MINNELLI (Vincente) (suite)
La stylisation parfois violente de Minnelli ne doit rien au surréalisme, la bizarrerie n'étant pour lui que l'expression de la difficulté de se situer, déchirement déjà sensible dans ses esquisses théâtrales où d'inexactes figures humaines flottent dans la précision d'un décor à la manière d'Erté. Proche du dandysme, mais avec l'aveu décisif de l'inquiétude et de la souffrance, cette œuvre ne saurait sans contradiction se voir reprocher son artifice. Le bon goût l'a parfois jugé avec sévérité, mais il est toujours significatif. Que Minnelli ne s'éloigne pas de la tradition MGM, qu'il résume l'influence de Freed et ne soit jamais aussi à l'aise que dans les scènes les plus étroitement soumises aux prescriptions d'un genre, fantaisie décorative du musical, excès du mélodrame, caricature gestuelle et déformation du rythme des comédies, cela ne limite en rien la portée et l'originalité de son style, car Freed, la MGM ou ces genres n'ont pas toujours, par ailleurs, ce tour accompli et grave : il se trouve que Minnelli a rencontré en eux les conditions de son expression.
Celle-ci s'accomplit avec d'autant plus de grâce qu'un bon scénario la soutient : la candeur d'Un petit coin aux cieux, la nostalgie du Chant du Missouri, le folklore de Yolanda et de Brigadoon, le monde légendaire du Pirate, l'exaltation du spectacle dans Tous en scène, la délicatesse de Thé et Sympathie, la gratuité psychologique des grands mélodrames ou l'aisance des comédies, même insignifiantes, donnent à Minnelli l'occasion de montrer, en des notations précises, la finesse de sa sensibilité ou l'acuité de sa sensualité, pourvu toutefois que le pathos du Boulevard n'encombre pas son art.
Films :
numéro Public Enemy Number One, dans Artists and Models (R. Walsh, 1937) ; collaboration à En avant la musique (Strike up the Band, 1940) et Débuts à Broadway (Babes on Broadway, 1941) de B. Berkeley ; plusieurs numéros musicaux de Panama Hattie (N. Z. McLeod, 1942) ; Un petit coin aux cieux (Cabin in the Sky, 1943) ; Mademoiselle ma femme (I Dood It, id.) ; le Chant du Missouri (Meet Me in Saint Louis, 1944) ; The Clock (1945) ; Yolanda et le Voleur (Yolanda and the Thief, id.) ; six numéros de Ziegfeld Follies (1946) ; Lame de fond (Undercurrent, id.) ; plusieurs séquences de la Pluie qui chante (Till the Clouds Roll by, de R. Whorf, id.) ; le Pirate (The Pirate, 1948) ; Madame Bovary (1949) ; le Père de la mariée (Father of the Bride, 1950) ; Allons donc, papa ! (Father's Little Dividend, 1951) ; Un Américain à Paris ( An American in Paris, id.) ; défilé de mode des Rois de la couture (Lovely to Look at de M. LeRoy, 1952) ; les Ensorcelés (The Bad and the Beautiful, id.) ; Mademoiselle dans Histoire de trois amours (The Story of Three Loves, 1953) ; Tous en scène (The Band Wagon, id.) ; la Roulotte du plaisir (The Long Long Trailer, 1954) ; Brigadoon (id.) ; la Toile d'araignée (The Cobweb, 1955) ; Kismet (id., id.) ; Thé et Sympathie (Tea and Sympathy, 1956) ; la Vie passionnée de Vincent Van Gogh (Lust for Life, id.) ; la Femme modèle (Designing Woman, 1957) ; Qu'est-ce que maman comprend à l'amour ? (The Reluctant Debutante, 1958) ; Gigi (id.) ; Comme un torrent (Some Came Running, 1959) ; Celui par qui le scandale arrive (Home From the Hill, 1960) ; Un numéro du tonnerre (Bells Are Ringing, id.) ; les Quatre Cavaliers de l'Apocalypse (The Four Horsemen of the Apocalypse, 1962) ; Quinze Jours ailleurs (Two Weeks in Another Town, id.) ; Il faut marier papa (The Courtship of Eddie's Father, 1963) ; Au revoir Charlie (Goodbye Charlie, 1964) ; le Chevalier des sables (The Sandpiper, 1965) ; Melinda (On a Clear Day You Can See Forever, 1970) ; Nina ( A Matter of Time, 1976).