FULLER (Samuel)
cinéaste américain (Worcester, Mass., 1911 - Hollywood, Ca., 1997).
Pigiste d'Arthur Brisbane au New York Journal (auquel il rendra hommage dans Park Row), il est, à dix-sept ans, le plus jeune reporter affecté aux affaires criminelles. Cet apprentissage lui inspire des nouvelles et des romans policiers (dont The Dark Page, 1944). Dès 1936, il collabore aux scénarios de diverses productions « B » (il sera ainsi à l'origine de Jenny, femme marquée de D. Sirk, 1949). De 1942 à 1945, il combat avec la Big Red One, la première division d'infanterie, en Afrique du Nord et en Europe. De cette expérience fondamentale témoigneront ses films de guerre, qui sont autant de répétitions ou d'esquisses de The Big Red One, projet mûri pendant plus de trente ans. Il débute dans la réalisation en 1949, s'affirmant d'emblée comme l'auteur complet de ses films ; il en sera également le producteur (Globe Enterprises) à partir de 1956. Réduit à l'inactivité par son exigence d'indépendance, il se consacre à la télévision (1962-1966), accumule les scénarios et fait des apparitions dans les films de ses jeunes admirateurs (J.-L. Godard, D. Hopper, W. Wenders, S. Spielberg, etc.). Il prend une revanche éclatante en 1980, avec The Big Red One, enfin mené à bien sur les deux fronts, littéraire et cinématographique.
« Un film est un champ de bataille : amour, haine, violence, action, mort — en un mot émotion », décrète Fuller dans Pierrot le Fou. Abrupte, chaotique, plus soucieuse de surprendre que de séduire, son œuvre reste, aujourd'hui comme hier, fort controversée. Comment cerner, comment « récupérer » cette force de la nature qui dirige son équipe à coups de revolver et conçoit en une journée plus de projets qu'il n'en pourra jamais réaliser ? Cet éternel « jeune homme en colère » qui dénonce l'hypocrisie et le conformisme dans des fables aussi déconcertantes qu'explosives ! Cet individualiste forcené que seuls passionnent les excès de personnages exceptionnels, mais n'en croit pas moins aux vertus pédagogiques de son art ! Ce pamphlétaire imprévisible qui pourfend les totalitarismes de droite ou de gauche avec la même véhémence, la même générosité de libéral à tout crin ! Ce journaliste « à sensation » qui dynamite les clichés de genres consacrés pour mieux dévoiler les pulsions inavouées de l'Amérique ! Ce moraliste paradoxal qui choisit pour figures du double jeu social mercenaires et prostituées, imposteurs et névropathes ! Cet anarchiste romantique qui célèbre la démesure ou l'infamie en convertissant chaque valeur en son contraire, l'amour en haine, la peur en courage, l'héroïsme en traîtrise ! Cet artificier baroque qui ne compose ses images qu'en termes de collision ou de conflagration, télescopant dans le même plan les signes les plus opposés, jusqu'à trouver dans l'asile d'aliénés de Shock Corridor la métaphore définitive de sa poétique ?
« Barbare » ? « Primitif » ? « Confusionniste » ? Cinéaste de la folie et du chaos, Fuller est aussi celui de l'inconfort et de la lucidité. N'a-t-il pas toujours rêvé d'installer une mitrailleuse derrière l'écran pour décharger quelques rafales authentiques sur les spectateurs — et les rappeler ainsi à la réalité à laquelle ils espéraient échapper ?
Films
J'ai tué Jesse James (I Shot Jesse James, 1949) ; The Baron of Arizona (1950) ; J'ai vécu l'enfer de Corée (The Steel Helmet, id.) ; Baïonnette au canon (Fixed Bayonets, 1951) ; Park Row (1952) ; le Port de la drogue (Pick up on South Street, 1953) ; le Démon des eaux troubles (Hell and High Water, 1954) ; Maison de bambou (House of Bamboo, 1955) ; le Jugement des flèches (Run of the Arrow, 1957) ; China Gate (id.) ; Quarante Tueurs (Forty Guns, id.) ; Ordres secrets aux espions nazis (Verboten !, 1959) ; The Crimson Kimono (id.) ; les Bas-Fonds new-yorkais (Underworld U. S. A., 1961) ; Les maraudeurs attaquent (Merrill's Marauders, 1962) ; Shock Corridor (id., 1963) ; Allô, Police spéciale (The Naked Kiss, 1965) ; Shark ! (1967-1969) ; Un pigeon mort dans Beethoven Street (Dead Pigeon on Beethoven Street, 1972) ; Au-delà de la gloire (The Big Red One, 1979) ; Dressé pour tuer (White Dog, 1982) ; les Voleurs de la nuit/Thieves After Dark (1984) ; Sans espoir de retour (1989).
