WESTERN. (suite)
Pour être secondes, ces sources n'en sont pas moins réelles ; le cinéma les a absorbées en leur ajoutant l'une de ses dimensions spécifiques, la capacité qu'il a lui-même de produire, par les moyens les plus divers, un « effet de réel » (par exemple en évoquant les éléments, la poussière, le sable et le sel des déserts, ou la pluie, la boue, la neige...) et à occuper des paysages typiques (Monument Valley). Par là le western cinématographique est susceptible de redonner à l'Ouest une présence, une réalité qui paraît, à tort ou à raison, première (impression qu'on ressent aussi, quels que soient les trucages, devant les chevaux, le bétail...). Entre la réalité de l'Ouest et sa représentation se joue un fascinant jeu de reflets réciproques ; par exemple, Annie, reine du cirque (G. Sidney, 1950), « musical » consacré à Annie Oakley, oppose aux paysages de l'Ouest les toiles peintes qui servent de décor au « Wild West Show » de Buffalo Bill.
Aussi est-il permis de penser que le cinéma a largement contribué à son tour à répandre le mythe de l'Ouest. Les circonstances historiques ont voulu que la naissance du cinéma fût exactement contemporaine de la disparition de la frontière ; il est donc logique que le film ait immédiatement paré l'Ouest des couleurs de la nostalgie, de l'innocence (récemment) perdue. Ce discours du western s'inscrit d'ailleurs dans une idéologie relativement précise : il exprime la fierté d'appartenir à une « union » en expansion dans le temps et dans l'espace. Le thème de l'Ouest s'entrecroise donc avec celui de la naissance d'une nation, comme en témoigne le grand nombre de westerns qui abordent la guerre de Sécession (citons notamment chez Ford, héritier de Griffith, les Cavaliers, 1959, et l'épisode la Guerre civile de la Conquête de l'Ouest, 1963). Mais la figure qui préside à la naissance du western est celle non pas de Lincoln mais de Theodore Roosevelt, le « rude chevaucheur », l'ami de Frederic Remington et du colonel Cody, le dédicataire du roman d'Owen Wister The Virginian (plusieurs fois adapté à l'écran, notamment par De Mille en 1914, et par Victor Fleming, avec Gary Cooper, en 1929) et, à titre posthume, de la Caravane vers l'Ouest de James Cruze.