisse une institution profondément troublée.