BOGARDE (Derek Van den Bogaerde, dit Dirk) (suite)
Cette série de réussites exceptionnelles a haussé Dirk Bogarde au rang de star internationale. La collaboration avec Losey étant épuisée, l'acteur noue une relation également privilégiée avec Luchino Visconti, pour lequel il tournera deux films : les Damnés et Mort à Venise. Il est vraisemblable que sa brouille avec Losey lui a fait surestimer, relativement et dans l'absolu, son travail avec Visconti. Les Damnés marque comme une banalisation de son personnage, dont le magnétisme paraît gommé par une production tapageuse, en dépit d'excellentes scènes. Dans Mort à Venise, le rôle totalement passif de spectateur attribué à Bogarde dans le rôle d'Aschenbach n'a rien de commun avec ces médiums irradiants inventés par Pinter et Losey. Aschenbach n'est plus un homme qui meurt, mais une illustration qui n'a jamais accédé à la vie.
Après Mort à Venise, Bogarde espace ses apparitions. Deux films dominent sa filmographie des cinq dernières années : Providence d'Alain Resnais et Despair de R. W. Fassbinder. Ce dernier film, par son ambition tant au plan du contenu qu'à celui de la forme, a pu faire croire à l'acteur que son rôle atteindrait en ambiguïté et en complexité les niveaux de The Servant... Sa performance reste en réalité bridée par l'esthétisme et l'hermétisme de l'entreprise, alors que Providence tient toutes ces promesses et utilise aussi sa voix admirable comme un instrument de musique de chambre. Ce rôle renouvelle même la palette de son interprétation, dans la mesure où il le dégage des surenchères en morbidité que certains films, dans la filiation de The Servant, lui faisaient endosser, tel Portier de nuit de Liliana Cavani. Parmi ses projets avortés, notons le rôle du détective Harry Dickson et celui du marquis de Sade, deux autres projets non aboutis avec Alain Resnais.
Films :
Quartet (sketch de H. French, 1948) ; Police sans armes (B. Dearden, 1950) ; la Femme en question (A. Asquith, id.) ; Rapt (Ch. Crichton, 1952) ; They Who Dare (L. Milestone, 1953) ; La bête s'éveille (J. Losey, 1954) ; Toubib or not toubib (Doctor in the House, R. Thomas, id.) ; Intelligence Service (M. Powell, 1957) ; le Bal des adieux (Ch. Vidor et G. Cukor, 1960) ; l'Ange pourpre (N. Johnson, id.) ; le Cavalier noir (R. Baker, 1961) ; la Victime (Dearden, id.) ; l'Ombre du passé (The Lonely Stage / I Could Go on Singing, R. Neame, 1963) ; The Servant (Losey, 1963) ; Pour l'exemple (id., 1964) ; Darling (J. Schlesinger, 1965) ; Modesty Blaise (Losey, 1966) ; Accident (id., 1967) ; Chaque soir à neuf heures (J. Clayton, id.) ; l'Homme de Kiev (J. Frankenheimer, 1968) ; Ah Dieu ! que la guerre est jolie ! (R. Attenborough, 1969) ; les Damnés (L. Visconti, id.) ; Mort à Venise (id., 1971) ; le Serpent (H. Verneuil, 1973) ; Portier de nuit (L. Cavani, 1974) ; Providence (A. Resnais, 1977) ; Despair (R. W. Fassbinder, 1978) ; The Vision (Norman Stone, 1987) ; Daddy Nostalgie (B. Tavernier, 1990).