Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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MONTAGE. (suite)

Ces rushes permettent à l'équipe de tournage de vérifier ce qui a été tourné la veille ; ils permettent aussi de choisir la prise qui sera (en principe) retenue pour le montage. Le dédoublage est l'opération matérielle qui consiste à faire le tri entre les prises retenues et les prises non retenues, ces dernières étant conservées et classées à toutes fins utiles.

Le tournage achevé, on assemble les prises retenues les unes à la suite des autres dans l'ordre du découpage. Cela donne le bout-à-bout, où figure encore la totalité de chaque prise : claquette ( REPIQUAGE), indications de tournage, etc. Par suppression des claquettes et de tout ce qui n'est pas vraiment utilisable, le bout-à-bout devient la première mouture de la copie de travail.

C'est à partir de ce stade que commence le montage proprement dit, qui s'effectue – dans une salle de montage – sur une table de montage ou plus généralement sur un équipement de montage virtuel image et son. Dans un premier temps, certaines productions ont adopté le montage traditionnel pour l'image et le montage virtuel pour le son. La généralisation du multicanal et du son numérique sur les films a rendu le montage traditionnel des bandes son impossible.

L'assistant monteur est, en montage traditionnel, chargé des tâches matérielles du montage (exécution des collages selon les indications portées au crayon – sur le film – par le chef monteur ; conservation de la synchronisation entre les bandes, etc.), il veille d'ailleurs à conserver – dûment classées – toutes les chutes. (C'est également l'assistant monteur qui se déplace à l'extérieur, jusqu'au laboratoire, aux sonothèques, etc.). Avec le montage virtuel, cette fonction a tendance à disparaître ou à évoluer en assistant de post-production.

Le montage est un travail long et progressif, où le chef monteur, travaillant suivant les instructions du réalisateur, construit peu à peu l'assemblage du film. (Dans les productions standards de l'Hollywood d'autrefois, où le réalisateur était essentiellement – voire uniquement – chargé de diriger les prises de vues, le monteur travaillait souvent sous la seule autorité du « producer ».) Dans le cas le plus simple, où il existe un découpage précis et où le film a été tourné en respectant le découpage, le montage se réduit – en théorie – à assembler les éléments dans l'ordre du découpage. Même dans ce cas, une bonne expérience professionnelle est nécessaire, ne serait-ce que pour déterminer la meilleure façon de couper pour raccorder deux plans, opération apparemment simple mais où le choix n'a souvent rien d'évident, surtout s'il faut en même temps tenir compte du son (dialogue en champ-contrechamp). Dans la plupart des cas, le montage est bien plus qu'un assemblage, dans l'ordre des éléments filmés ; il est en bonne partie création de l'œuvre à partir des éléments filmés.

Par exemple, on s'apercevra au montage qu'il est nécessaire de modifier l'ordre prévu des scènes, de raccourcir telle scène au profit de telle autre prévue comme secondaire, de fragmenter un plan décidément trop long (en y insérant par exemple un court morceau d'une prise initialement non retenue), voire d'introduire un plan de coupe pour dissimuler un faux raccord passé inaperçu au tournage. Tout cela vise : d'une part, à permettre la compréhension de l'histoire ; d'autre part, à donner au film son rythme.

Cette construction s'effectue par essais, tâtonnements, retouches, où l'on use continuellement des possibilités de la table de montage : marche avant, marche arrière, ralenti, accéléré, arrêt sur l'image. Et l'on conçoit sans peine que le montage dure généralement plus longtemps, voire bien plus longtemps, que le tournage.

À la fin de tout le travail évoqué ci-dessus, l'on se retrouve avec une copie de travail a priori définitive et un certain nombre de bandes son. En fait, le montage n'est pas tout à fait terminé ; il faut encore tenir compte de ce qui va être fait en fonction de la copie de travail : bruitage, musique, etc. Le monteur doit incorporer ces nouveaux éléments, dont il n'est pas rare qu'ils conduisent à retoucher plus ou moins le montage initial. (Idem pour le mixage*.)

Lorsque la copie de travail est enfin considérée comme définitive, elle est envoyée au laboratoire,pour procéder au montage négatif, c'est-à-dire à l'assemblage du négatif en conformité avec la copie de travail film ou l'edit List pour un montage virtuel.. Pour retrouver les éléments négatifs, des monteurs et monteuses spécialisés s'aident du rapport technique établi à leur intention par le monteur ; pour retrouver l'endroit exact des coupes, ils s'aident des numéros de piétage ( FILM) inscrits en marge du film. Le laboratoire exécute par ailleurs, puis insère dans le négatif, les effets spéciaux demandés – fondus, volets, surimpressions, etc. –, effets qui sont repérés sur la copie de travail par des signes conventionnels inscrits au crayon gras ou identifiés en montage virtuel.

Importance du montage.

Il est hors de doute que la qualité d'un film repose en grande partie sur la qualité du montage. Malheureusement, le montage idéal est celui qui passe inaperçu, alors que les images demeurent visibles même lorsque le chef opérateur a pris grand soin, lui aussi, de mettre entièrement son art au service de l'œuvre. Le monteur (ou la monteuse, car le poste est souvent tenu par une femme) mériterait donc largement d'être cité plus fréquemment. Henri Colpi, Jacques Doillon, David Lean, Mark Robson, John Sturges, Robert Wise seraient-ils connus s'ils n'étaient passés de la table de montage à la réalisation ?

On soutient parfois que le monteur devrait participer au tournage, pour bien connaître le film et l'esprit du film. Généralement, c'est l'opinion contraire qui prévaut : le monteur doit demeurer « le premier spectateur » du film ; il peut ainsi, notamment, juger les prises sur leur seule valeur narrative (et/ou significative), et rejeter en conséquence (ce qui serait parfois difficile pour le réalisateur ou le chef opérateur) des prises sans intérêt mais dont le tournage a demandé beaucoup d'effort.