BRÉSIL. (suite)
Effondrement et reprise de la production.
Lorsque le président Fernando Collor liquide d'un trait de plume Embrafilme et la législation en vigueur (1990), il ne cède pas uniquement à la revanche vis-à-vis de l'intelligentzia et à l'idéologie néolibérale. Il donne le coup de grâce à une cinématographie déjà minée par le rétrécissement du parc des salles et du marché, résultat d'un modèle économique incapable d'intégrer la majorité de la population. Sans crédits de l'État, sans protection, la production chute et atteint le niveau zéro. Les telenovelas produites par Globo semblent appelées à régner sans partage sur l'imaginaire collectif. Cependant, une lente restructuration est perceptible dès 1993, grâce à un organisme municipal, Riofilme, initialement destiné à la distribution locale, et à une loi de l'audiovisuel. Le succès inattendu de Carlota Joaquina, princesa do Brazil (Carla Camurati, 1994), une farce historique digne des chanchadas d'antan, amorce une réconciliation avec le public, désormais confiné dans les centres commerciaux ou les multiplexes bâtis grâce aux investissements américains. Cependant, Central do Brasil (Walter Salles*, 1998), primé à Sundance et à Berlin, est un des rares titres à faire l'unanimité de la critique et des spectateurs. Ce film témoigne également d'une nouvelle donne : le cinéma brésilien ne peut plus exister à l'intérieur de ses frontières – pourtant les plus vastes de l'Amérique Latine –, il a fortement besoin d'appuis, en Europe ou aux États-Unis (voire, les deux). La reprise de la production révèle une diversité de paysages, caractères et dramaturgies, au-delà d'une commune exigence de qualité, à laquelle la télévision et la publicité ne sont pas étrangères. Si le financement par des entreprises à la recherche de bénéfices fiscaux et de notoriété, ne favorise guère les propos caustiques (Cronicamente inviável, Sergio Bianchi, 1999) ou les expériences austères (Sertão das memórias, José Araújo, 1997), la jeune génération parvient néanmoins à renouveler le regard porté sur les contrées mythiques du Nordeste (Baile perfumado, Paulo Caldas et Lirio Ferreira, 1997 ; Eu, tu, eles, Andrucha Waddington, 2000), et sur les conflits urbains (Como nascem os anjos, Murilo Salles, 1996 ; Um céu de estrelas, Tata Amaral, 1997). Après avoir construit des studios dignes de Hollywood, la Globo investit pour la première fois dans le cinéma et diffuse sur le câble une chaîne consacrée aux films brésiliens : Auto da Compadecida (Guel Arraes, 2000), d'après Ariano Suassuna, est distribué dans les salles après avoir été diffusé sur les ondes hertziennes. Les professionnels de la profession, réunis en congrès (2000), espèrent négocier de nouvelles règles du jeu pour l'ensemble de l'audiovisuel et éviter ainsi que la stimulante reprise ne s'avère un énième cycle sans lendemains.