LINDBLOM (Gunnel)
actrice suédoise (Göteborg 1931).
Elle fait ses débuts à l'écran en 1952 dans Amour (Kärlek, G. Molander), où elle donne la réplique à Victor Sjöström, mais sa carrière ne prend vraiment son essor qu'en 1954, à partir du moment où elle entre au Théâtre municipal de Malmö, avec Ingmar Bergman. On la voit sous la férule de ce dernier, au théâtre notamment, dans un Faust où elle tient le rôle de Marguerite, et au cinéma, dans plusieurs films importants de la fin des années 50. Dans le Septième Sceau (1957), elle incarne une jeune fille muette qui semble n'être pas tout à fait de ce monde ; dans les Fraises sauvages (1957), sous les traits de la sœur éthérée du jeune Isak Borg, elle s'en donne à cœur joie au cours d'une brève scène avec Bibi Andersson, et, dans la Source (1960), elle interprète la demi-sœur malheureuse et aigrie qui, par rancœur, provoque l'enlèvement fatal puis la mort de la jeune vierge. Malgré le talent avec lequel elle fait encore une apparition dans les Communiants (1963), Gunnel Lindblom semble condamnée par les critères bergmaniens à des rôles secondaires ; mais, en 1963, le cinéaste lui offre un rôle superbe : dans le Silence, elle est une Anna épanouie, à la sensualité presque animale, ce qui lui vaut du jour au lendemain de s'imposer avec l'image d'un symbole sexuel en même temps qu'intellectuel.
Dès lors, elle apparaît dans les Amoureux (M. Zetterling, 1964), la Danse du héron (F. Rademakers, 1965), la Faim (H. Carlsen, 1966), le Meurtre d'Yngsjo (A. Mattsson, id.), les Filles (M. Zetterling, 1968), le Père (A. Sjöberg, 1969). Elle passe derrière la caméra en 1976 : Paradis d'été (Paradistorg, id.), Sally et la liberté (Sally och friheten, 1981) et Nuits d'été (Sommarkvallar pa jorden, 1986) sont une approche d'une grande intelligence de la place des femmes dans la société suédoise contemporaine.
LINDER (Gabriel Maximilien Leuvielle, dit Max)
acteur et cinéaste français (Saint-Loubès 1883 - Paris 1925).
Max Linder est-il vraiment, comme nous l'assurent les historiens français du cinéma (« avec une pointe de chauvinisme », ainsi que le note Jean Mitry), le premier auteur-acteur comique du cinéma, précurseur de Charlie Chaplin ? Il est vrai que ce dernier a publiquement rendu hommage à son sens de l'improvisation, à la finesse de son humour, à l'élégance de son jeu et surtout... à sa réussite commerciale. Il lui a même volé quelques gags – par exemple celui de l'inauguration de la statue, repris tel quel dans les Lumières de la ville. Il s'en faut pourtant que le type comique créé par Linder, simple visualisation à l'écran du dandy Belle Époque, coureur de dot porté sur la dive bouteille, tel qu'il était apparu sur maintes scènes du Boulevard, ait la profondeur et l'universalité de celui de Charlot ; privée des chastes fiancées et des belles-mères acariâtres, son inspiration est plutôt courte. Que l'on compare avec le prodigieux dynamisme de l'école Jean Durand, des Calino et des Onésime : ici le rire fuse à jet continu, alors que là il est distillé au compte-gouttes. Revus aujourd'hui, les films de Max Linder font à peine sourire. Leur mise en scène est pauvre. En anthologie, cela passe encore : voir En compagnie de Max Linder (1963) ou l'Homme au chapeau de soie (1983), pieux hommages rétrospectifs que lui a consacrés sa fille Maud Linder.
Il n'en reste pas moins que Linder connut, de 1910 à 1920, une gloire phénoménale. Il fut la première grande star de l'écran, et ses triomphes – à Paris comme à Barcelone, à Londres comme à Saint-Pétersbourg – dépassèrent tout ce qu'on peut imaginer. Petit provincial venu tenter sa chance à Paris au début du siècle, il avait besogné sur les scènes de l'Ambigu et des Variétés, avant de trouver son style. Il entra dans les habituels rôles d'apaches, et fut même travesti dans Une jeune fille amoureuse (1909). C'est Pathé, aidé de Lucien Nonguet, qui eut l'idée de lancer sur le marché ce gandin tiré à quatre épingles, à la silhouette longiligne contrastant avec les rondeurs comiques en l'honneur à l'époque. Le succès vint très vite. Connu par son seul prénom de « Max », il affina son image de marque de « gentleman de Paris », en jaquette, huit-reflets, canne à pommeau d'or et gants beurre frais, toujours digne dans l'adversité, rebuté par aucun échec. Les scénarios de ces courtes saynètes sont d'Armand Massard, Georges Fagot ou Linder lui-même, lequel en assure en outre (à partir de 1910) la « direction artistique ». On note la stylisation du cadre, l'agilité de l'interprète, le choix judicieux des partenaires : Gabrielle Lange, Paulette Lorsy, Jane Renouard, Stacia Napierkowska, Lucy d'Orbel, Gaby (de) Morlay... Quelques titres : Max aéronaute ; Max victime du quinquina ; Max professeur de tango ; Max illusionniste... En 1916, il gagne les États-Unis, engagé par la compagnie Essanay. Les résultats sont peu concluants. Il faudra attendre 1921 pour qu'il tourne, à United Artists, ses meilleurs films américains – qui sont aussi, et de loin, ses meilleurs films : Soyez ma femme, Sept Ans de malheur, l'Étroit Mousquetaire. Dans le deuxième, il développe un de ses clous de la scène : le sketch du miroir brisé, repris avec génie par les Marx Brothers dans Soupe aux canards. De cette fin de carrière datent également deux réussites françaises : le Petit Café, excellente adaptation de la pièce de Tristan Bernard par le fils de ce dernier, Raymond Bernard ; et une pochade signée Abel Gance, Au secours ! Mais c'était un peu tard pour rivaliser avec les grands burlesques américains, qui l'avaient supplanté depuis longtemps dans le cœur des foules. De surcroît, une santé chancelante et un vieux fond de neurasthénie achèvent de le démoraliser. En 1925, après un dernier (bon) film tourné en Autriche, le Roi du cirque, il mettait fin à ses jours, avec sa jeune épouse, Hélène Peters.
Des quelque 160 films que Max Linder a tournés, de 1907 à sa mort (certains lui en attribuent plus du double, mais l'estimation que nous empruntons à Jean Mitry est la plus probable), il n'en subsiste guère, dans les cinémathèques, qu'une trentaine. Leur qualité essentielle semble devoir être recherchée aujourd'hui davantage dans leur arrière-plan satirique que dans leurs vertus comiques. Max Linder est de la lignée de Labiche et de Caran d'Ache, avec quelques traits plus grossiers de Fragson (lequel fut d'ailleurs, incidemment, son partenaire). Quant à sa postérité, il faut aller la chercher, aux États-Unis, chez Raymond Griffith et Adolphe Menjou, en France chez René Clair et peut-être chez Pierre Étaix. Pour un jugement d'ensemble sur l'œuvre, on s'en tiendra à ce point de vue nuancé de Philippe Esnault : « Il en reste un charme d'époque et, peut-être, les prémices d'un personnage au tempérament national fortement marqué. Max Linder, au milieu d'un flot de possibilités exploitées par d'autres, semble s'être contenté de fermer des portes plutôt que d'en ouvrir. Entre l'admiration abusive de son époque et l'oubli présent, une plus juste place doit désormais lui être faite. » (Cinéma 64, janvier 1964).