BAZIN (André) (suite)
Quelques grands thèmes confèrent à sa pensée critique toute sa cohérence. Pour Bazin, l'origine photographique du film fonde la nouveauté et la fascination du cinéma. La photo est une sorte de duplicata — certes imparfait — du monde, un reflet pétrifié dans le temps à quoi le cinéma rend la vie : « Pour la première fois, l'image des choses est aussi celle de leur durée et comme la momie du changement. » Tout ce qui est filmé a été. Fasciné, Bazin parle du réalisme ontologique du cinéma. Il n'ignore pas toutefois que le réalisme n'est pas donné, qu'il est à faire. Dès 1944, il distingue le réalisme technique (photographique) du réalisme stylistique (forme et contenu). Si l'apport essentiel du cinéma est le réalisme, ce sentiment de réalité dont il persuade le spectateur, tout ce qui va à son encontre est suspect. Bazin rejette les morcellements du montage si propice aux trucages et aux manipulations et privilégie le plan en continuité et en profondeur de champ : le plan-séquence. Vers la fin des années 60, la critique gauchiste, dans une lecture réductrice et souvent sectaire, ne veut trouver chez Bazin qu'idéalisme bourgeois, naïvetés chrétiennes, obsessions, mysticisme, esprit de réaction. Pourtant, Bazin peut paraître le théoricien prophétique du cinéma différent : en libérant le plaisir des exigences dramaturgiques ; en impliquant le spectateur dans une relation active à l'écran ; en déliant l'espace et la durée des servitudes de l'anecdote.