acteur américain d'origine autrichienne (Lemberg, Autriche-Hongrie [devenu Lwów, Pologne, puis Lvov, URSS, auj. Ukraine], 1895 - Santa Barbara, Ca., 1967).
Enfant de la balle né dans une famille de comédiens ambulants, il vient avec ses parents aux États-Unis et débute en 1918 au Théâtre yiddish de New York. Ce n'est qu'en 1926 qu'il joue pour la première fois en anglais, avec un réel succès. Appelé à Hollywood en 1929, on le voit dans : The Valiant (William K. Howard) puis dans : Seven Faces (Berthold Viertel, id., où il joue sept rôles différents). Après un retour au théâtre, c'est à Scarface (H. Hawks, 1932) qu'il doit sa plus belle interprétation, celle qui le fait accéder à la notoriété. Sa création frénétique du gangster balafré, brute épaisse à la cruauté enfantine, reste une des grandes créations du cinéma de l'époque. La même année dans Je suis un évadé de Mervyn LeRoy, il ajoute à son talent une importante et convaincante dimension pathétique avec une interprétation aussi importante que la précédente. La Warner Bros le prend sous contrat et fait de lui sa vedette de prestige.
Il accepte certains rôles modestes (On a tué [Hi, Nellie], M. LeRoy, 1934 ; Ville frontière, A. Mayo, 1935), pour pouvoir être Louis Pasteur (The Story of Louis Pasteur, W. Dieterle, 1936, qui lui vaut un Oscar), Émile Zola (la Vie d'Émile Zola, id., 1937) ou Benito Juárez (Juárez, id., 1939). Paradoxalement, les premiers rôles sont plus convaincants que les seconds, où Paul Muni théâtralise sous les maquillages, les postiches et les prothèses en tout genre. Confronté à des rôles modestes d'homme simple en proie à l'adversité, selon une mystique juive à laquelle presque tous ses rôles se réfèrent, Paul Muni était en revanche sobre et émouvant (Furie noire, M. Curtiz, 1935 ; Nous ne sommes pas seuls, E. Goulding, 1939). Même lorsqu'il interprète un Chinois très vraisemblable dans Visages d'Orient (S. Franklin, 1937), c'est encore l'expression profonde de son éducation et de sa culture qu'il fait vivre : c'est ainsi qu'il faut comprendre l'odyssée de ce paysan qui traverse des épreuves comparables à celles que le Dieu de l'Ancien Testament infligea à Job, et qui affronte les tentations avec l'engagement d'un personnage de la Bible.
Vers le début des années 40, après un succès dans Le commando frappe à l'aube (J. Farrow, 1943), il revient vers le théâtre et ne tourne plus que sporadiquement. Il faut, hélas, constater que ses derniers rôles sont à peine supportables tant l'acteur, persuadé de sa grandeur, sautille, grimace et cabotine. Les cinéastes qui le dirigent alors déplorent son caractère intransigeant et imbu de lui-même. Sa création la plus paroxystique est celle du professeur de musique de Frédéric Chopin dans la Chanson du souvenir (Ch. Vidor, 1945). Il reste actif à la TV et surtout sur scène, où sa nature était plus à l'aise. Il sera fidèle jusqu'à sa mort à sa réputation d'acteur méticuleux et difficile. Après l'intéressant Un homme à détruire (1952), que Joseph Losey signe sous pseudonyme (Andrea Forzano), son dernier film fut The Last Angry Man (Daniel Mann, 1959), où il était à nouveau, bien qu'au prix d'un effort visible, sobre et acceptable. On découvrit à sa mort qu'il était pratiquement sourd depuis quelques années : il avait fait en sorte de le cacher, afin de continuer à jouer.