OPHULS (Max Oppenheimer, dit Max) (suite)
Puis, à partir de 1940, deuxième exil, vers les États-Unis, où Ophuls doit s'imposer, dans une langue et une technique nouvelles. Après plusieurs années difficiles où de nombreux projets avortent, il se voit confier par Howard Hughes la réalisation d'un film (Vendetta) en 1946, mais est chassé du studio après quelques jours de tournage. Sa carrière américaine s'amorce en 1947 seulement avec l'Exilé et surtout avec Lettre d'une inconnue, où Stefan Zweig l'inspire comme naguère Schnitzler.
Lorsque Ophuls reprend enfin en 1950 le chemin des studios français, son talent s'épanouit avec la Ronde, un film à sketches à la salacité enrobée d'humour, suivi du Plaisir, adaptation raffinée de trois contes de Maupassant (dont la Maison Tellier, transformé en émouvant rondo champêtre), puis Madame de, exercice de haute virtuosité qui débute en vaudeville fin de siècle et s'achève en pure tragédie (Danielle Darrieux, qui n'était qu'aguichante dans les deux précédents, y est sublime), enfin Lola Montès, flamboyant oratorio où l'art du spectacle se trouve à la fois transfiguré et moralisé, résolution de tous les thèmes épars jusque-là, retable baroque enchâssant un cœur d'amour épris. D'abord objet d'une véritable cabale, ce dernier film, après bien des péripéties, se voit plébiscité par la jeune critique : ses audaces dans le traitement de la couleur et du CinémaScope en font le plus coûteux et le plus fascinant des films d'avant-garde. Mais c'est aussi, pour Max Ophuls, le chant du cygne. Il meurt d'une inflammation rhumatismale du cœur, après une dernière mise en scène théâtrale, en Allemagne : le Mariage de Figaro.
En exergue à l'œuvre d'Ophuls, on place souvent ce mot de Lola la courtisane : « La vie, pour moi, c'est le mouvement. » Mouvement des formes, mouvements du cœur, mouvement de sociétés. Des valses enchanteresses de Liebelei à celles, qui n'en finissent pas, de Madame de, du manège de la Ronde au tourniquet féerique au centre duquel s'exhibe Lola Montès, en passant par les délicates arabesques de Lettre d'une inconnue, Max Ophuls a dessiné comme à main levée une épure en perpétuelle mouvance, proche du cercle parfait.
Films :
Dann schon lieber Lebertran (MM, ALL, 1930) ; Die verliebte Firma (ALL, 1932) ; la Fiancée vendue (Die verkaufte Braut, ALL, id.) ; Die lachende Erben (ALL, 1933, RÉ 1931) ; Liebelei (ALL, 1933 et sa vers. franç. : Une histoire d'amour, id.) ; On a volé un homme (FR, 1934) ; La signora di tutti (IT, id.) ; Divine (FR, 1935) ; Valse brillante de Chopin (CM, FR, 1936) ; Ave Maria de Schubert (CM, FR, id.) ; Komödie vom Geld (PB, id.) ; la Tendre Ennemie (FR, id.) ; Yoshiwara (FR, 1937) ; Werther (FR, 1938) ; Sans lendemain (FR, 1940) ; De Mayerling à Sarajevo (FR, id.) ; l'École des femmes (FR, inachevé, 1941) ; l'Exilé (The Exile, US, 1947) ; Lettre d'une inconnue (Letter From an Unknown Woman, US, 1948) ; Caught (US, 1949) ; les Désemparés (The Reckless Moment, US, id.) ; la Ronde (FR, 1950) ; le Plaisir (FR, 1952) ; Madame de... (FR, 1953) ; Lola Montès (FR, 1955).