BRASS (Giovanni Brass, dit Tinto)
cinéaste italien (Milan 1933).
De famille vénitienne, licencié en droit à Padoue, il travaille à la Cinémathèque française et devient l'assistant de Cavalcanti, Ivens et Rossellini. Son premier film, In capo al mondo / Chi lavora è perduto, 1964), tourné à Venise, plein de références autobiographiques, annonce un esprit anarchique et un style brouillon. Il disco volante (1964) est une lourde farce de science-fiction avec Sordi ; ça ira, il fiume della rivolta (CO Franco Arcalli, 1965) est un film de montage sur l'histoire des révolutions. Après un western violent remanié par les producteurs, Yankee (1966), il s'engoue pour la mode pop, puis tourne quelques films célébrant des marginaux rebelles : le Cœur dans la gorge (Col cuore in gola, 1967), Nero su bianco (1969), Dropout (1971), La vacanza (id.), L'urlo 1974 [RÉ 1968]). Il obtient un succès commercial avec des films pseudo-historiques et (ou) quasi pornographiques : Salon Kitty (1976), Caligula (1980 [RÉ 1977]), la Clef (La chiave, 1983), Vices et caprices (Capriccio, 1988), le Voyeur (L'uomo che guarda, 1994) ; Fermo posta Tinto Brass (1995), Monella (1997), Tra(sgre)dire (1999).
BRASSEUR (Claude Espinasse, dit Claude)
acteur français (Paris 1936).
Fils de Pierre Brasseur et d'Odette Joyeux. Il suit les cours de Raymond Girard, de René Simon et du Conservatoire et fait du théâtre depuis 1954. Il débute au cinéma en 1956 dans le Pays d'où je viens (M. Carné) et s'impose peu à peu par son dynamisme et son humour avec un métier qui rappelle souvent celui de son père. On le remarque aux côtés de Michel Simon dans Pierrot la tendresse (François Villiers, 1960), puis en soldat cabochard dans le Caporal épinglé (J. Renoir, 1962) ; il tourne beaucoup avec les jeunes réalisateurs : Jacques Baratier (Dragées au poivre, 1963), Marcel Ophuls (Peau de banane, id.), Jean-Luc Godard (Bande à part, 1964), Costa-Gavras (Un homme de trop, 1967), François Truffaut (Une belle fille comme moi, 1972), et le plus souvent dans des rôles de tête brûlée. La maturité lui ouvre la voie à des personnages plus consistants : Barocco (A. Téchiné, 1976), l'État sauvage (F. Girod, 1978), l'Argent des autres (C. de Chalonge, id.), Une histoire simple (C. Sautet, id.), la Guerre des polices (Robin Davis, 1979), la Banquière (Girod, 1980), Une affaire d'homme (N. Rybowski, 1981). On le voit encore dans la Crime (Philippe Labro, 1983), Souvenirs, souvenirs (Ariel Zeitoun, 1984), Détective (J. -L. Godard, 1985), les Loups entre eux (J. Giovanni, id.), le Crocodile (Ph. de Broca, 1986), la Gitane (Ph. de Broca, id.), Dandin (R. Planchon, 1988 ; rôle-titre), l'Orchestre rouge (J. Rouffio, 1989), Dancing Machine (Gilles Béhat, 1990), Sale comme un ange (Catherine Breillat, 1991), Un, deux, trois, soleil (B. Blier, 1993), le Fil de l'horizon (F. Lopes, id.), Délit mineur (F. Girod, 1994). Il poursuit parallèlement sa carrière au théâtre.
BRASSEUR (Pierre-Albert Espinasse, dit Pierre)
acteur français (Paris 1903 - Brunico, Italie, 1972).
