Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
A

AIMÉE (Nicole Françoise Dreyfus, dite Anouk)

actrice française (Paris 1932).

Fille de comédiens, elle étudie le théâtre et la danse en France et en Angleterre. Son premier grand rôle est une occasion manquée : la Fleur de l'âge (M. Carné, 1947), qui ne sera jamais achevé, mais Jacques Prévert lui offre une nouvelle première chance avec les Amants de Vérone (A. Cayatte, 1949), qui fait d'elle une vedette. Le Rideau cramoisi (A. Astruc, 1953), les Mauvaises Rencontres (id., 1955), Montparnasse 19 (J. Becker, 1958), la Tête contre les murs (G. Franju, 1959) ou les Dragueurs (J. P. Mocky, id.) imposent d'elle une image quasi immatérielle, celle d'un amour idéal, fragile et obstiné. La dolce vita (F. Fellini, 1960) et Lola (J. Demy, 1961) révèlent une Anouk Aimée différente, en qui s'incarnent aussi bien la sensualité blasée que la confiance aveugle dans le Destin. Les années qui suivent la trouvent en Italie, où elle interprète l'épouse névrosée dans Huit et demi (Fellini, 1963). Après son immense succès dans Un homme et une femme (C. Lelouch, 1966) et un rôle énigmatique dans Un soir un train (A. Delvaux, 1968), sa carrière chaotique se transporte aux États-Unis, où elle interprète le Rendez-vous (S. Lumet, 1969), Justine (G. Cukor, id.) et Model Shop (J. Demy, id.), retrouvant dans ce dernier film son personnage de Lola, vieilli et désabusé. Après une absence des écrans de sept ans, elle change à nouveau d'image de marque, en particulier dans le Saut dans le vide (M. Bellochio, 1979), où elle incarne les frustrations d'une vieille fille toute vouée à son frère, et dans la Tragédie d'un homme ridicule de Bertolucci (1981), où elle est mariée à d'Ugo Tognazzi. En 1983, elle interprète le Général de l'armée morte (L. Tovoli) puis, de Claude Lelouch Viva la vie (1984) et Un homme et une femme : vingt ans déjà (1986). On la retrouve ensuite fugitivement dans Ruptures (Christine Citti, 1993), les Marmottes (Elie Chouraqui, 1993) et Prêt-à-porter (R. Altman, 1994). Elle a été notamment l'épouse de Nico Papatakis, Pierre Barouh et Albert Finney.

AIMOS (Raymond Caudurier, dit)

acteur français (La Fère 1889 - Paris 1944).

Jusqu'à sa mort, mal expliquée, sur les barricades de la Libération, il a voué son existence au cinéma. Le muet l'utilise abondamment, le parlant consacre son accent faubourien et son allure dégingandée : Justin de Marseille (M. Tourneur, 1935), la Bandera (J. Duvivier, id.), la Belle Équipe (id., 1936), Quai des brumes (M. Carné, 1938), Ils étaient neuf célibataires (S. Guitry, 1939), le Déserteur (L. Moguy, id.), Monsieur La Souris (G. Lacombe, 1942), Lumière d'été (J. Grémillon, 1943). Son emploi de titi lui apporta une incontestable popularité.

AITKEN (Harry E.)

producteur et distributeur américain (Waukesha, Wis., 1870 - Chicago, Ill., 1956).

