Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
S

STANWYCK (Ruby Stevens, dite Barbara) (suite)

Barbara Stanwyck possède un visage étrange sur un petit corps délicat, admirablement proportionné, qui porte la toilette sans défaillir. La mâchoire dure, le nez droit, de petits yeux volontiers plissés par la volonté ou le dépit, une voix parfaitement placée qui peut à loisir murmurer un dialogue (All I Desire, D. Sirk, 1953) ou le faire retentir comme un crépitement de mitraillette (Boule de feu, H. Hawks, 1942, ou l'Étrangleur, W. Wellman, 1943, où elle était remarquable en chorusgirl ou en strip-teaseuse à la repartie insolente). Elle joue les filles du peuple avec beaucoup de verve dans l'Homme de la rue (F. Capra, 1941), Boule de feu (Hawks, 1942) et Lady of Burlesque (Wellman, 1943), ou, comme dans Stella Dallas (K. Vidor, 1937), les grandes héroïnes de mélodrame. Débordante d'énergie, elle sait l'utiliser pour jouer les garçons manqués (la Gloire du cirque, G. Stevens, 1935, où elle était la reine de la gâchette, Annie Oakley ; Pacific Express, C. B. De Mille, 1939) ou les femmes pionnières (l'Inspiratrice, Wellman, 1942, où elle incarnait même une centenaire). Elle est aussi capable de transformer cette énergie en dureté, et devenir la plus coriace de toutes les héroïnes du film noir (Assurance sur la mort, B. Wilder, 1944 ; l'Emprise du crime, L. Milestone, 1946 ; Raccrochez, c'est une erreur, A. Litvak, 1948 ; la Femme à l'écharpe pailletée, R. Siodmak, 1950). Mais, souvent, la tendresse se cache sous la dureté de surface et les héroïnes de Remember the Night (M. Leisen, 1940) et de Chaînes du destin (id., 1950) sont des cyniques en apparence, qui s'accrochent avec force au bonheur tranquille quand elles l'ont découvert. Enfin, Stanwyck, toujours droite, le port altier, le poing crispé dans la détermination, a toujours été excellente en femme de tête intransigeante (les Folles Héritières, I. Rapper, 1942 ; la Tour des ambitieux, R. Wise, 1954 ; There's Always Tomorrow, D. Sirk, 1957). Ce qui ne l'a pas empêchée de briller aussi dans la comédie, jouant avec conviction les héritières exigeantes et gâtées (Miss Manton est folle, L. Jason, 1938) ou les séduisantes capricieuses (Un cœur pris au piège, P. Sturges, 1941). Elle s'est souvent renouvelée, en garantissant à ses prestations une qualité régulière. Elle a donné une dimension parfois bouleversante à des héroïnes trahies par la vie (Le démon s'éveille la nuit, F. Lang, 1952 ; All I Desire) et même ses créations les plus autoritaires recèlent toujours une part d'humanité (Quarante Tueurs, S. Fuller, 1957). On la retrouve aussi dans quelques productions modestes (la Horde sauvage, J. Kane, 1956), mais elle a su préserver son acquis par de remarquables rôles de complément dans des productions de prestige (la Tour des ambitieux). Enfin, elle s'est mise très vite à travailler pour la télévision. Elle a sacrifié le panache d'une Bette Davis ou d'une Joan Crawford à un métier plus régulier. Si elle n'a pas le sens de la démesure de ses rivales, elle n'en a pas non plus le comportement excessif : dès ses débuts, tous ses partenaires de travail et ses metteurs en scène ont rendu hommage à ce qu'elle a toujours choisi d'être : une grande professionnelle.

Autres films :

Broadway Nights (R. Boyle, 1927) ; Illicit (L. Barrymore, 1931) ; Ten Cents a Dance (id., id.) ; Shopworn (N. Grinde, 1932) ; The Secret Bride (W. Dieterle, 1935) ; l'Esclave aux mains d'or (R. Mamoulian, 1939) ; Ville haute, ville basse (M. LeRoy, 1949) ; la Reine de la prairie (A. Dwan, 1954) ; les Rubis du prince birman (id., 1955) ; la Rue chaude (E. Dmytryk, 1962).]

STAR. (Mot anglais star, étoile).

Vedette.

