TURQUIE. (suite)
Quant au nouveau cinéma populaire qui remplit les salles, l'exemple le plus intéressant et le mieux réussi est sans nul doute le Bandit (Eşkiya, 1996) de Yavuz Turgul. Il s'agit d'un conte populaire réaliste mais volontairement romancé jusqu'à flirter avec le mélodrame, où l'on dénonce l'érosion des valeurs traditionnelles qui font cruellement défaut à la cohésion sociale. Répondant à la fois à un besoin de divertissement et à la nécessité d'un défoulement intérieur libérateur, ce film bat les records de fréquentation avec quelques trois millions de spectateurs. D'autres cinéastes contribuent à cet élan populaire provoqué par le réveil du cinéma commercial d'un nouveau genre, mais ils tirent ce courant vers le bas, sous l'influence des modes cinématographiques dominants pour pulvériser les records de fréquentation. Certains qualifient ces produits de pure distraction, culturellement bâtards, « films Holly-turcs ». Parmi les réalisateurs qui alimentent ce courant, nous citerons Mustafa Altıoklar et Sinan çetin, ce dernier ayant été remarqué à l'étranger par la Propagande (Propaganda, 1998), une parabole satirique sur l'arbitraire et l'absurdité des pratiques administratives.
Parallèlement à ce renouveau du cinéma d'auteur et au réveil du cinéma populaire, les années 90 voient également l'émergence de jeunes cinéastes turcs qui vivent dans les pays européens. Pour la plupart issus de l'immigration, ils ont un regard culturellement riche et contrasté. Fatih Akın qui est né en Allemagne y réalise deux films remarquables : l'Engrenage (Kısa ve Acısız / Kurz und Schmerzlos, 1998), et En juillet (Temmuz'da / Im Juli, 2000). Yilmaz Arslan réalisateur remarqué de la Blessure (Yara, 1998), a tourné une grande partie de ce film en Turquie, bien qu'il habite l'Allemagne. Ferzan Özpetek* est également un cinéaste turc qui vit à l'étranger. Il s'est installé en Italie où il est venu faire ses études. Il retourne tourner en Turquie ses deux premiers films, Hammam (Hamam, 1996), et Harem soirée (Harem Suare, 1999), succès public et critique au niveau international.
La diversité des sensibilités, le dynamisme des coproductions, l'exigence d'une certaine qualité cinématographique, le courage, la persévérance et le professionnalisme des jeunes cinéastes, sont autant d'éléments d'un renouveau qui a pris corps année après année. Entre films d'auteur ambitieux et films de pur divertissement, le cinéma turc peut donc envisager son avenir avec un optimisme inégalé depuis longtemps. Cet avenir multiforme et multicolore sera certainement tourné vers l'Europe, tant sur le plan esthétique que celui des conditions de production.