STANWYCK (Ruby Stevens, dite Barbara) (suite)
Barbara Stanwyck possède un visage étrange sur un petit corps délicat, admirablement proportionné, qui porte la toilette sans défaillir. La mâchoire dure, le nez droit, de petits yeux volontiers plissés par la volonté ou le dépit, une voix parfaitement placée qui peut à loisir murmurer un dialogue (All I Desire, D. Sirk, 1953) ou le faire retentir comme un crépitement de mitraillette (Boule de feu, H. Hawks, 1942, ou l'Étrangleur, W. Wellman, 1943, où elle était remarquable en chorusgirl ou en strip-teaseuse à la repartie insolente). Elle joue les filles du peuple avec beaucoup de verve dans l'Homme de la rue (F. Capra, 1941), Boule de feu (Hawks, 1942) et Lady of Burlesque (Wellman, 1943), ou, comme dans Stella Dallas (K. Vidor, 1937), les grandes héroïnes de mélodrame. Débordante d'énergie, elle sait l'utiliser pour jouer les garçons manqués (la Gloire du cirque, G. Stevens, 1935, où elle était la reine de la gâchette, Annie Oakley ; Pacific Express, C. B. De Mille, 1939) ou les femmes pionnières (l'Inspiratrice, Wellman, 1942, où elle incarnait même une centenaire). Elle est aussi capable de transformer cette énergie en dureté, et devenir la plus coriace de toutes les héroïnes du film noir (Assurance sur la mort, B. Wilder, 1944 ; l'Emprise du crime, L. Milestone, 1946 ; Raccrochez, c'est une erreur, A. Litvak, 1948 ; la Femme à l'écharpe pailletée, R. Siodmak, 1950). Mais, souvent, la tendresse se cache sous la dureté de surface et les héroïnes de Remember the Night (M. Leisen, 1940) et de Chaînes du destin (id., 1950) sont des cyniques en apparence, qui s'accrochent avec force au bonheur tranquille quand elles l'ont découvert. Enfin, Stanwyck, toujours droite, le port altier, le poing crispé dans la détermination, a toujours été excellente en femme de tête intransigeante (les Folles Héritières, I. Rapper, 1942 ; la Tour des ambitieux, R. Wise, 1954 ; There's Always Tomorrow, D. Sirk, 1957). Ce qui ne l'a pas empêchée de briller aussi dans la comédie, jouant avec conviction les héritières exigeantes et gâtées (Miss Manton est folle, L. Jason, 1938) ou les séduisantes capricieuses (Un cœur pris au piège, P. Sturges, 1941). Elle s'est souvent renouvelée, en garantissant à ses prestations une qualité régulière. Elle a donné une dimension parfois bouleversante à des héroïnes trahies par la vie (Le démon s'éveille la nuit, F. Lang, 1952 ; All I Desire) et même ses créations les plus autoritaires recèlent toujours une part d'humanité (Quarante Tueurs, S. Fuller, 1957). On la retrouve aussi dans quelques productions modestes (la Horde sauvage, J. Kane, 1956), mais elle a su préserver son acquis par de remarquables rôles de complément dans des productions de prestige (la Tour des ambitieux). Enfin, elle s'est mise très vite à travailler pour la télévision. Elle a sacrifié le panache d'une Bette Davis ou d'une Joan Crawford à un métier plus régulier. Si elle n'a pas le sens de la démesure de ses rivales, elle n'en a pas non plus le comportement excessif : dès ses débuts, tous ses partenaires de travail et ses metteurs en scène ont rendu hommage à ce qu'elle a toujours choisi d'être : une grande professionnelle.
Autres films :
Broadway Nights (R. Boyle, 1927) ; Illicit (L. Barrymore, 1931) ; Ten Cents a Dance (id., id.) ; Shopworn (N. Grinde, 1932) ; The Secret Bride (W. Dieterle, 1935) ; l'Esclave aux mains d'or (R. Mamoulian, 1939) ; Ville haute, ville basse (M. LeRoy, 1949) ; la Reine de la prairie (A. Dwan, 1954) ; les Rubis du prince birman (id., 1955) ; la Rue chaude (E. Dmytryk, 1962).]