Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
A

AUSTRALIE. (suite)

Les premiers films australiens des années 70 sont des comédies qui reflètent non seulement la libération des mœurs, phénomène de l'époque, mais aussi une réaction contre une censure d'un autre âge (The Naked Bunyip, John B. Murray, 1970). Malgré le succès commercial de ces comédies, les cinéastes vont petit à petit abandonner ce genre, ou l'enrichir considérablement, comme Bruce Beresford* avec Don's Party (1976) – une veillée électorale dans un milieu de gauche –, pour trouver dans le passé d'autres sources d'inspiration, plus dignes de l'identité australienne qu'ils recherchent.

Avec le plus célèbre des films de cette époque Pique-nique à Hanging Rock (1975), et grâce au talent de Peter Weir*, les Australiens découvrent qu'ils ont à nouveau un cinéma dont ils peuvent être fiers. Ils préfèrent à l'image naturaliste des buveurs de bière, la vision élégante que leur renvoie Peter Weir, même si en contrepoint demeure la brutalité mystérieuse de l'environnement. Les rapports de l'homme à une nature hostile ne cessent de hanter le cinéma australien. Deux cinéastes étrangers illustreront mieux que quiconque cette réalité australienne. Le canadien Ted Kotcheff*, dans Réveil dans la terreur (1971), brosse une description en forme de cauchemar du séjour d'un jeune instituteur dans une petite agglomération aux confins du désert, tandis que Nicholas Roeg*, dans Walkabout (1970), transcende l'angoisse grâce à son héros aborigène, qui nous fait découvrir une harmonie possible entre l'homme et le désert. Avec la nature omniprésente dans tant de films australiens, on assiste à une reprise des thèmes chers aux premiers cinéastes : le « bush », les grands espaces, la valeur rédemptrice du travail à la campagne que l'on oppose à l'influence corruptrice des villes. Sunday Too Far Away (Ken Hannam, 1975), The Last of the Knucklemen (Tim Burstal, 1978) décrivent avec plus de réalisme que les premiers cinéastes la vie rude des tondeurs de moutons dans une station éloignée, ou celle des mineurs à la limite du désert. The Irishman (Donald Crombie, 1977), We of the Never Never (Igor Auzins, 1981), The Man From Snowy River (George Miller, 1981), tiré du célèbre poème de Banjo Patterson, appartiennent à la même veine d'inspiration. Des convicts (Journey Among Women, Tom Cowan, 1977) aux bandits des grands chemins (Mad Dog Morgan, Philippe Mora, 1975), les mythes et la réalité australienne se confondent jusqu'à Mad Max (1978) et Mad Max 2 (1981) de George Miller et Crocodile Dundee (Peter Faiman, 1986).

Jusqu'au début des années 80, les cinéastes vont largement puiser dans le passé en adaptant des romans classiques : The Getting of Wisdom (Beresford, 1977), My Brilliant Career (Gillian Armstrong, 1978). Ils s'inspirent aussi d'événements historiques : Breaker Morant (Beresford, 1979), un épisode de la guerre des Boers, Gallipoli (P. Weir, 1980), la tragédie des Dardanelles. Après avoir tourné en 1975 The Devil's Playground, Fred Schepisi* fait éclater la violence traumatisante, pour les Australiens, de son très beau film The Chant of Jimmie Blacksmith (1977) où se révèle la culpabilité de l'homme blanc vis à vis des aborigènes. On retrouve paysages urbains et passé plus proche dans Caddie de Donald Crombie (1975), et Newsfront de Phil Noyce (1977). John Duigan avec Mouth to Mouth (1977) continue à aborder le temps présent avec le problème des jeunes sans emploi.

À partir de 1981, l'aide gouvernementale prend la forme d'abattements fiscaux, le « 10 BA ». Il en découle une augmentation immédiate et importante du nombre de films produits, dont malheureusement la qualité laisse bien souvent à désirer. Le « 10 BA » durera jusqu'en 88-89, pour être remplacé par la Film Financing Corporation, un fonds de financement aussi controversé aujourd'hui que l'a été le « 10 BA » ces dernières années. Grâce au maintien d'une aide au cinéma, une nouvelle génération est venue rejoindre les metteurs en scène les plus célèbres dont beaucoup, comme Peter Weir, Fred Schepisi, Bruce Beresford, George Miller, Gillian Armstrong, Phil Noyce tournent de plus en plus régulièrement aux États-Unis.

À l'instar de John Duigan (Winter of Our Dreams, 1981), les cinéastes abordent de plus en plus des thèmes contemporains et urbains : ainsi Paul Cox (Lonely Hearts, 1981 ; Man of Flowers, 1983), Carl Schultz (Good Bye Paradise, 1981 ; Careful, He Might Hear You, 1982) et Ken Cameron (Monkey Grip, 1981). Le Sud-Est asiatique est évoqué dans Far East de John Duigan (1981) et l'Année de tous les dangers de Peter Weir (1982). Parmi les autres films marquants on peut citer encore Annie's Coming out (Gill Brealy, 1983), Bliss (Ray Lawrence, 1985), Fran (Glenda Hambley, 1984), High Tide (G. Armstrong, 1986) et Unfinished Business (Bob Ellis, 1985). A Street to Die de Bill Bennett (1985) nous rappelle que les Australiens se sont aussi battus au Viêt-nam, tandis que Backlash, du même réalisateur, est un autre regard sur les rapports d'une prisonnière aborigène et de la police. Malcolm (Nadia Tass, 1985), Young Einstein (Yahoo Serious, 1985) et Emerald City (Michael Jenkins, 1988) semblent vouloir renouveler le genre des comédies australiennes. Shame (Steve Jodrell, 1986), Calme Blanc (Phil Noyce, 1987), Ghosts of the Civil Dead (John Hillcoat, 1987), Un cri dans la nuit (F. Schepisi, 1987), Sweetie (J. Campion*, 1988), la Preuve (Proof, Jocelyn Moorhouse, 1991), The Adventures of Priscilla, Queen of the Desert (Stephen Elliot, 1994), Shine (Scott Hicks, 1996), Romeo + Juliet (Baz Luhrman, id.), l'Interview (The interview, Craig Monohan, 1998), Moulin Rouge (Luhrman, 2001) font alterner le suspense, les drames psychologiques et des sujets réels ou imaginaires.

Parallèlement l'Australie continue de produire un grand nombre de courts métrages et de documentaires. Le mouvement documentariste (Dennis O'Rourke, Ian Dunlop, Curtis Lévy, Gary Kildea, David Bradbury, Conolly et Anderson) n'a en effet jamais connu d'interruption même aux moments les moins favorables de l'histoire cinématographique de l'Australie.