CINÉASTE.
Syn. littéraire de réalisateur. Ce terme a désigné autrefois toute personne consacrant son activité au cinéma en tant qu' art : scénariste, réalisateur, techniciens du tournage, etc., et même les auteurs d'ouvrages traitant de l'esthétique du cinéma. Ce terme « semble avoir été créé par le président Paul Deschanel dans un discours en 1914 à la Société des auteurs », écrit Marcel L'Herbier dans ses souvenirs, la Tête qui tourne. Canudo lui opposa sans succès le mot « écraniste », Delluc défendant, quant à lui, « cinéaste ». De nos jours, le terme tend à remplacer celui de metteur en scène ou de réalisateur, trop restrictif sans doute pour désigner celui qui prend en charge le tournage d'un film et dont la compétence ne saurait se limiter à la seule mise en scène.
CINÉ-CLUB
n. m. (pl. des ciné-clubs). Association juridique, d'institutions et de personnes, visant à initier ses adhérents à la culture cinématographique. Le cinéaste et critique français Louis Delluc crée le mot “ ciné-club ” en lançant, le 14 janvier 1920, l'hebdomadaire le Journal du ciné-club ou Ciné-Club, dont il devient le rédacteur en chef. En fait, cet organe de presse cristallise les préoccupations de Delluc qui milite, parallèlement, pour un cinéma de qualité non inféodé aux puissances d'argent et en faveur d'une authentique activité de critique. Ciné-Club se propose de faciliter le dialogue entre les cinéastes et le public en organisant, également, des manifestations pour favoriser le développement de la cinématographie française. En juin 1920, une première rencontre réunit, au cinéma parisien la Pépinière, de nombreux participants : André Antoine et Émile Cohl y tiennent chacun une conférence. Tout cela est encore informel. Ciné-Club s'arrête de paraître le 11 février 1921. Trois mois plus tard, Delluc fonde Cinéa, la première revue française de réflexion sur le cinéma. La naissance et l'organisation d'une presse spécialisée, consciente de son rôle tant au niveau social qu'esthétique, et le développement de l'idée de ciné-club sont étroitement liés.
Passant de l'intention à la pratique, un groupe de spectateurs se réunit le 14 novembre 1921 dans une salle de la capitale, le Colisée. Le programme proposé se compose d'un montage d'actualités ainsi que du célèbre film allemand de Robert Wiene, le Cabinet du docteur Caligari (1919). À cette époque, le théoricien Ricciotto Canudo crée le Club des amis du septième art (CASA). Le but de cet organisme vise, comme l'écrit son initiateur dans Cinéa, à légitimer le cinéma comme pratique culturelle noble, en affirmant « par tous les moyens le caractère artistique du cinéma » car c'est « indéniablement un art, le septième », en relevant « le niveau intellectuel de la production cinématographique » et en mettant « tout en œuvre pour attirer vers le cinéma les talents créateurs, les écrivains et les poètes, ainsi que les peintres et les musiciens des générations futures ». Le CASA se charge, en 1921 et 1923, de la section cinéma au sein du Salon d'automne. En 1924, le CASA fusionne avec le Club français du cinéma, animé par Léon Moussinac. De ce mariage naît, sous le patronage de Germaine Dulac, Jacques Feyder et Moussinac lui-même, le Ciné-club de France.
La genèse des ciné-clubs est étroitement liée à l'apparition d'une pensée cohérente sur le film et aux mouvements d'avant-garde : Delluc, Dulac, deux noms prestigieux de l'École impressionniste française, y sont étroitement mêlés. Le Ciné-club de France ajoute une troisième dimension aux deux premières : la lutte contre la censure. C'est sous sa bannière qu'on présente en 1926, pour la première fois dans l'hexagone, le Cuirassé Potemkine d'Eisenstein, alors interdit. À fin des années 20, les choses se structurent : avec Rien que les heures, d'Alberto Cavalcanti (1926), l'avant-garde se socialise ; la naissance, en décembre 1928, de la Revue du cinéma offre, par ailleurs, un support réflexif solide au 7e art. C'est dans ce contexte que, de retour d'URSS, Léon Moussinac fonde, en 1928, avec Jean Lods, Georges Maranne et Paul Vaillant-Couturier, les Amis de Spartacus, le premier ciné-club de masse réellement engagé dans le combat social. Des œuvres comme la Mère ou la Fin de Saint-Pétersbourg de Poudovkine trouvent, par ce canal, une audience inespérée. Après moins d'un an d'existence, les Amis de Spartacus doivent, sous la pression du préfet de police Chiappe, arrêter leurs activités.
L'expérience des ciné-clubs se multiplie, à tel point qu'en 1929 se forme la première fédération du genre. La critique indépendante acquiert alors ses droits : le 12 décembre 1930, Moussinac gagne, en cours d'appel, le procès qui l'oppose à la Société des ciné-romans, pour un article paru en 1926 dans l'Humanité. En septembre 1929, se tient à La Sarraz (Suisse) le 1er Congrès international du cinéma indépendant (CICI), au cours duquel théoriciens et cinéastes d'avant-garde tentent de trouver des modes de diffusion viables pour les films difficiles ou de recherche. Les buts du congrès visent : « D'une part [à] organiser une Ligue des ciné-clubs, dont le siège est à Genève, destinée à coordonner et à faciliter l'action des organismes qui luttent pour l'exploitation du film indépendant ; d'autre part [à] créer une Coopérative internationale du film indépendant, dont le siège est à Paris, destinée à produire des films et qui, ayant des débouchés pour ses films, et le placement de ses actions assurées par la Fédération des ciné-clubs, pourra produire sans concession d'aucune sorte » (la Revue du cinéma no 4, 15 octobre 1929). La crise économique, l'arrivée du cinéma parlant, le contexte politique, ne permettent pas, dans l'immédiat, la réalisation de ce projet. Toutefois, de nombreuses initiatives éclatées voient le jour : la Tribune libre du cinéma, de Charles Léger (1925) ; le Ciné-club Cendrillon, de Sonika Bo (1933) ; le Cercle du cinéma, d'Henri Langlois et Georges Franju (1935), premier état de la future Cinémathèque française... En 1933 se crée, sous la forme d'une section spécialisée adhérente à la Ligue de l'enseignement, l'Union française des offices du cinéma éducateur laïque (UFOCEL), qui diffuse le film en milieu scolaire. Au cours des années 20 et 30 se développent, dans de nombreux pays, des groupes à double vocation : celle de produire des œuvres engagées et celle de montrer des films interdits par la censure ou rejetés par l'industrie. Citons : la Volksfilmbühne et la Volksfilmverband pour l'Allemagne ; la Federation of worker's film societies, en Grande-Bretagne ; la Worker's film and Photo League, aux États-Unis ; le Japanese Worker's camera club... En 1946, Français, Britanniques, Belges, Italiens, Néerlandais et Polonais donneront naissance à la Fédération internationale des ciné-clubs.