INDONÉSIE. (suite)
Mais ce sont Djamaluddin Malik avec la Persari, où affluent les rescapés du théâtre, et surtout Ismaïl Usmar avec la Perfini qui fondent un cinéma plus réellement national. Les buts de la Perfini sont plus ambitieux, tendant à définir et à exprimer une identité indonésienne, dans une voie à la fois réaliste et artistique : ‘ la Faute inexpiable ’ (Dosa Tak Berampum, I. Usmar, 1951) ; Si Pinkang (Kotot Sukardi, id.) ; ‘ Entre ciel et terre ’ (Antara Bumi Dan Langit, Huyung et Basuki Effendi, id.) ; ‘ le Retour ’ (Pulang, B. Effendi, 1952) ; le Tigre de Tjampa (Harimau Tjampa, D. Jajakusuma, 1953)... Mais les problèmes techniques et financiers harcèlent la Perfini qui n'exporte pas et doit affronter la concurrence locale et étrangère, celle surtout de l'Inde, de la Malaysia (bientôt diminuée) et des Philippines. En dépit de quelques succès, comme ‘ Crise ’ (Krisis), de Usmar, la production ne peut faire face et les essais, timides, de protectionnisme ne sauvent pas les studios : en 1957, l'Association des producteurs de films annonce l'arrêt des tournages, la poursuite des licenciements, voire la faillite. Elle regroupe Perfini et Persari sous le sigle PPFI ; c'est la part la plus importante de la production.
Le gouvernement, dès le début, avait été saisi des problèmes économiques vitaux que l'industrie du film ne parvenait pas à résoudre, mais ne se montra pas favorable à une intervention. Ce n'est qu'en 1964 qu'un ministère du Cinéma est créé. Pendant cette période de vie politique troublée par la tentative armée de prise de pouvoir des communistes, la féroce répression de 1965 et les questions territoriales (« récupération » de l'Irian Barat), la production tombe encore, avec une seule remontée à 38 longs métrages en 1960. Usmar, qui s'est allié avec Djamaluddin Malik (PPFI), alterne comédies légères et films nationalistes. Les cinéastes et les producteurs sont d'ailleurs ou alliés ou accusés au gré des variations de la politique. Engagés à gauche comme Bachtiar Siagan (Violetta, 1962), ou humanistes, comme l'écrivain et cinéaste Asrul Sani, auteur de ‘ Derrière les barbelés ’ (Pagar Kawat Berduri, 1961) — film attaqué pour sa sympathie vis-à-vis des Néerlandais et retiré de l'affiche... —, ils travaillent dans des conditions précaires. Citons encore ‘ Un chapeau coupé en sept ’ (Titian Serambut Dibelah Tujuh), également de Asrul Sani (1962), ou le mystique Tigre de Kemajoran (Macan Temajoran) de Wim Umboh (1965), puis son Mariage d'adolescents (Pegantin Remaja, 1971).
Les mesures protectionnistes (1967) sont lentes à agir ; la libéralisation de la censure, pourtant, et des essais personnels d'écriture, de la part d'Asrul Sani (‘ Que cherche Palupi ? ’ [Apa Yang Tjari Palupi ?], 1969), de Ami Prijono (Jakarta, Jakarta, 1977), sauvent le cinéma d'une tendance naturelle à battre la concurrence sur son propre terrain : la médiocrité, la facilité des genres, des codes et des effets, qu'on s'adresse au public malais, indien ou chinois. La création du Conseil national pour le cinéma (DFN), en 1979, permet aux professionnels de participer à l'élaboration des décisions : quota d'importation ; aide à la production ; rénovation du parc des salles, réduit à 400...
Les années 70, 80 et 90 ont vu s'affirmer Asrul Sani (‘ la Lutte pour la vie ’ [Kemelut Hidup], 1977), ainsi que Teguh Karya, l'auteur de ‘ Ballade pour un homme ’ (Wajah Seorang Laki-laki, 1971), de ‘ Noces ’ (Ranjang Pengantiu, 1974), de ‘ Quand l'orage a passé ’ (Badai Pasti Berlalu, 1977), de November 1828 (1979), qui a été remarqué pour sa qualité et pour la beauté de sa partition, due à Franky Raden de Usia 18 (1981) et de Café amer (Secangkir Kopi Pahit, 1985). Franky Rorimpandeny s'en prend à la corruption de la police avec ‘ la Fille du village ’ (Perawan Desa, 1980) ; Ismaïl Soebardjo, à la mentalité étroite et patriarcale avec ‘ la Femme captive ’ (Perempuan Dalan Pasungan, 1981), et la critique fait valoir l'originalité de Slamet Rahardjo : ‘ le Soleil et la Lune ’ (Rembulan Dan Matahari, 1981), Ponirah (1983), ‘ Le ciel est mon toit ’ (Langitku Rumahku, 1990) ; et de Garin Nugroho : ‘ Lettre à un ange ’ (Surat Untuk Bidadari, 1994). La prééminence, logique, des thèmes et des auteurs d'origine malaise semble préserver, à travers une couleur nationale, la diversité des approches et des styles.
La Cinémathèque indonésienne est fondée en été 1971 à Jakarta.