actrice française (Paris 1928).
Sortie du Conservatoire, ayant séjourné à la Comédie-Française, s'étant rodée au Boulevard, Jeanne Moreau est une actrice de formation très classique. Ses premiers rôles lui font affronter des acteurs comme Fernandel ( Meurtres, R. Pottier, 1950) ou Jean Gabin (Touchez pas au grisbi, J. Becker, 1954), et prouvent son aisance dans la comédie légère (Julietta, M. Allégret, 1953), autant que l'impact de son incontestable érotisme ( la Reine Margot, J. Dréville, 1954), terrain sur lequel elle bat même Martine Carol.
Puis, brusquement, deux films de Louis Malle (Ascenseur pour l'échafaud, 1958 ; les Amants, id.) révèlent une actrice différente : s'ils ont plutôt mal vieilli, le modernisme du jeu de Moreau reste. Elle y faisait admettre une sensualité vraie qui n'était plus érotisme fabriqué, et surtout son jeu au bord du faux pratiquait un curieux décalage, qu'elle rattrapait par des intuitions étonnantes, donnant à ses créations une vérité inconnue jusqu'alors en France. Des films difficiles (la Nuit, M. Antonioni, 1961) ou audacieux (Jules et Jim, F. Truffaut, 1962) contribuent à faire de Jeanne Moreau un phénomène étrange : une star admirée, encensée, mais jamais réellement « aimée » à cause de cette distance qu'elle maintient entre le public et elle.
Joseph Losey (Eva, 1962) et Jacques Demy (la Baie des anges, 1963) l'ont amenée à se surpasser, à donner le meilleur d'elle-même dans deux visages contradictoires (l'un blanc, l'autre noir) d'une même féminité. Dès lors, Jeanne Moreau tourne avec Welles, Buñuel, Losey, Truffaut, Richardson, Kazan, mais aussi Téchiné, William Fraker ou Paul Mazurski, ou Jean Renoir. Elle peut aussi bien tenir un film entier sur ses épaules (La mariée était en noir, Truffaut, 1968) que se contenter de la marge (Querelle, R. Fassbinder, 1982), voire de l'apparition (M. Klein, Losey, 1976). Elle apporte à la fois sa présence et sa caution aux causes et aux œuvres qu'elle croit justes.
Jeanne Moreau s'est essayée à la réalisation, et elle échoue d'abord dans l'Adolescente (1980) à recréer la vie campagnarde à travers le prisme du souvenir. Mais Lumière (1976), film d'actrice sur les actrices, lui ressemble comme deux gouttes d'eau : à la fois élégant et vrai, superficiel et troublant jusqu'à l'émotion contenue.
Autres films :
Dernier Amour (Jean Stelli, 1949) ; Pigalle Saint-Germain-des-Prés (A. Berthomieu, 1950) ; l'Homme de ma vie (Guy Lefranc, 1952) ; Il est minuit docteur Schweitzer (André Haguet, id.) ; Dortoir des grandes (H. Decoin, 1953) ; les Intrigantes (id., 1954) ; Secrets d'alcôve (épisode : le Billet de logement, id., id.) ; les Hommes en blanc (Ralph Habib, 1955) ; M'sieur La Caille (André Pergament, id.) ; Gas-oil (G. Grangier, id.) ; le Salaire du péché (D. de La Patellière, 1956) ; Jusqu'au dernier (P. Billon, 1957) ; les Louves (Luis Saslavsky, id.) ; l'Étrange Monsieur Steve (Raymond Bailly, id.) ; Trois Jours à vivre (G. Grangier, id.) ; Échec au porteur (id., 1958) ; le Dos au mur (É. Molinaro, id.) ; les Liaisons dangereuses 1960 (R. Vadim, 1959) ; Cinq Femmes marquées (M. Ritt, 1960) ; le Dialogue des carmélites (R. P. Bruckberger et Ph. Agostini, id.) ; Moderato cantabile (P. Brook, id.) ; le Procès (O. Welles, 1962) ; les Vainqueurs (C. Foreman, 1963) ; le Feu follet (L. Malle, id.) ; Peau de banane (Marcel Ophuls, id.) ; le Journal d'une femme de chambre (L. Buñuel, 1964) ; la Rolls Royce jaune (A. Asquith, id.) ; Mata Hari, agent H 21 (Jean-Louis Richard, id.) ; le Train (J. Frankenheimer, id.) ; Viva Maria (L. Malle, 1965) ; Falstaff (Welles, 1966) ; Mademoiselle (T. Richardson, id.) ; le Marin de Gibraltar (id., 1967) ; le Plus Vieux Métier du monde (épisode : Mademoiselle Mimi, Ph. de Broca, id.) ; Une histoire immortelle (Welles, 1968) ; la Grande Catherine (The Great Catherine, Gordon Flemyng, id.) ; Direction Towards Death — Dead Reckoning (Welles, 1969) ; le Corps de Diane (Richard, id.) ; Monte Walsh (W. A. Fraker, 1970) ; Comptes à rebours (R. Pigaut, id.) ; Alex in Wonderland (P. Mazurski, id., caméo) ; le Petit Théâtre de Jean Renoir (J. Renoir, 1971) ; l'Humeur vagabonde (E. Luntz, 1972) ; Chère Louise (de Broca, id.) ; Nathalie Granger (M. Duras, 1973) ; Jeanne la Française (C. Diegues, id.) ; Je t'aime (Pierre Duceppe, id.) ; les Valseuses (Bertrand Blier, 1974) ; la Race des seigneurs (P. Granier-Deferre, id.) ; Hu-Man (Jerôme Laperrousaz, 1975) ; le Jardin qui bascule (G. Gilles, id.) ; Souvenirs d'en France (A. Téchiné, id.) ; le Dernier Nabab (E. Kazan, 1976) ; Au-delà de cette limite, votre ticket n'est plus valable (Your Ticket is No Longer Valid, George Kaczender, 1979) ; Plein Sud (Luc Béraud, 1981) ; Mille Milliards de dollars (H. Verneuil, 1982) ; la Truite (J. Losey, id.) ; Querelle (R. Fassbinder, id.) ; le Paltoquet (M. Deville, 1986) ; Sauve-toi Lola (M. Drach, id.) ; le Miraculé (J. -P. Mocky, 1987) ; la Nuit de l'océan (Antoine Perset, 1988) ; Nikita (L. Besson, 1990) ; la Femme fardée (J. Pinheiro, id.) ; Alberto Express (Arthur Joffé, id.) ; Anna Karamazova (Roustam Khamdamov, id.) ; le Pas suspendu de la cigogne (T. Angelopoulos, 1991) ; La Vieille qui marchait dans la mer (L. Heynemann, id.) ; Jusqu'à la fin du monde (W. Wenders, id.) ; Cœur de métisse (Map of the Human Heart, Vincent Ward, 1992) ; l'Absence (Peter Handke, id.) ; À demain (Bruno Martiny, id.) ; Je m'appelle Victor (Guy Jacques, 1993) ; The Summer House (Waris Hussein, id.); les Cent et Une Nuits (A. Varda, 1995) ; Par-delà les nuages (M. Antonioni, id.) ; I Love You, I Love You Not (B. Hoskins, 1996) ; The Proprietor (Ismail Merchant, id.) ; Amour et confusions (P. Braoudé, id.) ; Un amour de sorcière (René Manzor, id.) ; À tout jamais (Ever After, Andy Tennant, 1998) ; Lisa (P. Grimblat, 2000) ; Il manoscritto del principe (Roberto Ando, id.) ; Cet amour là (Josée Dayan, 2001). ▲