Le lancement du Cinéma-Scope par la Twentieth Century Fox, en 1953, s'inscrivait dans le cadre de la politique menée par le cinéma américain pour proposer un spectacle capable de concurrencer la télévision, alors en plein essor aux États-Unis. Le Cinérama*, apparu quelques mois plus tôt, avait démontré l'attrait du grand écran large et du son stéréophonique. Mais il nécessitait une installation spéciale, complexe et onéreuse, qui en limitait le développement. Le CinémaScope offrait les mêmes atouts de façon beaucoup plus simple.
Géométriquement, les films CinémaScope ne différaient des films 35 mm traditionnels que par la forme, légèrement différente (voir plus loin), des perforations. L'écran large était obtenu par anamorphose*, grâce au dispositif inventé 25 ans auparavant par H. Chrétien. Quant au son, il était doublement amélioré par rapport au son optique traditionnel : l'emploi de quatre pistes magnétiques, de part et d'autre de chaque rangée de perforations, assurait à la fois une meilleure restitution sonore et la possibilité d'effets stéréophoniques. ( STÉRÉOPHONIE.)
Pour obtenir sur grand écran une netteté et un éclairement satisfaisants, il fallait que l'image sur le film soit aussi grande que possible. Par rapport au 35 mm conventionnel, la Fox gagna en hauteur en utilisant la totalité des 19 mm correspondant à l'avance traditionnelle de 4 perforations par image, et elle gagna en largeur à la fois par l'emploi de perforations carrées (et non plus rectangulaires) et l'emploi de pistes magnétiques (moins encombrantes que la piste optique). L'image sur le film mesurait ainsi 19 × 24 mm, ce qui donnait sur l'écran — compte tenu du doublement en largeur dû à la désanamorphose — une image au format 1 × 2, 55.
Inauguré avec la Tunique (H. Koster, 1953), dont le tournage avait d'ailleurs commencé en format standard, le CinémaScope connut très vite un grand succès, qui suscita :
— l'apparition de nombreux procédés similaires d'écran large par anamorphose (Superscope, Dyaliscope, Totalvision, etc.) ;
— l'apparition de procédés d'écran large sans anamorphose : Vistavision et 70 mm ;
— la mode des images « panoramiques », qui déboucha sur la définition de formats standards plus allongés que le format standard antérieur ( FORMAT).
Si l'écran large par anamorphose s'imposa (dès la fin des années 50, il était inconcevable qu'une salle ne puisse pas projeter les films anamorphosés), l'expansion du CinémaScope dans sa version d'origine fut freinée par les investissements nécessaires à l'aménagement des salles (haut-parleurs supplémentaires) et surtout des cabines (modification des projecteurs pour accepter les perforations carrées, adjonction d'un bloc de lecture des pistes magnétiques, amplificateurs supplémentaires). Très vite, les films CinémaScope furent également proposés en copies tirées sur film à perforations traditionnelles et à piste sonore optique traditionnelle : cela réduisait en largeur l'espace disponible pour l'image, qui ne donnait plus sur l'écran que le format 1 × 2, 35. On aboutit ainsi à l'actuel Scope*, qui périma rapidement le CinémaScope initial : dès les années 60, plus aucun film ne fut tourné avec une fenêtre de prises de vues au format 1 × 2, 55.
Les salles équipées pour le CinémaScope conservèrent toutefois leur matériel, ce qui ne leur posait pas de problème puisque les débiteurs adaptés aux perforations carrées acceptent les perforations traditionnelles. Cela leur permettait soit de ressortir les films en CinémaScope d'origine (encore que ces films aient été souvent amputés en largeur, puisque projetés avec la fenêtre 1 × 2, 35 du Scope) soit de projeter en son stéréophonique les films tournés en 70 mm ou en Dolby Stéréo, sous réserve évidemment que ces films aient fait l'objet d'un tirage sur pellicule type CinémaScope. (Ce fut récemment le cas en France pour Play time, J. Tati, 1967 — originellement en 70 mm —, ou pour Rencontres du troisième type, S. Spielberg, 1977.)