STAREVITCH (Wladyslaw Alexandrovitch Starewicz, dit Ladislas)

cinéaste d'animation d'origine polonaise (Moscou, Russie, 1882 - Fontenay-sous-Bois, France, 1965).

Il étudie à l'Académie des beaux-arts de Saint-Pétersbourg et se passionne pour l'entomologie. Il réalise ses premières bandes documentaires pour le compte du musée des Sciences de Kovno (Kaunas, Lituanie), où il occupe de hautes fonctions. Devant l'impossibilité de filmer directement un combat d'insectes, que la lumière dérange, Starevitch a l'idée, après la vision d'une œuvre d'Émile Cohl, de recourir à la prise de vues image par image sur des animaux naturalisés et des maquettes, dont il reconstitue les mouvements. C'est ainsi qu'il conçoit, en 1910, son premier film d'animation à visée didactique : Lucanus Servus, d'une longueur de 30 mètres. Il rejoint, en 1911, l'équipe du producteur Alexandre Kanjonkov, à Moscou. Le nouveau venu accomplit divers travaux de décoration et se perfectionne dans les disciplines techniques. Homme pragmatique comme tous les pionniers, Ladislas Starevitch devient à la fois le scénariste, le réalisateur, l'opérateur et le décorateur de ses pellicules. Parallèlement à ses travaux personnels, il collabore, jusqu'à son départ pour la France en 1919, en tant que directeur de la photo, aux productions de ses collègues Piotr Tchardynine, Evguéni Bauer, Jacob Protazanov. S'il n'a pas inventé l'animation de volumes (l'Espagnol Segundo de Chomón, l'Américain James Stuart Blackton, le Français Émile Cohl le devancent sur cette voie), Starevitch n'en est pas moins la personnalité qui donne ses lettres de noblesse au genre, et en établit la tradition.

Le cinéaste quitte bientôt la sphère scientifique et s'oriente, avec le Plus Beau des Lucanes (Prekrasnaja Ljukanida), le premier court métrage d'animation tridimensionnelle russe qui sort, sur les écrans, avec un certain succès, le 26 avril 1912, vers les sentiers de la création artistique. Bientôt, il individualise et humanise ses marionnettes. La Semaine aérienne des insectes (Aviacionnaja nedelja nasekomyh), Scènes joyeuses de la vie des bêtes (Vesél'yė scenki iz žizni životnyh), la Vengeance de l'opérateur cinématographique (Mest'kinematografičeskogo operatora), tous trois de 1912, sont des œuvres qui parodient les comédies et mélodrames de l'époque et au travers desquelles Starevitch affine sa démarche poétique. Il atteint, en 1913, avec la Cigale et la Fourmi (Strekoza i muravej), adaptée d'une fable de Ivan Krylov, une certaine perfection plastique dans le domaine : le tsar Nicolas II le félicite pour ce film. Cette même année, il met au point le premier dessin animé russe, le Coq et le Pégase (Petuč i Pegaz), une caricature des luttes que se livrent Alexandre Kanjonkov et les frères Pathé. Dès la fin de l'année 1912, l'animateur s'initie à la direction d'acteurs, dans l'Homme (Čelovek), d'après le roman de I. Smelev, avec le comédien Ivan Mosjoukine, qu'il utilise de nombreuses fois par la suite. À l'instar de ses collègues de l'époque, Starevitch puise les sujets de ses films dans le patrimoine littéraire de son pays : chez Nicolas Gogol (la Nuit qui précéda Noël [Noč' pered Roždevstvom], 1913 ; la Terrible Vengeance [Strašnaja mest'], id.), chez Alexandre Pouchkine (le Pêcheur et le Petit Poisson [Skazka o rybake i rybke], id. ; Rouslan et Ludmilla [Ruslan i Ljudmila], 1915). Signalons, à son actif, deux expériences originales : les Quatre Diables (Četyre čorta, 1913), tournés en prises de vues réelles avec des animaux, et le Lys de Belgique (Lilija Belgij, 1915), dans lequel l'auteur mélange séquences avec personnages et séquences d'animation. Il semble avoir atteint une certaine force d'expression dans ses dernières bandes russes de fiction : la Petite Actrice (Malen'kaja aktrisa, 1917), Yola (1918).