Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
S

SCIENCE-FICTION. (Le signe SF est communément utilisé.) (suite)

La Seconde Guerre mondiale et la guerre froide qui s'ensuit renouvellent les thèmes, faisant des années 50 une période particulièrement féconde en films de SF. Au Japon, l'horreur atomique réveille les monstres immémoriaux (Godzilla, I. Honda, 1954 ; Rodan, id., 1956), tandis que l'Amérique exorcise ses peurs en évoquant les mutations provoquées par l'atome (Des monstres attaquent la ville, G. Douglas, 1954 ; Tarentula, id., J. Arnold, 1955 ; l'Homme qui rétrécit, Arnold, 1957) et les invasions d'extraterrestres menaçants (la Chose venue d'un autre monde, Ch. Nyby, 1951 ; la Guerre des mondes, B. Haskin, 1953 ; Les soucoupes volantes attaquent, Fred F. Sears, 1956), doublement menaçants lorsqu'ils dissimulent leur horreur sous la familiarité rassurante des enveloppes humaines (le Météore de la nuit, Arnold, 1953 ; Invaders From Mars, W. C. Menzies, id. ; l'Invasion des profanateurs de sépultures, D. Siegel, 1956). Du sein d'une vaste production souvent médiocre se détachent le Jour où la terre s'arrêta (R. Wise, 1951), où l'extraterrestre devient messager de paix et symbole d'harmonie universelle, et Planète interdite (F. McLeod Wilcox, 1956), qui mêle avec bonheur le spectaculaire au parti pris hardi de faire de l'inconscient un protagoniste de l'action. Parallèlement, la conquête de l'espace est mise en images sur un mode beaucoup plus réaliste (Destination Lune, I. Pichel, 1950 ; la Conquête de l'espace, B. Haskin, 1955) et l'après-holocauste atomique devient le sujet de Cinq Survivants (A. Oboler, 1951), le Dernier Rivage (S. Kramer, 1959), ou Panique année zéro (R. Milland, 1962). Dans le même temps, la production britannique de SF se replie essentiellement sur la télévision avec des séries comme Dr. Who, Quatermass et le Prisonnier, auprès desquelles le Village des damnés (Wolf Rilla, 1960) et les Damnés (J. Losey, 1962) font figure d'exceptions.

Trois titres suffisent à revitaliser le genre à la fin des années 60 et à redessiner toutes les voies qui s'offrent à lui : le Voyage fantastique (R. Fleischer, 1966), la Planète des singes (F. J. Schaffner, 1967) et surtout 2001, l'Odyssée de l'espace (S. Kubrick, 1968), qui contient en germe toute la production à venir : retour au space opera, inquiétude devant l'évolution technologique, interrogation sur la place de l'homme dans l'univers, intégration de toutes les données scientifiques disponibles, extrême exigence dans la qualité des effets spéciaux.

Une première période en effet, marquée par les inquiétudes de la fin des années 60, évoque des univers répressifs et des sociétés déréglées (THX 1138, G. Lucas, 1970 ; Orange mécanique, Kubrick, 1971 ; Soleil vert, Fleischer, 1973 ; Zardoz, J. Boorman, 1974 ; Rollerball, N. Jewison, 1975), où la menace du désordre écologique plane (Silent Running, D. Trumbull, 1972 ; Phase IV, S. Bass, 1974). Mais le genre revigoré va vite devenir le terrain privilégié des nouvelles techniques cinématographiques (trucages optiques, images conçues et réalisées par ordinateur) qui renouvellent des fictions puisant dans le réservoir de thèmes plus anciens : extraterrestre meurtrier (Alien, R. Scott, 1979 ; The Thing, J. Carpenter, 1981), super héros (Flash Gordon, M. Hodges, 1980 ; Blade Runner, Scott, 1982), androïde insoumis (Mondwest, M. Crichton, 1973 ; Saturne 3, S. Donen, 1980), odyssée spatiale (Star Trek, R. Wise, 1979), voyage dans le temps (C'était demain, N. Meyer, 1980), dévastation atomique (le Jour d'après, id., 1983) ou saga des conflits intergalactiques (la Guerre des étoiles, Lucas, 1977). À côté de ces superproductions, qui marquent un retour prononcé à l'évasion et au spectacle, se manifestent des préoccupations plus nouvelles pour le problème de la communication avec les extraterrestres cher à Spielberg (Rencontres du 3e type, 1977 ; E. T. l'Extraterrestre, 1982) ou pour l'informatique (Tron, S. Lisberger, id. ; Wargames, J. Badham, 1983).

Notons également que la terreur venue de l'espace se manifeste périodiquement. En effet, le même sujet, qui surgit en 1957 dans l'Invasion des profanateurs de sépultures (Don Siegel), est repris en 1978 par Philip Kaufman et enfin en 1993 par Abel Ferrara avec Body Snatchers.

Les années 80 semblent privilégier le spectaculaire et l'évasion. George Lucas, qui avait si fortement marqué le genre, tant dans le contenu (THX 1138, 1970) que dans la forme (la Guerre des étoiles, 1975), s'est retiré de la réalisation pour assister de sa maîtrise des effets spéciaux pratiquement toutes les productions américaines marquantes des dernières années. Le réalisme étonnant qui a été atteint dans ce domaine finit par devenir la raison d'être des films les moins inspirés du genre : ils arrivent tous à préserver un certain niveau d'intérêt uniquement par leur fini technique. On perçoit cependant une certaine ambition dans les réalisations de James Cameron : Terminator (1985) et Terminator 2 (1989) mettent réellement en place une nouvelle mythologie et un nouveau code. Il est intéressant de constater que l'aspect violent et négatif du premier est contrebalancé par une nette volonté d'édulcorer la personnalité du héros dans le second film. On préférera certainement le raffinement visuel et le lyrisme de Cameron, qui éclate aussi dans Abyss (1991), à la laideur agressive dont fait preuve Paul Verhoven dans Total Recall (1989), qui massacre un superbe sujet de Philip K. Dick. Mais le succès le plus phénoménal est sans doute Jurassic Park (1993) : un scénario et des personnages transparents à force de simplification permettent au spectateur d'entrer dans le film comme dans une attraction foraine destinée à lui faire peur. Jurassic Park, film d'anticipation, nie le présent et tire du passé ses effets de terreur.

Parallèlement, les séries continuent ; ainsi, Star Trek en est à son no VI et c'est l'actrice Sigourney Weaver qui produit elle-même l'intéressant Alien 3 (1990) : cette série, qui avait commencé en mettant en scène un groupe d'hommes menacé par un extraterrestre monstrueux qui sera terrassé par une femme, s'avance vers une féminisation de plus en plus marquée de la thématique. C'était déjà le cas de Alien 2 (J. Cameron, 1988), et Alien 3 et 4 (J. P. Jeunet, 1997), qui tournent autour de l'idée de maternité et d'accouchement, marquent une sorte d'aboutissement.