IMPRESSIONNISME. (suite)
Malheureusement, le public ne suivit pas, et les auteurs durent bientôt en rabattre de leurs ambitions : Gance se tourna vers la grande fresque historique, L'Herbier vers le mélodrame « psychologique », Epstein vers l'adaptation des classiques de la littérature (Balzac, Daudet). C'est le retour en force du scénario, naguère tant honni. La mort de Delluc, survenue en 1924, acheva de dérouter les esprits. Et c'est très arbitrairement que l'on pourra déceler des séquelles d'« impressionnisme » chez le jeune Renoir (la Fille de l'eau) ou le jeune Grémillon (Tour au large, Maldone).
La « deuxième avant-garde », celle des Man Ray et des Buñuel, jugera assez sévèrement ces tentatives, suspectes il est vrai de philosophie fumeuse et empreintes de pas mal de naïveté. Pourtant « la naïveté ici a son prix », comme le note Léon Moussinac à propos de Gance. Quant à l'esthétisme sophistiqué de L'Herbier, il a produit au moins un chef-d'œuvre (anachronique : il fut tourné à la veille du parlant et n'obtint aucun succès) : l'Argent. Appliqués à un sujet fort, un sens aigu de la photogénie, un découpage spatio-temporel minutieux, une grande maîtrise décorative feront enfin merveille. Au point que, quelque quarante ans plus tard, deux critiques français, Noël Burch et Jean-André Fieschi, réévaluant l'« école impressionniste » et la confrontant aux œuvres de Bresson ou de Resnais, y verront une « mise en phase, surprenante mais logique, avec certaines des recherches les plus vivifiantes du cinéma d'aujourd'hui ».