Élève au conservatoire, puis d'Harry Baur, il débute sur scène dès l'âge de dix-huit ans dans un répertoire boulevardier (É. Bourdet, J. Natanson, etc.) et restera fidèle au théâtre toute sa vie, écrivant lui-même (et jouant) des pièces qui n'ont guère laissé de souvenirs ; après la guerre, il passera à un registre plus sérieux avec la Compagnie Renaud-Barrault. Il vient au cinéma en 1924 et paraîtra dans quelque 80 films, dont la plupart sont dénués d'intérêt mais où ses prestations correspondent à ce qu'il jouait au théâtre et répondent donc à l'image de marque qui était la sienne : il a été trop souvent cantonné par les habitudes routinières de la production cinématographique.
S'il fallait choisir un seul de ses personnages pour le définir, ce serait à coup sûr celui de Frédéric Lemaître dans les Enfants du paradis : incarnant le célèbre comédien, il peut laisser libre cours à son exubérance et exploiter au mieux la double dimension ludique que lui offre le personnage, se servant de Frédéric Lemaître pour déployer son talent.
Mais avant de parvenir à ce sommet, il devra parcourir un long calvaire commercial car, entre son apparition dans la Fille de l'eau (J. Renoir, 1924) et son premier grand rôle, celui de Quai des brumes (M. Carné, 1938), s'accumulent quarante films, dont quelques titres suffisent à suggérer le niveau et le propos : Papa sans le savoir (Y. Mirande, 1932), le Sexe faible (R. Siodmak, 1933), la Garnison amoureuse (Max de Vaucorbeil, 1934), Prête-moi ta femme (Maurice Cammage, 1937), Claudine à l'école (S. de Poligny, 1938), Gosse de riches (M. de Canonge, id.), mais aussi un tout petit nombre d'œuvres qui ont une certaine réputation : Feu ! (J. de Baroncelli, 1927), Un oiseau rare (R. Pottier, 1935) et l'excellent petit film de Pagnol, le Schpountz (1938).
La plupart de ces films étant quelque peu tombés dans l'oubli, on en est réduit aux suppositions quant à la valeur des prestations du comédien : rien ne permet de penser qu'elles sont indignes de lui, mais la surprise n'en est évidemment que plus forte lorsqu'on le découvre soudain, pâle voyou, dans Quai des brumes. Cinq ans plus tard, avec Lumière d'été (Grémillon, 1943), c'est un autre Brasseur qu'on découvre dans le rôle d'un peintre un peu fou qui décore l'intérieur des placards, anime l'action de ses excentricités et se trouve le témoin fasciné de l'écroulement d'un microcosme symbolique. Cette veine farfelue, on la retrouve, mais moins sous-tendue par le tragique, dans deux petits chefs-d'œuvre burlesques, Adieu, Léonard (P. Prévert, 1943) et l'Arche de Noé (Henry Jacques, 1947) : elle fait partie de la plupart des personnages de Brasseur, dont on peut dire à coup sûr qu'il ne s'est jamais pris au sérieux.
Mais le meilleur de lui-même, c'est dans les Enfants du paradis (Carné, 1945) qu'il le donnera, se haussant au rang des monstres sacrés par la puissance de son jeu tout autant que par la verve de son esprit, littéralement porté, comme ses camarades, par le talent conjugué des auteurs de cet admirable film, Prévert et Carné. Parmi les films intéressants qui jalonnent encore les quelque trente ans de carrière qui suivent : le Pays sans étoiles (G. Lacombe, 1945), les Portes de la nuit (Carné, 1946), Petrus (M. Allégret, id.), les Amants de Vérone (A. Cayatte, 1949), Maître après Dieu (L. Daquin, 1951), le Plaisir (Max Ophuls, 1952), Porte des Lilas (R. Clair, 1957), la Loi (J. Dassin, 1958), la Tête contre les murs (G. Franju, 1959), Dialogue des carmélites (P. Agostini, 1960), la Métamorphose des cloportes (P. Granier-Deferre, 1965), la Vie de château (J.-P. Rappeneau, 1966), le Roi de cœur (Ph. de Broca, 1967), Benjamin (M. Deville, 1968) et la Plus Belle Soirée de ma vie (E. Scola, 1972), son dernier film.