Cet industriel joue un rôle de premier plan à l'époque des Nickelodeons et de la lutte contre le « trust » Edison. Il crée avec John Freuler une société de distribution dès 1906, puis en 1911 une société de production à New York, Majestic Pictures, qui s'étendra grâce à de nouveaux studios ouverts à Hollywood ; le premier film de la Majestic bénéficie de la participation de Mary Pickford, puis, en 1913, après un regroupement avec la Reliance de Baumann et Kessel, D.W. Griffith est recruté comme directeur. En 1912 Aitken préside la Mutual Film Corporation, créée sur une grande échelle pour distribuer les films des sociétés indépendantes parmi lesquelles Gaumont, Solax, Eclair et Majestic, et qui aura Chaplin sous contrat en 1916. Aitken, Baumann et Kessel quittent la Mutual et réorganisent leurs sociétés au sein de la Triangle Film Corporation, constituée en 1915 avec l'aide du groupe Rockefeller. La Triangle, dont le slogan est « The Greatest Pictures by the Greatest Moviemakers », réunit la Fine Arts, appartenant à Aitken et dirigée par Griffith, la Kaybee, appartenant à Baumann et dirigée par Thomas Ince, et la Keystone, appartenant à Kessel et dirigée par Mack Sennett. Aitken et la Fine Arts ont notamment sous contrat Lilian Gish, Douglas Fairbanks, Allan Dwan, Owen Moore, supervisés par Griffith. Aitken investit dans Naissance d'une nation de Griffith, tourné dans son studio Reliance-Majestic, puis dans le très coûteux Intolérance, film pour lequel il crée une nouvelle société au sein de la Triangle, la Wark Production. À la suite de ce grave échec financier, Harry Aitken quitte la Triangle, qui elle-même sera liquidée en 1918. Le studio d'Aitken deviendra par la suite une annexe de la Columbia.

AÏTMATOV (Tchinguiz) [Čingiz Ajtmatov]

écrivain soviétique d'origine kirghize (Cheker 1928).

D'abord vétérinaire puis traducteur en kirghiz de romans russes, il fait partie depuis 1957 de l'Union des écrivains d'URSS et publie des nouvelles et des romans que la jeune génération du cinéma kirghiz adaptera avec empressement et vénération. Il est notamment l'auteur de Djamilia (publié dans la revue Novy Mir en 1958 et porté à l'écran par Irina Poplavskaia onze ans plus tard), le Premier Maître (1961 ; film de A. Mikhalkov-Kontchalovski en 1965), le Champ de la mère (1963 ; film de Gennadi Bazarov en 1967), Adieu Goulsary ! (1966 ; film de Sergueï Ouroussevski intitulé le Pas de l'amble en 1968), le Bateau blanc (1970 ; film de Bolot Chamchiev en 1975), Chien tacheté courant au bord de la mer (1977). Parmi les autres adaptations cinématographiques de ses romans, il faut citer Chaleur torride (L. Chepitko, 1963, d'après l'Œil du chameau), la Pomme rouge (T. Okeev, 1975), les Cigognes précoces (Chamchiev, 1979).

AKAD (Lütfi Ömer)

cinéaste turc (Istanbul 1916).

Comptable, puis chef de production chez Erman Film, la MGM turque, il parvient à réaliser son premier film en 1948 : Frappez la putain (Vurun Kahpeye). Avec un sens du récit cinématographique tout nouveau dans le cinéma turc, il devient vite le chef de file de la génération des cinéastes qui remplacent les vieux routiers issus du théâtre. Il aborde tous les genres – le film policier avec un brin de « réalisme poétique » : Au nom de la loi (Kanun Namına, 1952), la Ville qui tue (Öldüren şSehir, 1953), le Tricycle (3 Tekerlekli Bisiklet, 1962) ; le film de constat social : le Mouchoir blanc (Beyaz Mendil, 1955) ; le film d'essai de mise en scène originale : Zümrüt (1958), le Quai des solitaires (Yalnızlar Rıhtımı, 1959) ; le film d'époque : Au feu !  (Yangın Var, 1960) ; le documentaire : la Forêt, don de Dieu (Tanrının Bagıssı Orman, 1963) ; même la comédie et le musical. La Loi des frontières (Hudutlarin Kanunu, 1966) et le Fleuve (Irmak, 1972) sont d'âpres dénonciations de problèmes sociaux. La Légende du mouton noir (Kızılırmak-Karakoyun, 1967) est la mise en scène très réussie d'un conte populaire réécrit par le poète Nazim Hikmet. La Mère (Ana, 1967) n'est pas sans rappeler Gorki, et Fleur céleste (Göķce çiçek 1972) recherche les racines d'une culture populaire préislamique. Sa trilogie, la Bru (Gelin, 1973), les Noces ( ˇggün, 1974) et la Dette (Diyet, 1975), qui traite du choc vécu par la paysannerie émigrée à la grande ville, est d'une importance capitale. Néanmoins, son insuccès a condamné Akad à l'inactivité professionnelle depuis 1976.