ALTMAN (Robert) (suite)
Tout à coup, sans qu'Altman ait remis en question sa démarche rigoureuse, The Player le remet en selle. Formellement éblouissante (le film s'ouvre sur un plan acrobatique d'une longueur interminable alors que la bande-son ironise sur les grands plans-séquences de l'histoire du cinéma), cette satire mordante du cinéma, à laquelle la profession participe en masse, doit son succès à ces cérémonies d'auto-flagellation que Hollywood aime à accomplir de temps à autre. The Player lui permet de s'atteler très vite à Short Cuts qui, bien que malmenant sérieusement les nouvelles de Raymond Carver, est bien accueilli à cause de l'engouement dont bénéficie l'écrivain. Cette vaste fresque, qui prend ses distances par rapport à l'anecdote pour s'attacher aux personnages, est une des grandes œuvres chorales du cinéaste : il y confirme un talent unique pour épingler un comportement quasi caricatural en le faisant basculer en une fraction de seconde dans une compassion sincère. On attend d'Altman une forte dose de méchanceté, voire de cruauté, sans réaliser que celle-ci est toujours contrebalancée par un humanisme presque renoirien qui aime à trouver à chacun ses raisons. Sans étiquette littéraire, Prêt-à-porter, qu'Altman portait en lui depuis longtemps, montre bien que le malentendu n'est pas dissipé : la critique (américaine particulièrement) est dure envers cette magnifique symphonie loufoque sur le sujet de la futilité. Plus encore qu'un film sur le monde de la couture, Prêt-à-porter est une réflexion sur la vanité des choses : logique, Altman y prend ses aises envers un scénario prétexte et valorise une riche galerie de personnages à laquelle des acteurs littéralement inspirés et arrachés à leur routine donnent une humanité contrastée et chatoyante. Désormais revenu dans le giron hollywoodien, Altman n'en garde pas moins son insolence de franc-tireur : il alterne un élégant produit commercial (Gingerbread Man, remonté contre sa volonté), la chronique intimiste (le savoureux Cookie's Fortune) et la fresque satirique (Dr T. et les femmes). Le parcours obstiné et rigoureux d'Altman nous renvoie finalement à notre propre versatilité et à notre inconstance.
Films :
The Delinquents (1957) ; The James Dean Story (CORE George W. George, id.) ; Countdown (1968) ; That Cold Day in the Park (1969) ; M*A*S*H*, (id., 1970) ; Brewster McCloud (id., id.) ; John McCabe (McCabe and Mrs. Miller, 1971) ; Images (id., 1972) ; le Privé (The Long Goodbye, 1973) ; Nous sommes tous des voleurs (Thieves Like Us, 1974) ; California Split (id., id.) ; Nashville (id., 1975) ; Buffalo Bill et les Indiens (Buffalo Bill and the Indians or Sitting Bull's History Lesson, 1976) ; Trois Femmes (Three Women, 1977) ; Un mariage (A Wedding, 1978) ; Quintet (id., 1979) ; Un couple parfait (A Perfect Couple, id.) ; Health (id.) ; Popeye (id., 1980) ; Reviens, Jimmy Dean, reviens (Come Back to the Five and Dime, Jimmy Dean, Jimmy Dean, 1982) ; Streamers (1983) ; Secret Honor (1984) ; Fool for Love (1985) ; The Laundromat (id.) ; O. C. and Stiggs (id.) ; Beyond Therapy (id., 1987) ; Aria (un des six épisodes, id.) ; Basements (The Dumb Waiter, MM et The Room, MM, id.) ; Vincent et Theo (Vincent and Theo, TV, 1990) ; Black and Blue (vidéo, 1991) ; The Player (1992) ; Short Cuts (1993) ; Prêt-à-porter (id., 1994) ; Kansas City (1996) ; Jazz 34 (id.) ; Gingerbread Man (The Gingerbread Man, 1998) ; Wild Card (id.) ; Cookie's Fortune (id. 1999) ; Dr. T. et les femmes (Dr. T. and the Women, 2000).