KUBRICK (Stanley) (suite)
La singulière unité de l'œuvre, qu'enrichissent les correspondances ou les rappels d'écriture d'un film à l'autre, un extraordinaire code de représentation aux signes, aux cadrages, aux éclairages qui ne cessent en se répondant de trouver une métamorphose nouvelle, poursuit, et dans des champs toujours différents, l'homme égotiste et arrogant, imaginatif et lâche, l'homme immuable, aussi acharné destructeur qu'inlassable bâtisseur. La fin de l'aventure spatiale, inexpliquée, peut aussi bien promettre une régénérescence de Bowman (Keir Dullea) sous les espèces du fœtus né du Père mort au-delà de l'infini... Comme l'affranchissement de l'enfant de Spartacus, que Laughton fait citoyen romain... Ou encore la provocante et énigmatique fin ouverte de Eyes Wide Shut (le « fuck » prononcé par Nicole Kidman). Si on évoque la régénérescence du jeune Malcolm McDowell, et la conclusion en boucle d'Orange mécanique, on en jugera selon sa foi. De toute manière, Kubrick, inventeur de formes, ingénieur d'images, chorégraphe de l'espace et de nos terreurs déterrées et mises à nu, a réussi à déplacer l'axe épique du cinéma et à réintroduire, par l'horreur et par la splendeur, un baroque inégalé dans la représentation de nos erreurs et de nos ambitions.
Films :
Day of the Fight (CM, 1950) ; Flying Padre (CM, 1951) ; Fear and Desire (1953) ; le Baiser du tueur (Killer's Kiss, 1955) ; Ultime Razzia (The Killing, 1956) ; les Sentiers de la gloire (Paths of Glory, 1957) ; Spartacus (id., 1960) ; Lolita (id., 1962) ; Dr Folamour (Dr Strangelove, or How I Learned to Stop Worrying and Love the Bomb, 1963) ; 2001 : l'Odyssée de l'espace (2001 : A Space Odyssey, 1968) ; Orange mécanique (A Clockwork Orange, 1971) ; Barry Lindon (id., 1975) ; Shining (The Shining, 1979) ; Full Metal Jacket (id., 1987) ; Eyes Wide Shut (id., 1999).