cinéaste française (Amiens 1882 - Paris 1942).
Férue de musique et de photographie, cultivée, ayant un peu pratiqué le journalisme et collaboré à des revues féministes, celle qui allait devenir le « cœur » de l'avant-garde française des années 20 réalise son premier film (produit par son époux Marie-Louis Albert-Dulac) en 1915 : les Sœurs ennemies, un mélodrame historique avec Suzanne Després. Suivent quelques travaux sans grande ambition, dans le goût du temps, Géo le mystérieux (1916), Vénus Victrix (id.) ou Dans l'ouragan de la vie (id.). Mais Âmes de fous (1918) est un serial insolite, où perce un humour inhabituel à ce genre de production. L'interprète est Ève Francis, qui lui fait connaître son fiancé, Louis Delluc. Sous l'influence de ce dernier, Germaine Dulac s'oriente vers un style plus raffiné, un exotisme de bonne tenue : après le Bonheur des autres (1918), elle tourne la Fête espagnole (1920), sur un scénario de Delluc qui transpose assez habilement la Carmen de Mérimée, film qui lui vaut un certain succès dans les cénacles parisiens. Sa ligne est tracée : elle cultivera un cinéma de recherche, jouant de la gamme des flous, des surimpressions et autres procédés « esthétiques » visant à approfondir la forme au détriment du scénario. L'Herbier, Epstein, Gance et Delluc lui-même la suivront sur cette voie, dite « impressionniste ». Des films tels que la Cigarette (1919), Malencontre (1920), la Belle Dame sans merci (1921), la Mort du soleil (id.) et surtout la Souriante Madame Beudet (1923, d'après la pièce de Denys Amiel et André Obey), affirmeront ces conceptions. Les films ne sont plus des narrations linéaires, lourdement ponctuées d'intertitres, ils tendent à devenir de véritables « symphonies visuelles ». Mais le grand public renâcle... Germaine Dulac fait donc quelques concessions au commerce, et c'est Gossette (1923) et le Diable dans la ville (1925), deux productions de Louis Nalpas, qui dénotent chez la réalisatrice — la seconde surtout, soutenue par un excellent scénario de Jean-Louis Bouquet — une veine « irréaliste » inattendue, qu'elle va exploiter dans Âme d'artiste (1925) et la Folie des vaillants (1926), films d'atmosphère russe débordants de fantaisie, trop contrôlée en revanche dans Antoinette Sabrier (1928), besogne nettement académique. Et c'est, en 1927, la curieuse association Germaine Dulac-Antonin Artaud (« le mariage de la carpe et du lapin », selon Charles Ford) pour la Coquille et le Clergyman (CM), qui déchaîna les tollés que l'on sait (un spectateur s'étant écrié, lors de la présentation du film aux Ursulines : « Germaine Dulac est une vache », opinion que le poète aurait publiquement entérinée). En fait, le film faisait apparaître aussi bien les audaces que les limites de la « deuxième avant-garde », Germaine Dulac s'en tenant à ses fioritures abstraites là où Artaud espérait véhémentement frapper un grand coup. Désormais, Germaine Dulac ne tournera plus que de brefs essais de « cinéma intégral », variations sur des poèmes de Baudelaire ou des motifs musicaux de Chopin ou Debussy (l'Invitation au voyage [CM, 1927], Disque 927 [id., 1928], Thèmes et Variations [id., id.], Étude cinématographique sur une arabesque [id., 1929]), filmage au ralenti de... la germination d'un haricot ! (Germination d'un haricot, CM, 1928). Une ultime tentative dans la fiction, la Princesse Mandane (1928, d'après Pierre Benoît), se soldera par un échec. Incapable de s'adapter aux lois du parlant, elle se recycle comme directrice adjointe aux Actualités Gaumont, poste qu'elle occupera jusqu'à sa mort.▲