BRUITAGE. (suite)
Il arrive aussi que l'on utilise des bruits tout faits, puisés dans des sonothèques, c'est-à-dire des collections de sons, sur bande magnétique ou sur disque numériques (CD audio), constituées à cet usage. Ces bruits présentent généralement l'inconvénient d'être assez stéréotypés.
Quant aux ambiances continues destinées à soutenir une scène longue (bruit de la mer, par exemple), elles sont souvent générées grâce à une courte longueur de bande magnétique montée en boucle. En contrepartie des économies de temps et de bande ainsi réalisées, cette formule souffre de procurer une certaine monotonie.
Paradoxalement, le silence figure parmi les ambiances. En effet, même en l'absence de dialogue ou de bruit caractérisé, chaque lieu possède un bruit de fond propre, ne serait-ce que la respiration et les petits mouvements des personnes présentes sur le plateau multipliés par l'acoustique du local. Il ne suffit donc pas d'intercaler un fragment de bande vierge pour obtenir le silence vivant d'un lieu : l'oreille reconnaîtrait aussitôt un silence technique. Il faut enregistrer, sur le lieu de tournage, des silences (en studio, on parle de « silence plateau ») dans lesquels on puisera au montage pour combler les intervalles entre les répliques ou les bruits.
Finalement, les bruits qui accompagnent les images sont rarement les bruits captés au moment du tournage en même temps que les images et les voix. La notion de son direct, ici, n'a pas tellement de sens. Robert Bresson raconte, à propos de son film Pickpocket, que les bruits de Paris, « imprimés directement sur la bande magnétique, n'avaient donné qu'un affreux embrouillamini ». Il lui fallut donc les recomposer afin de les rendre audibles. (Bresson méritait d'être cité ainsi que J. Tati – dont les films demeurent des modèles du genre – pour leur conception particulièrement créative du bruitage.)
Curieusement (ou plutôt : logiquement), c'est dans les films de genre (action, policier, fantastique, science-fiction) que le bruitage a pris une importance nouvelle et a fait l'objet d'une véritable invention, pour renforcer les effets visuels (films de poursuites, de combats) ou bien pour imposer la réalité d'un univers fantastique (dans la science-fiction ou le fantastique : bruitages de machines imaginaires, d'animaux ou de créatures extraterrestres). L'utilisation, dans un nombre croissant de films, de sons numériques spatialisés n'ayant pas d'équivalence parmi les sons naturels, a fait apparaître des prestataires de services spécialisés proposant la création de ces « sons spéciaux ».
D'une façon générale, n'oublions pas que la réussite d'une cascade repose en grande partie sur la qualité du bruitage. ( CASCADE.)
Le bruitage existait de manière sporadique au temps du cinéma... muet : bruitages effectués pendant la projection ou bien effets sonores enregistrés sur disques. Aux débuts du parlant, le bruitage s'effectuait souvent au moment même du tournage, jusqu'à ce que les progrès techniques permettent le mixage et donc l'enregistrement séparé des divers éléments sonores.
La généralisation des équipements numériques et la mise en réseau des données son à l'intérieur d'un même établissement entre le montage et le mixage, associé à l'utilisation d'équipements d'enregistrement sur disque durs compatibles pour les travaux de montage, d'enregistrement (bruitages et post-synchronisation) et de mixage a modifié les procédures de travail pour la constitution de la « bande effets » des films. Encore que cette dénomination n'ait plus le même sens aujourd'hui, puisqu'il n'existe plus de bande physique où se trouvent enregistrés l'ensemble des effets. Malgré ces évolutions, le travail du bruiteur pour recréer les bruits reste toujours aussi pittoresque, seuls les équipements techniques ont notablement évolué, car il est possible d'enregistrer, en parallèle, un nombre important de pistes, ce qui n'était pas le cas avec les équipements analogiques à bandes perforées.