FULL SHOT.
Locution anglaise à peu près équivalente à long shot.
FU MANCHU.
Inventé par le romancier anglais Sax Rohmer (1893-1959), héros de treize romans et d'un recueil de nouvelles, Fu Manchu est un méchant Chinois légendaire dont les aventures mêlent au genre policier le fantastique et la science-fiction. Il apparaît pour la première fois à l'écran sous les traits d'Harry Agar Lyons dans un serial anglais : The Mystery of Dr. Fu Manchu (A. E. Coleby, 1923 ; 15 épisodes). Aux États-Unis, Warner Oland reprend le rôle dans trois films : The Mysterious Dr. Fu Manchu (1929), The Return of Dr. Fu Manchu (1930), élégamment réalisés par Rowland V. Lee, et Daughter of the Dragon (Lloyd Corrigan, 1931). Boris Karloff campe le docteur avec majesté dans le Masque d'or (The Mask of Fu Manchu, Ch. Brabin, 1932), d'une fantaisie raffinée. Henry Brandon reprend le flambeau dans l'adaptation la plus fidèle : Drums of Fu Manchu (W. Witney et John English, 1940 ; 15 épisodes). Enfin, en Angleterre de nouveau, Christopher Lee ressuscite le criminel dans le Masque de Fu Manchu (D. Sharp, 1965). La nouvelle série, qui connaît un médiocre succès, est abandonnée après deux autres épisodes.
FUNÈS (Louis Germain de Funès de Galarza, dit Louis de)
acteur français (Courbevoie 1914 - Nantes 1983).
Avant de devenir dans les années 60 la vedette la plus populaire du cinéma français, il fait longtemps du music-hall, du cabaret ; comme acteur comique, il reste confiné dans les rôles secondaires de très nombreux films : il est dirigé dans la Tentation de Barbizon, son premier film en 1945, par Jean Stelli ; par Sacha Guitry, dans la Poison (1951), Je l'ai été trois fois (1953) et la Vie d'un honnête homme (id.) ; par Jean Loubignac dans Ah ! les belles bacchantes (1954) ou par Claude Autant-Lara, dans la Traversée de Paris (1956), où il explose dans le rôle de Jambier, le boucher trafiquant. Il a déjà tourné 112 films lorsque Pouic-pouic (Jean Girault, 1963) le propulse au sommet du box-office français. Cette soudaine popularité s'amplifie avec le Gendarme de Saint-Tropez (id., 1964) et surtout avec le Corniaud (1964) et la Grande Vadrouille (1966), deux films de Gérard Oury où il a comme partenaire Bourvil. Sa silhouette de petit homme irascible, ses mimiques forcées en grimaces, le jeu exaspéré qu'il avait travaillé sur les planches des cabarets assurent soudain son succès, en France et hors de France, auprès d'un public conquis à l'avance mais peu exigeant sur l'écriture des films auxquels il prête son talent comique : Fantômas (A. Hunebelle, 1964), le Grand Restaurant (Jacques Besnard, 1966) ; les Grandes Vacances (J. Girault, 1967), Oscar (É. Molinaro, id.), Hibernatus (id., 1969), l'Avare (J. Girault, 1980). On le verra ainsi animer la série des Gendarmes (6 films entre 1964 et 1982, dirigés par Jean Girault et régulièrement repris à la télévision), et porter à bout de bras des productions financièrement plus ambitieuses réalisées par Gérard Oury (la Folie des grandeurs en 1971 et les Aventures de Rabbi Jacob en 1973), puis par Claude Zidi (l'Aile ou la Cuisse, 1976 ; la Zizanie, 1978).